«Pesticides» : les agriculteurs prennent part aux débats

Publié le 2 juillet 2016

Soirée animée à la Mairie de Saint-Jean, ce lundi soir 20 juin 2016. Dans la foulée de son controversé arrêté « anti-pesticides » (voir TUP 1493), Marie-Dominique Vézian, maire de la commune, organisait une réunion publique d’informations sur ce thème. Pour ce faire, elle avait invité un parterre de scientifiques, élus et responsables d’association à venir s’exprimer sur les dangers des produits phytosanitaires. Une occasion que les Jeunes Agriculteurs de Haute-Garonne, ainsi que plusieurs représentants syndicaux ou simples exploitants, ne pouvaient laisser passer. Grand bien leur en a pris…

Peur sur la ville…

Le tableau était assez apocalyptique. Même si Marie-Dominique Vézian annonçait d’emblée qu’il n’était pas question de stigmatiser la profession agricole, les diverses interventions de la tribune ne laissaient planer aucun doute. Les agriculteurs utilisent des poisons dangereux et il faut que cela cesse. Malformation des nouveaux nés, explosion des cancers chez les agriculteurs, hécatombes chez les abeilles, les chiffres assénés étaient vertigineux. Trop peut-être, à l’image du Professeur Charles Sultan, endocrinologue au CHU de Montpellier, qui annonçait, scandalisé, que la « France achète 80 millions de tonnes de pesticides ». Avant de descendre à 70 millions et de reconnaître enfin que le chiffre exact est… 65.000 tonnes. Une erreur de 1 à 1.000 qui n’a pourtant pas eu l’air de le chiffonner outre mesure. Plus gênant, surtout de la part de médecins comme ce professeur ou le député Gérard Bapt, à l’origine de l’arrêté communal, était le discours à l’emporte-pièce sur la dangerosité des « pesticides ». « Les pesticides sont cancérigènes », « Les pesticides sont des perturbateurs endocriniens », etc. Comme s’il n’existait qu’un seul et unique produit… En partant du principe qu’un médicament est lui aussi un « pesticide », cette condamnation généralisée reviendrait à mettre dans le même sac l’aspirine et le Médiator. On n’a jamais entendu Gérard Bapt, dans son combat louable contre les laboratoires Servier, demander l’interdiction de tout traitement pharmaceutique aux populations fragiles (enfants, personnes âgées et malades), sous prétexte que l’un d’entre eux présentait un danger avéré ! Quant à la présentation de François Veillerette, médiatique porte-parole de l’association Générations Futures, elle confirmait ce qu’en disent ses détracteurs. La projection expresse de petites diapositives illisibles voulait dénoncer la contamination par des perturbateurs endocriniens d’enfants vivant près d’une zone agricole. Si l’étude a fait le buzz dans les médias, scientifiques et statisticiens se sont tous étonnés qu’on ose tirer des conclusions aussi péremptoires d’une étude qui porte sur… 30 personnes. En comparaison, l’étude Agrican de la MSA, sur l’état de santé des agriculteurs et salariés agricoles, portait sur 180.000 personnes.

Mettre un visage sur l’agriculture

Certes, l’arrêté municipal a toutes les chances d’être retoqué par l’administration. Mais le mal est fait. Devant de telles charges contre l’agriculture, quelle position adopter lors de cette réunion ? Fallait-il entrer dans une bataille de chiffres ? Contester publiquement la crédibilité des intervenants ou de leurs études ? Taper du poing sur la table ? Dans une réunion de moins de trois heures, il n’était pas possible de rentrer dans un débat technique et scientifique, qui risquait de perdre un public forcément inquiet pour sa santé et celle de ses enfants. Si certains agriculteurs présents ont eu du mal à retenir leur colère et que la soirée a vu quelques passes d’armes un peu houleuses, la meilleure des réponses aux angoisses du grand public est venue des jeunes. Venus en nombre et prenant la parole tout à tour, ils ont parlé simplement de leur métier, de leurs pratiques, ou encore de leur difficulté devant les impasses techniques causées par le retrait de certaines matières actives. « Venez voir les agriculteurs et parler leur, au lieu de rester sur des idées préconçues de notre façon de travailler », plaidait une jeune agricultrice d’Auterive. « Mes aubergines sont attaquées par des pucerons et la lutte biologique avec des coccinelles coûte le double d’un traitement, alors que ma marge est déjà presque nulle. Que feriez-vous à ma place ? » demandait un maraîcher d’à peine 20 ans. Ces interventions ont toutes été accueillies favorablement par le public. Elles ne comblaient pas, loin s’en faut, le fossé qu’il y a entre la réalité de l’agriculture et l’idée que s’en font nos concitoyens. Mais elles ont eu comme effet indéniable de mettre un visage sur ceux qui la pratiquent au quotidien et de montrer qu’ils ne sont pas ces caricatures d’ogres mangeurs d’enfants qu’on voudrait leur coller sur le dos.

Ce n’est peut-être pas grand-chose mais rien que pour cela, il fallait être présent à ce genre de réunion. Pour amener un peu de réalité aux fantasmes et faire entendre une autre voix sur un sujet ô combien complexe. Les échanges qui ont eu lieu à la sortie de la mairie montraient que certains arguments des agriculteurs avaient porté. Mais il y a encore beaucoup à faire pour convaincre. Continuer à améliorer les pratiques agricoles. Continuer d’aller au devant des consommateurs et renforcer des liens qui se sont par trop affaibli. Même si la crise frappe et que le monde agricole a déjà beaucoup de problèmes à régler, il ne pourra s’affranchir de cette nouvelle tâche : communiquer encore et toujours.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia