Le Cerfrance31 prend les conseils d’un ours

Publié le 12 octobre 2014

Fidèle à la tradition qu’il s’est fixé depuis les débuts de ses Soirées Entreprises, le CERFRANCE 31 a de nouveau invité une personnalité hors normes, après son Assemblée Générale 2014 à Auzeville. C’est avec un plaisir évident que Bernard Ader, son Président, présentait Stéphane Lévin, explorateur scientifique toulousain, à l’assistance, ce 06 octobre dernier. Ayant fait connaissance lors du Congrès National CERFRANCE de Toulouse, en juin, les deux hommes avaient rapidement sympathisé. C’est donc tout naturellement que Stéphane Lévin a accepté de venir souffler le chaud et surtout le très froid dans l’amphithéâtre de la Cité des Sciences Vertes, en relatant des aventures qui ont emmené le public bien loin de Toulouse.

Hiver polaire en solitaire

Depuis sa naissance, ce solide gaillard d’aujourd’hui 52 ans a toujours suivi un parcours atypique. Né au Cameroun sur une exploitation de café, il révèlera très vite une passion pour les sports extrêmes et l’aventure. Géologue de formation, il aura de multiples métiers, comme concepteurs de circuits touristiques ou directeur de croisières, qui lui feront déjà parcourir le monde. Mais cela ne lui suffit pas. Au-delà des paysages de rêves qu’il traverse ou des montées d’adrénaline en parachutisme, plongée ou deltaplane, il veut « servir à quelque chose ». En 2001, il rallie le pôle nord magnétique à ski, en autonomie totale. Un raid de 450 km sur la banquise qui va changer sa vie. Il imagine alors une expérience jamais réalisée à ce jour : passer un hiver polaire, seul dans le haut arctique canadien. C’est-à-dire regarder le soleil se coucher et attendre, au même endroit, de le voir se lever… 4 mois plus tard. 121 jours en solitaire, dont 70 dans l’obscurité totale, par des températures ressenties descendant à -80°C ! Un pari insensé qui a séduit l’Agence Spatiale Européenne, dont les équipes scientifiques vont préparer et suivre Stéphane Lévin pendant tout son séjour. Il s’agissait notamment d’évaluer sa résistance physiologique à des conditions extrêmes de survie, les effets du froid et de l’obscurité sur la vision et sur le sommeil, l’impact du régime nutritionnel spécifique, etc. Toute une batterie de tests qui servira à ces spécialistes scientifiques pour la préparation de vols spatiaux de longue durée. Il faudra 18 mois de préparation intensive avant que l’aventurier prenne le départ. Un conditionnement physique et psychologique qui lui permettra de survivre à cette expérience que d’aucuns jugeaient impossible. Très affûté physiquement, Stéphane Lévin déclarait que le mental reste quand même ce qui fait la différence entre la réussite et l’échec. Et il faut être solide dans sa tête pour recoudre soi-même (deux fois !) un doigt gelé qui menace de dégénérer en septicémie fatale, à 100 km de la plus proche présence humaine. Solide pour supporter la présence invisible mais réelle de l’ours blanc autour de son refuge. Solide pour ne pas tomber en dépression dans cette nuit glaciale et sans fin, où même les actions les plus élémentaires comme manger ou faire ses besoins deviennent un casse-tête. Solide enfin pour résister à ce froid inhumain, qui annihile la volonté et provoque la « mort blanche », un engourdissement qui, si on ne le combat pas, vous plonge dans un sommeil dont on ne se réveille jamais…

Repasser de l’ours à l’humain

De son propre aveu, Stéphane Lévin s’est « oursisé » pendant son séjour sur la banquise. « Mes cheveux, ma barbe et mes ongles se sont mis à pousser à une vitesse incroyable », se rappelle-t-il. « Mon audition s’est décuplée, comme ma vision qui  a atteint 20/10 à chaque œil. Malgré un régime surveillé, j’ai pris 12 kg en 4 mois. Et je pouvais dormir jusqu’à 18h par jour. Une vraie hibernation… » Seuls le contact radio avec l’équipe scientifique et médicale, à 8.000 km de là, ses 2 chiens malamute et les innombrables tests à réaliser chaque jour lui ont permis de surmonter le stress permanent de cette expérience et de se focaliser sur sa mission. Au final, 1.500 pages de comptes-rendus scientifiques rédigées, des moments d’euphories et de grande détresse, un exploit humain sans précédent et une envie irrépressible de raconter son histoire et transmettre cette passion de la nature et des ressources insoupçonnées de l’être humain.

Un moment d'évasion visiblement apprécié de Bernard Ader.
Un moment d’évasion visiblement apprécié de Bernard Ader.

Ce qu’il fera, après une réacclimatation difficile à la vie occidentale, au travers d’un livre « Seul dans la nuit polaire » et surtout d’un projet ambitieux : « Voyageurs des Sciences ». Trois années de suite, de 2006 à 2008, il organisera des expéditions professionnelles avec des lycéens de l’Académie de Toulouse. Ces jeunes voyageurs des Glaces (en Arctique), des Sables (dans le désert saharien) et des Fleuves (en Guyane française) ont ainsi réalisé de véritables expériences scientifiques, selon des protocoles établis par des organismes comme le CNES, pour étudier respectivement le réchauffement climatique, la désertification et la déforestation. Stéphane Lévin souhaitait par là valoriser les filières scientifiques, tout en sensibilisant les jeunes et le grand public aux enjeux du développement durable. Un projet et 3 expéditions qui lui ont appris à savoir transmettre une passion. « La motivation ne se décrète pas », résume-t-il. « Elle se suscite. Ce que j’ai appris et que j’ai voulu transmettre à ces jeunes, c’est que rien n’est impossible quand on a la volonté. Il faut oser, ne pas écouter les pessimistes et ne pas craindre l’échec. L’échec fait avancer. C’est l’abandon et le découragement qui sont à exclure. »

Des préceptes bien entendus des participants, à Auzeville, a fortiori pour cette soirée dont le thème était : « Osez votre entreprise dans un monde qui change ». La grande disponibilité de l’explorateur lors du repas qui a suivi a d’ailleurs été largement exploitée par les invités pour en savoir plus sur le vécu et les futurs projets de Stéphane Lévin. Car ce dernier ne compte pas en rester là. Dans un an, il recommence une expérience en solitaire, mais dans l’autre extrême, cette fois. Pour l’opération Namib 2015, il a recherché le coin le plus chaud du globe et ce, de jour comme de nuit. Comme l’indique le nom du projet, c’est dans ce désert de Namibie, considéré comme le plus vieux du monde, avec les plus hautes dunes au monde, qu’il ira passer 121 jours d’enfer, par 70° C au sol… Stéphane Lévin a offert une soirée des plus dépaysantes aux adhérents et partenaires du CERFRANCE 31, qui devraient être nombreux à suivre ses péripéties sur son site internet. Ni givré, ni tête brûlée, mais doté d’un optimisme sans faille, cet homme, promu Chevalier de la Légion d’honneur en avril dernier, vaut à coup sûr qu’on s’intéresse à ses travaux.

 

Un nouveau directeur aux commandes

Alors que Benoît Dal, précédent Président du CERFRANCE 31, quittait officiellement le Conseil d’Administration, sous les applaudissements et les félicitations de la salle, au terme de nombreuses années de travail acharné, l’Assemblée Générale marquait également la prise de fonction d’Émile Le Tellier à la direction de la structure. À 64 ans, cet ancien directeur du CERFRANCE Méditerranée, à la retraite depuis 2011, a été recruté par les professionnels haut-garonnais pour assurer une phase de transition, suite au départ d’Yves Cresseveur, son prédécesseur. « Bernard Ader et le bureau du CERFRANCE 31 m’ont confié plusieurs missions pour lesquelles mon passé et mes expériences seront utiles », explique-t-il.
De fait, le rapprochement des agences de Haute-Garonne et d’Ariège, initié il y a 2 ans, devrait bénéficier de l’expertise d’un des maîtres d’œuvre du regroupement du CERFRANCE Méditerranée. Parti du CERFRANCE de l’Aude, la structure s’est unie à celle de l’Héraut, avant d’englober successivement les Pyrénées Orientales puis Bouches-du-Rhône. Émile Le Tellier dirigeait ainsi, à la fin de sa carrière, une structure de 300 collaborateurs et 10.000 adhérents.
Le contexte de l’arc méditerranéen, avec une faible proportion d’exploitations agricoles, les a d’ailleurs très vite amenés à diversifier leurs services auprès d’autres professionnels. Commerçants, artisans et professions libérales représentent actuellement la moitié des adhérents du CERFRANCE Méditerranée, contre tout juste 15% en Haute-Garonne. Là encore, l’élargissement entamé par la Haute-Garonne depuis quelques années devrait profiter de l’expérience de son nouveau directeur.
Signalons enfin que depuis son départ en retraite, Émile Le Tellier est loin d’être resté inactif. Il dirige en effet « Interservices », une société coopérative spécialisée dans les Services à la Personne. Créée en 2009 par les CERFRANCE, elle est répartie sur tout le territoire national et regroupe près de 400 intervenants. Une corde de plus à son arc que le CERFRANCE 31, actionnaire d’Interservices, compte bien utiliser également.
Émile Le Tellier se définit comme un intérim plutôt qu’un Directeur Général. « Je viens surtout mettre ces expériences au service de la Haute-Garonne », conclut-il. « Ma toute dernière mission sera d’ailleurs de recruter et installer le futur Directeur Général. Ce sera lui (ou elle) qui aura le gros du travail à réaliser. Je suis surtout là pour aider à mettre la structure sur les bons rails. »

Propos recueillis par S.G.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia