La Chambre d’Agriculture refuse de se faire racketter

Publié le 20 décembre 2014

L’ordre du jour était chargé, lors de la dernière session de la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne de l’année, qui se tenait à Toulouse, 5 décembre 2014. Projet de Loi de Finances 2015, nouvelle PAC, zones vulnérables, LGV, Sivens, etc., la fin de l’année est des plus riches en actualités brûlantes. Venue assister et participer aux débats, la sous-préfète Florence Vilmus représentait le Préfet de région, Pascal Mailhos, qui témoignait par là de l’intérêt qu’il porte à l’agriculture et ses enjeux. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la Préfecture aura été servie, en termes de messages à rapporter au niveau national…

Complexification et freins à la production

Les débats ont commencé sur le sujet de la nouvelle PAC. Qualifiée d’« usine à gaz », sa complexité est à l’opposé du choc de simplification annoncé par le Gouvernement. Alors que chaque ministère a recruté une personne chargée de la simplification administrative, le dossier de cette nouvelle PAC est devenu à ce point compliqué que les règles du jeu ne sont toujours pas arrêtées, à moins de quelques semaines de son entrée en vigueur… Un retard inadmissible pour les agriculteurs qui sont, de ce fait, dans l’impossibilité de prévoir quoi que ce soit pour la campagne à venir.

Dans la même veine, le dossier Zone Vulnérable est également symptomatique de l’incompréhension totale qu’éprouve la profession agricole sur la politique menée par le Gouvernement. « Il aura fallu 2 ans de travail intenses avec les services de l’État pour trouver un compromis sur ce dossier », tempêtait Yvon Parayre, Président de la Chambre d’Agriculture. « Tout ça pour que quelques bureaucrates parisiens bien pensants réduisent ce travail à néant, en juillet 2014, en introduisant le risque d’eutrophisation dans le dossier et fixant un taux de nitrate inférieur à 18 mg par litre. Dans notre région, ces critères n’ont pas de sens ! » Alors que la relance économique, la création d’emplois et d’entreprises sont au cœur des discours officiel, les membres de l’assemblée plénière ont tous pointé du doigt le carcan de plus en plus serré de réglementations, de procédures et d’interdictions qui décourage de plus en plus à exercer le métier d’agriculteur. « Un exploitant passe aujourd’hui 1 journée et demie par semaine à remplir du papier », rappelait Yvon Parayre. « Il faut libérer l’entreprise pour qu’elle puisse faire preuve d’innovation et de créativité. Il faut revenir au bons sens agronomique que nos bureaucrates parisiens ont a priori oublié. »

Le cas de Sivens illustrait également le fossé qui se creuse entre agriculture, Pouvoirs Publics et société. Revenant sur le décès tragique d’un jeune homme qui a, quoi qu’on en dise, profondément touché le monde agricole, Yvon Parayre a tenu à rappeler que l’eau est un enjeu majeur pour la survie de l’agriculture. Alors que l’homme a pratiqué l’irrigation depuis la nuit des temps pour produire et manger, que dans certaines régions du monde, on se bat pour contrôler le débit d’un fleuve ou un point d’eau et que le réchauffement climatique va se traduire par une augmentation de 2 ou 3 degrés de plus en 2050, la France hésite encore à se créer des ressources en eau. « Depuis 3 ans, une sécheresse chronique en Californie oblige de nombreuses villes à restreindre l’eau courante », notait Yvon Parayre. « Plus près de nous, 2 tankers d’eau potable partaient tous les jours de Marseille pour alimenter Barcelone, en 2010. L’Espagne fait d’ailleurs financer, en partie par l’Europe, des usines de désalinisation pour avoir de l’eau potable en été. Or de l’eau, nous en avons en Midi-Pyrénées. Encore faut-il la retenir. C’est notre devoir. » Soulignant que si les « Zadistes » avaient existé auparavant, jamais le Canal du Midi, la Tour Eiffel ou encore le réseau ferroviaire français n’auraient pu voir le jour, le Président de la Chambre d’Agriculture a estimé que si la retenue de Sivens ne se fait pas, ce sont tous les futurs projets d’aménagement de France qui seront remis en question. Or, avec une population estimée à 85 millions d’habitants en 2050, la République se doit de sécuriser l’approvisionnement en eau et en nourriture et de ne pas plier sous la pression de quelques groupuscules écologistes.

« Hold-up » d’État

Très grosse inquiétude pour la Chambre d’Agriculture 31 avec le projet de Loi de Finances 2015. De fait, trois des mesures prévues impactent sérieusement son budget. La ponction sur les fonds de roulement supérieurs à 90 jours se traduirait par un prélèvement de 900.000 € sur les comptes de la Chambre. La baisse de 5,35% de la Taxe Foncière sur le Non Bâti prévue au 1er janvier 2015 va ensuite amputer son budget d’environ 230.000 €, soit l’équivalent de 4 salariés à temps plein. Enfin, s’ajoutera à tout cela, en 2016, une taxe de 5% maximum pour alimenter un fonds de solidarité sensé venir en pompier des Chambres d’Agriculture en difficulté. En résumé, après une ponction douloureuse, la Haute-Garonne devra fonctionner à partir de 2016 avec un budget en baisse de 450.000 €. « Depuis 2010, nous gérons la Chambre d’Agriculture en bon père de famille », déclarait Yvon Parayre. « En optimisant nos charges et en développant une offre de services, nous nous sommes constitués des réserves pour notre projet immobilier, tout d’abord, mais aussi pour pouvoir investir demain, sans avoir à emprunter. Ce qui ne sera désormais plus possible. En punissant les « bons élèves », l’État prône la médiocrité et non l’excellence. » Comme ce manque à gagner ne pourra pas être compensé par une augmentation des prestations de service, la Chambre d’Agriculture n’aura d’autre possibilité que d’agir sur la masse salariale et donc sur l’emploi. Une absurdité selon la direction de la Chambre d’Agriculture, quand on voit les chiffres du chômage tout d’abord, et quand on analyse le poids économique de l’agriculture et l’agroalimentaire, rares branches excédentaires dans la balance commerciale française. « Le réseau des Chambres d’Agriculture contribue à cet excédent par l’accompagnement des agriculteurs », insistait Yvon Parayre. « Alors pourquoi le mettre à mal ? C’est ridicule. Si l’État veut faire des économies, il ferait mieux de regarder du coté du Conseil Général de la Haute-Garonne. S’il faisait juste appliquer le Code Rural, il ferait l’économie d’une Chambre d’Agriculture Bis, payée par le contribuable depuis des années. »

La session s’est achevée sur les dossiers de la Réforme territoriale et la loi d’avenir. Avec 13 régions demain, la Chambre d’Agriculture a bien intégré que les pouvoirs  de décisions se situeront  désormais au niveau régional. Elle entend donc poursuivre la régionalisation, la mutualisation et l’interdépartementalisation de ses missions pour optimiser ses charges tout en assurant un service de qualité et de proximité aux agriculteurs. Elle a toutefois indiqué aux représentants de l’État que les Chambres d’Agriculture peuvent jouer un rôle d’expertise sur de nombreux dossiers auprès des Régions. Par conséquent, il serait inutile que ces dernières recrutent spécifiquement sur ces missions quand les compétences existent déjà sur le terrain.

 

Sensibiliser les députés

Yvon Parayre et Gérard Bapt ont longuement échangé sur l'agriculture départementale.
Yvon Parayre et Gérard Bapt ont longuement échangé sur l’agriculture départementale.

Validé par les Députés mais rejeté par les Sénateurs, le projet de Loi de Finances 2015 doit repasser devant l’Assemblée Nationale dans les prochains jours. Une commission mixte a été mise en place à cet effet et devrait donc proposer des amendements.
Si la Chambre d’Agriculture 31 est d’accord pour contribuer à résorber les déficits publics, elle s’est fermement déclarée opposée aux conditions actuelles du Projet de Loi. Elle propose de fixer le prélèvement sur les Fonds de Roulement supérieurs à 120 jours (au lieu de 90 proposés actuellement) et de maintenir la TFNB en l’état. Il est donc primordial, pour les Chambres d’Agriculture, de sensibiliser les députés français sur les conséquences d’une Loi de Finance inadaptée.
C’est ainsi qu’Yvon Parayre a reçu, le 08 décembre dernier, Gérard Bapt, député PS de la 2ème circonscription de Haute-Garonne. Pendant plus d’une heure de questions-réponses, il a échangé avec la direction de la Chambre d’Agriculture 31 sur le projet de loi de finances mais aussi sur l’agriculture départementale. Très attentif aux problématiques exposées, il s’est également déclaré très séduit par le projet du Drive toulousain, qu’il a découvert à l’occasion.
Une entrevue des plus satisfaisantes qui laisse espérer une information plus réaliste auprès des députés de l’Assemblée Nationale, mais qui montre aussi un manque de communication entre agriculteurs et pouvoir politique. Une lacune que la Chambre d’Agriculture entend bien combler… si on lui en laisse l’occasion. De fait, Gérard Bapt est, à l’heure actuelle, le seul député ayant répondu à son invitation…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia