Dernier acte pour le procès des coopératives ?

Publié le 10 avril 2015

La Cour d’appel de Toulouse a rejugé Jean-François Renoux et Jean-Claude Labit, Présidents des ex-coopératives Toulousaine de Céréales et Coopéval, ainsi que les Présidents de 3 Associations Spécialisées (AGPB, AGPM et FOP). Ces personnes étaient poursuivies pour « discrimination syndicale », suite à une plainte de la Confédération Paysanne et l’Organisation des Producteurs de Grains (OPG, issue de la Coordination Rurale).

10 ans de procédures

C’est en 2003 que la Confédération paysanne a attaqué le prélèvement d’une taxe obligatoire sur les récoltes de céréales, collectées par les coopératives françaises au profit des associations spécialisées issues de la FNSEA. Tout d’abord classée sans suite, une nouvelle plainte était déposée en 2006, plus sérieuse puisqu’au pénal cette fois, sous les accusations de « discrimination syndicale » et « recel de discrimination syndicale ». La Confédération Paysanne et l’OPG, qui lui avait emboité le pas, reprochaient aux coopératives le caractère obligatoire de ce prélèvement, qu’elles considéraient comme une adhésion forcée à ces Associations Spécialisées (AS) issues de la FNSEA. Le procès en première instance, qui s’était tenu à Toulouse en décembre 2012, avait débouché sur une relaxe générale. Mais le Procureur de la République avait décidé de faire appel de la décision. D’où ce dernier round judiciaire, le 30 mars dernier, en Cour d’Appel. Chacun des prévenus a donc dû à nouveau s’expliquer sur cette cotisation de 16 à 18 centimes d’€ par tonne de céréales, facturée par les coopératives aux agriculteurs et reversées aux AS.

Comme en décembre 2012, les avocats des parties civiles ont dénoncé, dans leurs plaidoiries, l’opacité de cette cotisation et son attribution de facto aux AS en cas d’absence de réponse de l’agriculteur. Et comme en 2012, Jean-François Renoux et Jean-Claude Labit ont justifié d’un changement de pratique, suite à la plainte de 2003. Les agriculteurs étaient ainsi désormais informés par courrier de cette cotisation et se voyaient proposer le choix de l’attribuer soit à l’une des AS, soit à l’OPG, ou même de refuser le prélèvement. Pour rappel, la Confédération Paysanne a toujours refusé d’être bénéficiaire de cette cotisation.

« Buzz » contre Loi

Il faudra attendre les réquisitions de l’Avocat Général pour assister à autre chose qu’une répétition de 2012. Ce dernier a ramené les débats sur le terrain du Droit, pointant du doigt plusieurs points pour le moins problématiques. Il a ainsi estimé difficile de poursuivre deux personnes morales n’ayant plus d’existence légale, suite à la fusion des coopératives avec respectivement Arterris et Euralis. Mais il s’est surtout interrogé sur les motifs légaux de poursuivre des Présidents de coopératives. De fait, le Code Rural précise qu’une coopérative est dirigée par son Conseil d’Administration et non son Président, qui n’a qu’un rôle de représentation. Il concluait en estimant que s’il y avait eu des anomalies, elles avaient été corrigées et que du point de vue du Droit, aucun élément ne justifiait une poursuite au pénal. « Il aura fallu 6 ans pour qu’on parle enfin de Droit », s’exclamait l’avocat de Jean-Claude Labit. « Pas une seule fois, les parties civiles n’ont eu d’argumentation juridique. Ce procès sert juste à faire du « buzz », pour porter des oppositions syndicales sur la place publique. Ce n’est pas le rôle d’une juridiction pénale. » Ses confrères ont également rappelé que des membres de la Confédération Paysanne et la Coordination Rurale siégeaient dans les Conseils d’Administration et qu’il n’y a en outre jamais eu de plainte, ni de demande de remboursement d’un quelconque agriculteur. Pour eux, il n’y a donc ni victimes, ni discrimination.

Reste à savoir ce qu’en pensera la Présidente de la Cour d’Appel. Réponse le 12 mai 2015…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia