Le remplacement : une solution qui prend de l’ampleur

Publié le 24 mars 2017

Matthieu Baudriller avait le sourire. Le bilan annuel du Service de Remplacement de Haute-Garonne qu’il préside était plus qu’encourageant pour l’avenir de la structure. L’Assemblée Générale du 9 mars 2017, au SIVOM de St Gaudens, montrait que le nombre d’adhérents, de journées de remplacement ou de salariés est en nette augmentation depuis l’an passé. « Le Service de Remplacement va bien, même s’il faut reconnaître que nous sommes loin d’atteindre le potentiel du département », ajoute-t-il, lucide. De fait, avec 332 exploitations adhérentes, qui représentent 419 personnes susceptibles d’être remplacées, ce sont à peine 10% des agriculteurs professionnels qui souscrivent à cette solution. Une marge de progression qui ne rebute pas le Service de Remplacement et l’incite à redoubler d’efforts.

Un rôle social avant tout

En 2016, ce sont plus de 38.000 heures de remplacement qui ont été effectuées dans le département. 80% d’entre elles l’ont été pour des motifs de congés, maternité/paternité et maladie/accident. Les 20% restant se partagent à part égale entre remplacement pour activités extérieures à l’exploitation (formation, mandat syndical ou professionnel) et complément de main d’œuvre pour assister l’adhérent sur son exploitation. « Le remplacement a clairement un rôle social et familial », insiste Matthieu Baudriller. « Il permet d’avoir une aide en cas de pépin de santé ou de pouvoir quitter sereinement l’exploitation pour « souffler » un peu et se changer les idées. » Si l’activité est en hausse de 14% en un an, il est à noter que le remplacement pour congé maternité a littéralement explosé, avec 300% d’augmentation !

Pour permettre le remplacement pour motif professionnel et syndical, le SR31 a bénéficié, en 2016, d’une enveloppe annuelle de 31.000 € provenant des fonds du CASDAR*. Ce budget étant régionalisé, la Haute-Garonne a pu récupérer 3.000 € non consommés par d’autres départements. Pourtant, chaque année, l’enveloppe départementale est consommée avant la fin de l’année, généralement vers le mois de septembre. Le SR31 a donc à nouveau puisé dans ses fonds propres pour assurer ce service jusqu’au bout. Cette année, ce sont ainsi 5.500 € qui auront été débloqués pour compléter le budget CASDAR.

Objectif : 100% de satisfaction

Avoir des adhérents satisfaits passe par un service administratif réactif et des agents de remplacement compétents. Mais pour cela, il faut aussi des salariés satisfaits et motivés. La gestion des Ressources Humaines est donc un enjeu majeur pour le SR31. Réunions de salariés, journées de formations (manipulation de bovins, Certiphyto, bucheronnage, etc.), entretiens individuels étaient ainsi planifiés tout au long de l’année pour accompagner au mieux les 153 agents de remplacement qui sont intervenus en 2016. 60% d’entre eux étant des contrats à durée déterminée, le volume d’emploi du SR31 représente environ 24 ETP**. « Plus nous aurons d’activité, plus nous pourrons recruter d’agents et disposer ainsi d’un vivier de main d’œuvre disponible, compétente et adaptée à 100% aux demandes de nos adhérents », poursuit le Président. Le SR31 s’est justement donné pour objet d’atteindre les 6.000 journées de remplacement en 2017, soit 500 de plus que cette année. Il a, pour ce faire, étoffé son équipe administrative qui passe de 2 à 3 salariées. Ces dernières sont également mises à disposition de deux autres structures, créées par le Service de Remplacement dans le département pour répondre à des besoins spécifiques que le SR31 n’est pas en mesure d’assurer. « Nous ne pouvons proposer des agents qu’à des agriculteurs ou des sociétés agricoles », précise Matthieu Baudriller. « De même, la mise à disposition d’agents pour des groupements d’employeurs ne doit pas excéder 10% de notre activité. Nous avons donc créé AgriServices 31, qui est spécialisé dans le complément de main d’œuvre pour ces groupements mais aussi dans l’emploi saisonnier. Puis nous avons lancé MultiAgri 31, qui s’adresse à des entreprises, des CUMA ou des collectivités territoriales qui doivent réaliser des travaux agricoles. » Ces deux structures, respectivement présidées par Jean-Luc Verdier et Françoise Barthe, ont d’ailleurs profité de cette journée pour présenter leurs bilans. Comme le SR31, les deux structures affichent de belles progressions d’activité et ambitionnent de s’imposer comme une solution fiable et abordable pour la gestion de main d’œuvre occasionnelle.

Des ambassadeurs pour convaincre

Si ses utilisateurs sont convaincus de la pertinence du remplacement, le faible taux d’adhésion au regard de la population agricole a amené le Service de Remplacement à communiquer davantage à destination des exploitants. L’animatrice du réseau départemental, Aurélie Abadie, a ainsi participé à la quasi majorité des Assemblées Générales des organismes agricoles de Haute-Garonne de ces derniers mois. Au niveau régional, le Service de Remplacement Occitanie a lancé, en juin 2016, le concours « Votre remplacement, une organisation innovante ». Il proposait aux utilisateurs de témoigner des solutions mises en place chez eux pour faciliter l’intégration et le travail d’un agent de remplacement. Satisfaction de plus pour le SR31, c’est un de ses adhérents qui l’a remporté. Francis Pressecq, de la SCEA de Jordi à Venerque, a reçu des mains de Yasmina Azmy, la directrice du SR Occitanie, le 1er prix, à savoir une semaine de remplacement, à utiliser dans l’année. Revers de la médaille, le lauréat devient Ambassadeur du remplacement pour la Haute-Garonne. Un rôle qui ne dérange pas Francis Pressecq, loin de là. Ce céréalier est un convaincu de longue date. Pluriactif, il a recours au SR31 depuis plusieurs années. Pour permettre à l’agent de remplacement de se repérer dans le parcellaire, il a eu l’idée de réutiliser le Registre Parcellaire Graphique (RPG) de sa déclaration PAC. Il a ainsi annoté les cartes grand format pour y indiquer le lieu-dit, le point d’entrée, les repères visuels éventuels, mais aussi des données relatives aux travaux menés (réglages de l’épandeur, dosage et quantités estimées à épandre sur la parcelle, etc.). Des éléments qui ont bien servi à Simon, son agent de remplacement depuis 8 ans, d’abord pour bien démarrer, puis désormais recevoir des instructions précises sans avoir forcément à se rencontrer.

Aurélie Abadie, Simon Asset, Francis Pressecq, Yasmina Azmy et Matthieu Baudriller.
Aurélie Abadie, Simon Asset, Francis Pressecq, Yasmina Azmy et Matthieu Baudriller.

L’exemple de la SCEA de Jordi a enfin le mérite de montrer que le remplacement peut s’appliquer aux grandes cultures, qui ne représentent actuellement que 10% des utilisateurs du service. « Un des problèmes en grandes cultures est que nous avons tous besoin de main d’œuvre au même moment », reconnaît Francis Pressecq. « Ceci dit, avec l’ajout de nouvelles cultures dans les assolements, ce problème pourrait être résolu. Par exemple, chez moi, je ne remise plus mon semoir, comme à mes débuts, car je m’en sers toute l’année. En décembre, j’ai les pois, puis j’ai ajouté des pois chiches en février et à la mi-mai, je sème du soja, etc. »

Avec une situation comptable et financière très saine pour les trois structures présentées lors de cette matinée, le SR31 et ses deux satellites complémentaires veulent poursuivre sur cette lancée positive. Ils comptent bien pour cela s’appuyer sur ce que Matthieu Baudriller appelle les « 4 pieds de la chaise » : les adhérents, les agents de remplacement, l’équipe administrative et les élus. « Nos principales ressources pour accomplir ce travail sont nos moyens humains plutôt que financiers », concluait-il. « Le remplacement, c’est vous, c’est nous et nous allons continuer à travailler du mieux possible ensemble pour développer un des outils indispensables à la pérennité de nos exploitations agricoles. »

 

* Le Compte d’Affectation Spéciale « Développement Agricole et Rural » (CASDAR) a été créé par la loi de finances de 2006. Alimenté par une taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles, il est redistribué par le ministère de l’agriculture pour financer le développement agricole.
** Équivalent Temps Plein

Auteur de l’article : Sébastien Garcia