Paris, capitale de la régulation mondiale

Publié le 22 juin 2011

Ils sont venus du Mali, du Niger, du Brésil, du Japon, mais aussi des États-Unis, du Canada, de l’Uruguay… L’appel  de la FNSEA et des JA aux délégations paysannes internationales a manifestement été largement entendu.

En faisant le pari de réunir une conférence internationale à Paris, à quelques jours du très officiel G20 agricole, Xavier Beulin, le Président de la FNSEA, a réussi à réunir plus de 120 délégations venues de 80 pays différents. Autant qu’une volonté d’appuyer la demande de régulation des marchés lors du G20 agricole des 22 et 23 juin, cette rencontre de Paris, dans la principale salle de l’OCDE, a été l’occasion, pour les paysans du monde, de s’affirmer haut et fort. De se présenter comme un enjeu crucial à venir, compte tenu des 9 milliards d’habitants à nourrir prochainement et du milliard de personnes sous-alimentées aujourd’hui. Il paraissait loin le temps où l’OMC semblait devoir régir l’avenir agricole en orchestrant la suppression des frontières et de toute forme de subventions. Bien au contraire, Nicolas Sarkozy, dans son discours d’ouverture, ne manquait pas d’insister sur la nécessité de réinvestir dans l’agriculture, tant de la part du public que du privé. « Produire plus et mieux, cela ne sera possible qu’à la condition que l’agriculture redevienne un domaine d’investissement majeur », affirmait-il. Autre credo : non pas l’interdiction de toute mesure aux frontières, mais une concertation (quand par exemple un pays décide de suspendre ses exportations), ou encore la recherche d’une plus grande transparence des marchés sur les données stratégiques. « Il faut lancer un nouveau système d’information sur les marchés, à l’exemple de ce qui a été fait, il y a dix ans, pour le pétrole », proposait le Président de la République. Un discours plutôt apprécié de la part des délégations, surtout lorsqu’il fustigeait « les abus des marchés dérivés des matières premières ». Même si la plupart des participants sait bien que les marchés financiers sont indispensables pour assurer une couverture des transactions agricoles.

Écouter les organisations agricoles

La réunion de ce G120 dépassait d’ailleurs les thèmes de la régulation financière, voire même du G120. C’était l’occasion pour les paysans de la planète d’une certaine reconnaissance : lorsqu’une experte de la FAO, Marcela Villareal, et le représentant spécial de l’ONU pour la sécurité alimentaire, David Nabarro, affirment que la 1ère chose à faire est d’écouter, sur le terrain, les organisations agricoles, c’est – à entendre les familiers de ces organisations – une petite révolution. L’occasion était trop belle pour ne pas évoquer tous les freins à la production agricole locale. Un producteur du Niger stigmatisait l’absence de volonté politique, un délégué brésilien s’interrogeait sur les rôles respectifs des petites et grandes exploitations, un péruvien interrogeait : faudra-t-il demain produire avec ou sans des OGM ? Une camerounaise appelait de ses vœux une « Organisation mondiale de l’agriculture », faisant réagir l’experte de la FAO pour qui, justement, la FAO en pleine transformation sera peut-être cette organisation.

Même richesse d’interventions lors d’une première table ronde, Lacina Tuo, Président des cotonniers de Côte d’Ivoire appelant de ses vœux des outils de transformation industrielle sur les zones de production du tiers monde, ou encore Christian Pèes insistant sur la complémentarité des filières agricoles entre le Nord et le Sud qui doivent éviter de s’affronter en direct sur les prix.

Complémentarité Nord-Sud

C’est bien de complémentarité nord-sud qu’il s’agit. Pour l’instigateur de la rencontre, Xavier Beulin, un des deux grands objectifs de l’événement consistait à faire « renoncer au principe qu’une des parties du monde doit nourrir l’autre. » Corollaire : l’agriculture doit être développée partout sur la planète. Le deuxième objectif consiste à « progresser dans la gouvernance de l’agriculture », avec une plus grande transparence, tant en ce qui concerne les moyens de production, l’état des stocks et la régulation des marchés financiers. En clair : abandonner « la vision monolithique » de l’OMC sur l’agriculture, qui ferait de la libéralisation la solution à tout. Si le cycle de Doha, pour l’agriculture, n’est pas encore mort, les 120 délégations présentes à Paris étaient tout près de l’enterrer. Sans attendre…

Sources: Agra Presse Hebdo

Le saviez-vous ?

Vous pouvez retrouver sur internet l’ensemble des débats en vidéo. Il vous suffit de vous rendre sur le site de la FNSEA : http://v3.fnsea.fr/les-evenements/g120 Les vidéos sont mises à disposition par l’OCDE. Leur visionnage nécessite peut-être l’installation d’un plugin vidéo (windows media plugin) sur votre ordinateur. Mais l’opération ne présente pas de difficulté particulière.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia