Le Juste prix du foncier agricole

Publié le 20 mars 2011

Quels sont les éléments qui déterminent le prix du foncier agricole ? Qu’est-ce qu’un juste prix du foncier ? Quels sont les facteurs sur lesquels on peut jouer si on veut réguler ce marché ? Telles étaient les questions que la SAFER Gascogne Haut-Languedoc (GHL) soumettait à ses partenaires lors de sa 2ème rencontre départementale annuelle, le 1er mars dernier, à son siège d’Auzeville.

Un marché local très fermé

Si son territoire d’intervention couvre 4 départements (Ariège, Gers, Haute-Garonne et Hautes-Pyrénées), la SAFER GHL souhaite conserver un dialogue avec ses partenaires locaux, sur les problématiques qui leur sont propres, par le biais de ces journées départementales. En cela, le thème de la valeur du foncier agricole, retenu cette année, est révélateur du contexte très particulier de la Haute-Garonne. La SAFER ayant connaissance de toute transaction sur les parcelles de nature agricole, elle dispose d’une banque de données du marché de l’espace rural et d’une analyse de la conjoncture qu’elle partageait ce jour-là avec ses actionnaires, les organismes para-agricoles et des représentants de l’administration et des collectivités locales. Laurent Forest, président du comité technique SAFER Haute-Garonne, le rappelait en introduction : la consommation d’espace agricole, due à l’expansion de Toulouse, qui avait légèrement baissé depuis 3 ans, passant de 1.000 ha par an à 700, reprend de plus belle en 2010. Conséquence inévitable, le marché du foncier se ferme de plus en plus. « Les ventes de terres agricoles en Midi-Pyrénées représentent moins d’1% de la SAU, » précisait Henri de Ferluc, directeur de la SAFER GHL. Et les prix grimpent. « Même s’il y a de grosses différences entre les différents secteurs de Haute-Garonne, les prix ont fortement augmenté ces 2 dernières années », constate Laurent Forest. « La SAFER dispose d’outils d’intervention, comme les préemptions et les révisions de prix. Reste à savoir comment les utiliser au mieux des intérêts du monde agricole. » C’est ce que se sont employés à exposer Henri de Ferluc et Christian Roussel, directeur du service départemental SAFER Haute-Garonne, qui ont présenté l’activité de la SAFER 31 pour l’année 2010. Revenant sur le droit de préemption, Christian Roussel a rappelé que cet outil n’était utilisé que dans 1% des ventes sur le territoire de la GHL et que seul un tiers des préemptions donnait lieu à une révision de prix.

Un prix du marché à relativiser

« Quoiqu’on dise du marché du foncier agricole aujourd’hui, les prix ne sont pas si élevés que ça… » C’est ce que déclarait, un brin provocateur, Henri de Ferluc. De fait, depuis 1975, les prix n’ont cessé de baisser, pour ne reprendre leur progression qu’au début des années 2000. Robert Levesque, de la FNSAFER, invité pour l’occasion, s’est ainsi livré à une analyse du marché du prix du foncier agricole en France et en Europe depuis les années 50. Son intervention visait à expliquer les mécanismes de constitution de ces prix de marché. « Entre 1952 et 1974, les prix des terres ont été multiplié par 3, en France », démontrait-il. « Puis ils ont perdu 60% de leur valeur jusqu’en 1995. En 2009, nous nous retrouvons au même niveau qu’en 1961. » Or, l’analyse de ces variations montre une très forte corrélation, certes avec la valeur ajoutée potentielle du foncier et les taux d’intérêts des prêts fonciers, mais aussi avec le moral des agriculteurs. L’exemple le plus frappant restant la mise en place de la PAC, en 1992. En 2 ans, de 90 à 92, on assiste à un décrochage des prix de 20%, qui n’a aucune justification économique. « C’est bien le moral des agriculteurs, qui ne croyaient pas en l’avenir et ne voulaient pas investir dans du foncier, qui prédomine dans la constitution des prix du marché », conclut-il. Robert Levesque a aussi tenu à replacer le marché du foncier agricole français dans un contexte européen. « Il y a un rapport de 1 à 8 sur le prix du foncier, entre les moins chers et les plus chers d’Europe », expliquait-il. « Mais s’il faut, en 2008, 6 années de marges brutes agricoles pour acheter 1 ha de terre, en France, il en faut 10 aux Pays-Bas, le plus cher. Le rapport, dans ce cas, n’est plus que de 1 à 2, au niveau européen. » Selon cet éclairage, le prix du foncier français se trouve donc dans une fourchette raisonnable, grâce notamment à un marché plus ouvert que dans beaucoup de ses voisins européens. Pour Michel Baylac, Président de la SAFER GHL, l’enjeu est donc bien d’arriver à contenir la fermeture du marché du foncier agricole que l’on constate actuellement. « C’est le seul moyen de conserver un prix de terres compatible avec les transmissions d’exploitation », rappelait-il. « Il faut que les terres se vendent et s’échangent dans un contexte d’artificialisation du foncier davantage maîtrisé. » C’est pour cela que ce type de journée départementale SAFER, avec la présence des collectivités territoriales, revêt une importance particulière.

La journée s’est achevée sur l’intervention de Jean-Paul Puillet, du Crédit Agricole Toulouse 31, sur l’impact du prix des terres sur la capacité de financement des exploitations agricoles. Il a rappelé que si le foncier représente une part importante des investissements, il ne faut pas oublier que les investissements en matériel, en bâtiments, sont indispensables pour avoir une exploitation économiquement durable. « Il faut toujours se poser la question : le foncier, pour quoi faire ? », insiste-t-il. « C’est pourquoi le Crédit Agricole prend en compte l’ensemble de ces critères pour l’instruction des dossiers bancaires et s’assurera que le demandeur puisse se dégager un revenu à hauteur de ses besoins, en fonction de sa situation personnelle et familiale. » Cette rencontre départementale fut, au final, un temps fort pour la profession agricole, marqué par des débats toujours animés sur ce sujet ô combien sensible. Temps fort auquel il ne manquait qu’une présence plus accrue des Présidents de commissions cantonales. Au vu de la richesse et de la qualité des informations et des débats, il valait pourtant la peine de se déplacer à Auzeville, ce jour-là…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia