Les dieux de la mécanique agricole

Publié le 13 mai 2012

Ils étaient douze, les 25 et 26 avril dernier au CFPPA d’Ondes, à disputer les sélections régionales, catégorie « Mécanique agricole », des 42èmes Olympiades des Métiers. 12 jeunes d’une vingtaine d’années, issus de différents établissements de Midi-Pyrénées*, qui allaient s’affronter autour de 3 épreuves d’une heure et demie chacune. C’était en effet le temps dont chacun de ces jeunes spécialistes disposait pour constater, diagnostiquer et réparer un défaut sur 3 engins différents : une tondeuse autoportée, un chargeur/valet de ferme et un tracteur. Le tout sous l’œil vigilant d’un jury composé d’experts professionnels et d’enseignants**.

« Un bon entrainement pour les diplômes… »

Dimitri Lobéra-Garcia est en BAC Pro à Ondes. Assis à un bureau devant le capot ouvert d’un tracteur, il termine de rédiger le protocole qu’il a suivi pour effectuer son diagnostic. Sur la table, il n’y a qu’un ordinateur contenant les fiches techniques de l’engin et de quoi écrire. C’est Jacques Desboy, inspecteur technique chez Same Deutz-Fahr, qui a provoqué les différentes pannes (hydraulique, électrique et carburation) que doit réparer le candidat. « 1 heure 30, quand on ne connaît pas les marques, c’est court pour identifier et rectifier les dysfonctionnements qu’on a introduit dans les engins », admet-il. « Mais c’est davantage le raisonnement qu’utilise le jeune pour régler le problème que la réparation en elle-même que nous notons. » Dimitri, lui, a l’air serein. S’il s’est lancé dans ce challenge, c’est plus pour tester ses capacités et relever un défi personnel supplémentaire que par goût de la compétition. Il ne s’est pas spécialement entraîné pour cette épreuve. « J’ai juste révisé mes fondamentaux et été plus attentif que d’habitude lors des cours », sourit-il. « Je trouve que c’est une bonne façon de me préparer au BAC et d’aborder le BTS que je veux faire ensuite. » Sur ce, Dimitri remonte dans la cabine et met le contact. Les voyants sont repassés au vert, le tracteur démarre, épreuve réussie. Il va maintenant pouvoir s’attaquer à la tondeuse. Malheureusement pour lui, Dimitri terminera 3ème, au coude à coude avec Mathieu Zorilla de Saverdun. C’est à Boris Rigal, également apprenti à Ondes, que reviendra l’honneur de défendre la région Midi-Pyrénées à Clermont-Ferrand, en novembre prochain, à l’occasion des finales nationales.

Une filière en manque de jeunes !

Si les 12 candidats n’avaient pas l’air particulièrement impressionnés par l’épreuve, une inquiétude se fait pourtant ressentir chez les professionnels et le corps enseignant. « La filière agromachinisme est en danger faute de jeunes ! » explique Joël Chincholle, membre du jury et responsable SAV chez Argo France. « La plupart des techniciens qui travaillent dans cette branche ne sont pas loin de la retraite et la relève n’est pas là. Plus grave encore, nous avons beaucoup trop de jeunes en perdition qui intègrent l’agroéquipement, alors que c’est un domaine où il faut être bon en électronique, en informatique, en marketing et en culture générale. Mais faute de soutien politique fort et de communication, aller dans des filières techniques est trop souvent perçu comme un échec par les parents. » Même son de cloche chez Olivier Bories, directeur depuis janvier du CFPPA d’Ondes. « Alors qu’on est en pleine crise du travail en France, voilà une filière avec zéro chômage, des salaires à l’embauche au-dessus de la moyenne et des opportunités de carrière exceptionnelles, dont on ne parle jamais dans les médias ! » se désole-t-il. « J’ai sur mon bureau 240 offres d’emploi pour 8 élèves en formation… Il y a un tel manque de main d’œuvre que les entreprises viennent débaucher nos étudiants avant la fin de leur cursus. Outre le fait que ces jeunes ne seront pas complètement formés et manqueront de compétence, ces départs sont considérés, d’un point de vue statistique, comme des échecs aux examens par le ministère de l’agriculture, puisque les élèves ne s’y présentent pas. Et comme les financements sont calculés sur les résultats, pas besoin de faire un dessin pour comprendre que ce cercle vicieux met en danger toute la filière. »

Puisque les médias font défaut en la matière, faites donc passer le mot autour de vous et surtout aux jeunes. Le machinisme agricole, c’est travailler sur des technologies qui ont souvent 20 à 30 ans d’avance sur l’industrie automobile (powershift en 1968, cabines climatisées dès 1972, variation continue toujours inconnue en poids lourds, GPS précis au cm, etc.). C’est aussi pouvoir voyager dans le monde et évoluer en exerçant plusieurs métiers différents. Mais c’est surtout la garantie d’avoir un emploi. Lors du dernier Salon de l’agriculture de Paris, l’APRODEMA*** a demandé aux constructeurs et concessionnaires de lui faire remonter leurs offres d’emploi non pourvues. Depuis mars, l’association en a reçu 5.000…

* CFA Compagnons du devoir d’Albi, Lycée professionnel Tissié de Saverdun, Lycée/CFPPA d’Ondes
** Philippe Estanove (Président du jury, délégué régional APRODEMA) ; Joël Chincholle (responsable SAV Argo France) ; Jacques Desboy (inspecteur technique Same Deutz-Fahr) ; Maxime Tieulié, Nicolas Barthes et Alain Rey (formateurs CFPPA Ondes) ; Daniel Brochet (LEGTA Ondes).
*** Association Professionnelle de Développement de l’Enseignement du Machinisme Agricole et des Agroéquipements (voir http://www.aprodema.org)

 

 

Les Olympiades des Métiers en bref
L’association WorldSkills International organise, tous les 2 ans, une compétition internationale, «WorldSkills Competition», plus connue en France sous le nom « Les Olympiades des Métiers ». À chaque édition, près de 1.000 filles et garçons participent à ce rassemblement mondial de la jeunesse, des compétences et des métiers. Une occasion unique pour ces jeunes professionnels de se mesurer à des concurrents internationaux dont le niveau atteint l’excellence et de comparer leurs compétences. L’occasion aussi de promouvoir les filières de formation professionnelle, en donnant une vision vivante et dynamique des métiers d’aujourd’hui.
Pour participer, une seule condition est requise : avoir moins de 23 ans lors de la compétition internationale, qu’on soit lycéen, compagnon, apprenti, étudiant ou jeune salarié. Organisées dans toutes les régions de France et d’Outre-mer par les Conseils Régionaux ou les organisations professionnelles, les sélections régionales distinguent les meilleurs talents, dans 48 métiers. Près de 6.800 jeunes y ont participé en 2010-2011. Les Finales Nationales, qui se tiendront en novembre de cette année à Clermont-Ferrand, réunissent ensuite les meilleurs lauréats régionaux pendant 3 jours, afin de sélectionner l’Équipe de France des Métiers pour la compétition mondiale.
Ultime étape des Olympiades des Métiers, le WorldSkills Competition est organisé par l’un des 57 pays membres de WorldSkills International. Pendant 4 jours, chacun des finalistes nationaux donnera le meilleur de lui-même dans l’espoir de monter sur la plus haute marche du podium mondial. C’est Londres qui accueillait la dernière édition, en octobre 2011. La prochaine aura lieu à Leipzig (Allemagne) du 2 au 7 juillet 2013.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia