Le pointage animal revu par les jeunes

Publié le 10 janvier 2016

Tous les éleveurs le savent, le pointage est un système d’évaluation d’un animal par différents paramètres morphologiques qui varient suivant le type d’animal, la race, sa production ou encore son stade de croissance. Mais beaucoup ne connaissent pas toujours bien les critères de notation. Et ne parlons pas des non-éleveurs… C’est pour remédier à ces lacunes ou, au moins, expliquer de quoi il en retourne aux plus néophytes que quatre jeunes BTS du lycée d’Auzeville ont profité d’un projet de classe imposé pour réaliser une vidéo pédagogique réellement inédite.

Rompre avec les habitudes

Chaque année, les lycées agricoles de France proposent à des élèves de première, terminales et BTS de participer à un concours de pointage. Les qualifications débutent au sein de l’établissement, avant de se poursuivre au niveau départemental. Les finalistes s’affronteront lors du Salon de l’Agriculture de Paris suivant. Alexandre Didier, Baptiste Mur, Quentin Payrastre et Paul Roux sont en 2ème année de BTS ACSE* à Auzeville. Même si leur formation n’est pas particulièrement orientée sur la zootechnie, ces quatre amis sont passionnés d’élevage et participent chaque année depuis 3 ans, aux sélections de leur établissement. Mais ils finissent par trouver le déroulé des qualifications trop figé. Avant la journée de jugement, un pointeur professionnel faisait habituellement une intervention en salle devant les jeunes participants, en fin de journée, pour rappeler les principes de notation. « Cet exposé en soirée ne satisfaisait ni le pointeur, qui devait tenir 2 à 3 heures, ni les élèves, qui décrochaient avant la fin », sourit Quentin. « Et nous allions toujours dans les mêmes exploitations, pour juger les mêmes races. Quand on nous a demandé si nous voulions organiser le pointage 2015 dans le cadre de notre PIC**, nous avons donc accepté, à condition de pouvoir « dépoussiérer » le déroulé. »

Les étudiants commencent donc par solliciter deux nouveaux éleveurs : Éric Dinnat, qui élève des Charolaises à Terrebasse, et Daniel Cabal, éleveur de Gasconnes à Peyssies. La 3ème exploitation qui accueille les qualifications est déjà bien connue des candidats. Le GAEC Albouy, à Francon, a la particularité d’être équipé d’un robot de traite. Sébastien Albouy, lui-même pointeur agréé en Prim’Holstein, et son père ont l’habitude de faire une présentation de leur équipement, chaque année, en marge des qualifications au concours de jugement d’animaux.

Pointage 2.0

Quand on a 19 ans, Internet et les nouveaux moyens de communication n’ont plus de secrets pour vous. C’est tout naturellement que les 4 jeunes vont y recourir pour préparer la journée. Un groupe Facebook de l’évènement est créé pour que les participants puissent suivre en direct les détails, dates, itinéraires et conditions du concours. Mais ils décident d’aller plus loin. « Nous nous sommes rendus chez deux des éleveurs avec du matériel vidéo », explique Paul. « Nous avons filmé Sébastien Albouy et Vincent Galetto, pointeur professionnel de l’UPRA Gasconne. Ils expliquaient en détail tous les critères de notation et les barèmes pratiqués, sur des animaux vivants et non des maquettes et schémas, comme auparavant. » Il faudra ensuite de nombreuses heures de travail pour monter les vidéos sur ordinateur, avec l’aide précieuse d’un de leurs amis, Thomas Sirmen, créateur du site internet spécialisé en machinisme agricole, Agri-31. Au final, ils ont édité un film d’une trentaine de minutes très complet et précis. « Et inédit », insiste Alexandre. « Nous n’avons pas trouvé d’autres vidéos de ce genre en fouillant sur internet. » En lieu et place de l’intervention d’un pointeur, les 50 participants au concours ont ainsi assisté à la projection de ce film, deux jours avant l’épreuve. Une vidéo que nos jeunes ont rendu également disponible en ligne sur Youtube, ce qui permettait à chaque candidat de la revisionner à son rythme et à n’importe quel moment. Une innovation qui a beaucoup plu par son côté ludique, pédagogique et pratique.

Dernière nouveauté dans l’organisation de la journée, nos quatre jeunes avaient aussi voulu soigner la pause de midi. Exit le repas froid amené de la cantine du lycée et place à un aligot-saucisses préparé par ces mêmes jeunes, avec bien sûr un sérieux coup de main de leurs camarades de classe.

Formule gagnante

C’est donc en pleine forme et bien préparés que les candidats ont attaqué les jugements d’animaux, le 26 novembre dernier. Pour cette journée, trois juges professionnels (Sébastien Albouy, Vincent Galetto et Sébastien Suspène, conseiller Chambre d’Agriculture 31 et pointeur en race charolaise) faisaient d’abord leur propre pointage, auquel étaient ensuite comparés les évaluations faites par les élèves d’Auzeville. Les plus proches du résultat des juges étaient alors sélectionnés pour participer au concours départemental, prévu la semaine suivante au lycée de St Gaudens. Le périple a débuté chez Éric Dinnat, où les candidats ont eu à juger deux charolaises. Le bus s’est ensuite rendu à Francon pour le pointage de deux Prim’Holstein et la présentation du robot de traite de l’exploitation. Après la pause déjeuner, la journée s’achevait par le jugement de deux Gasconnes, à l’EARL Cabal, puis par la sélection des 20 candidats pour le concours départemental (5 en charolais et gascon et 10 en Prim’Holstein). C’est lors de ce dernier, qui se déroulait au lycée agricole de St Gaudens, le 7 décembre, que nos quatre jeunes ont pu constater les retombées de leur nouvelle formule. « Sur les 10 premiers du département, 6 sont d’Auzeville », se réjouit Baptiste. « L’an dernier, aucun d’entre nous n’avait franchit cette étape. » Encore mieux, les deux lauréats qui représenteront la Haute-Garonne à Paris pour le pointage Prim’Holstein sont de la Cité des Sciences Verte ! « Une des finalistes nous a confié que la vidéo l’avait énormément aidée dans sa réussite », poursuit le jeune homme. « Cela fait d’autant plus plaisir à entendre qu’elle n’est pas issue du monde agricole et qu’elle débute dans le pointage. »

Quand on sait que le finaliste à Paris se voit offrir un emploi, on mesure toute l’importance que revêt ce genre de concours, qui met les candidats dans les conditions réelles de ce métier complexe. Nos 4 jeunes, décidément jamais à court d’idées, ont d’ores et déjà entrepris d’encourager leurs deux camarades qui monteront à la capitale en février prochain, en réalisant des affiches de soutien qu’ils placarderont dans l’établissement et qu’on retrouvera bien entendu sur leur page Facebook. S’ils peuvent être fiers de leur initiative, les 4 jeunes restent modestes. « Nos professeurs nous ont bien accompagnés et nous avons bénéficié de l’aide financière de la Chambre d’Agriculture et du lycée pour l’organisation », rappellent-ils. « Nous remercions particulièrement Thomas Sirmen pour la vidéo et les éleveurs et pointeurs qui nous ont accordé beaucoup de leur temps pour que cette journée soit réussie. » Il n’empêche qu’ils ont largement dépassé le cadre de leur projet d’école, ne ménageant ni leur temps, ni leurs économies pour avancer les frais, pour réaliser un travail qui servira à tous. Quand on aime, on ne compte pas, parait-il…

 

* Analyse et Conduite de Systèmes d’Exploitation
** Projet d’Initiative et de Communication

Auteur de l’article : Sébastien Garcia