Une basse-cour agroforestière dans le Lauragais

Publié le 12 janvier 2017

L’agriculture communique mal, parait-il. Incompréhensions, voire tensions, se sont développées ces dernières années par l’éloignement entre le producteur et le consommateur. Comment faire, donc, pour renouer des liens et restaurer la confiance ? En décembre 2016, Mathilde Riom et son compagnon, Yann Bacou, ont eu une idée assez culottée. Inviter les gens de leur village du Lauragais à venir travailler une demi-journée avec eux…

S’installer grâce à l’agroforesterie

Salariée d’un organisme para-agricole, Mathilde Riom a décidé de changer de vie et de s’associer avec son compagnon, céréalier sur 140 ha à Fourquevaux (canton d’Escalquens).
Tous deux réfléchissaient depuis quelques temps à changer les pratiques culturales sur l’exploitation. Ils ont décidé de conduire la partie grandes cultures en agriculture de conservation des sols, plus « écologiquement productive. » Sensibilisés par l’idée d’une exploitation plus diversifiée, ils souhaitaient également ramener arbres, haies et animaux sur l’exploitation. C’est ainsi que Mathilde a sauté le pas et décidé de s’installer pour développer une activité de petit élevage. « C’est un projet un peu fou, surtout dans le Lauragais où l’élevage a presque disparu », concède Mathilde. « Mais avec la proximité de Toulouse, nous nous sommes dit qu’il y avait des opportunités à saisir pour deux élevages agroforestiers de volailles et lapins. Nous cherchions aussi un moyen de mieux concilier famille et travail, avec une activité plus passionnante, viable et vivable. L’atelier élevage sera complémentaire des grandes cultures, puisqu’il nous permettra de sécuriser les débouchés d’une partie des céréales. Notre exploitation sera plus autonome et moins dépendante des intrants et des fluctuations de cours céréaliers. »

Le couple se fait alors accompagner par l’association Arbres et Paysages d’Autan pour définir et arrêter leur projet. Se basant sur le cahier des charges de la production biologique, ils optent pour l’installation de cinq cabanes mobiles en bois pour les volailles, trois pour les œufs et une pour les chapons. En parallèle, ils prévoient un élevage de lapins qui seront vendus à cinq mois, dont deux passés dans les parcours tournants de volailles. La production sera écoulée en vente directe ou commandée en ligne et livrée, une fois par semaine, à Toulouse, avec les produits d’autres agriculteurs locaux.  Quant au choix des essences, il varie en fonction de l’emplacement sur la parcelle, de la hauteur et du rôle de l’arbre (fruits, protection contre les prédateurs, ombrage, etc.). Il restait juste à les planter…

L’agriculture comme lien social

L’approche globale du projet de Mathilde et Yann est d’engager l’exploitation sur la voie d’une performance économique, environnementale, mais aussi sociale. C’est avec ce dernier point en tête qu’ils ont eu l’idée de faire participer voisins et amis au lancement de leur aventure. « Nous avons parlé de notre projet autour de nous », poursuit Mathilde. « Devant le bon accueil qu’il a reçu, nous avons tenté d’aller plus loin et de proposer à ceux qui le souhaitaient de nous donner un coup de main pour planter les 171 arbres et les 235 mètres de haie que nous avions prévus. » Le résultat ne s’est pas fait attendre. Le samedi 10 décembre, une quinzaine de personnes venait faire les piquetages, des trous espacés de 10 mètres sur la ligne et entre les rangs, pour y installer les plants. Dans le brouillard et le froid, il leur faudra 3 heures pour terminer l’opération. Le lendemain, ils étaient presque 30 à venir dès 14 heures, tremper les jeunes arbres dans du pralin (mélange de fumier de chèvres et d’eau), avant de les planter selon le plan établi par Mathilde. Sous un soleil magnifique, cette fois, la joyeuse équipe réussira à boucler la plantation avant la tombée du jour.

Une trentaine de personnes de tous âges et toutes origines, a répondu à l'appel de Mathilde et Yann, pour venir planter des arbres à la Basse-Cour du Bois Gourmand.
Une trentaine de personnes de tous âges et toutes origines, a répondu à l’appel de Mathilde et Yann, pour venir planter des arbres à la Basse-Cour du Bois Gourmand.

Il y avait des amis, des voisins et des habitants de la commune, dont plusieurs étaient venus en famille. Sonia est coiffeuse à domicile et itinérante sur la commune. Très emballée par le projet, elle s’est inscrite dès qu’elle en a entendu parler. « Je leur ai même proposé une astuce que m’a donné un de mes clients, qui est chasseur », sourit-elle tout en tassant la terre autour d’un plant de prunier. « Je vais récupérer tous les cheveux coupés chez mes clients pour qu’ils les mettent autour des plants et le long de la parcelle. Il parait que leur odeur effarouche les sangliers et les gros gibiers. » Si les arbres vont être rapidement protégés par du grillage et les haies par des filets mobiles, voilà une recette de grand-mère qui pourrait dépanner en cas de besoin.

Une photo de groupe et une boisson chaude pour terminer la journée, et chacun s’en retourne chez soi, apparemment ravi. Mathilde et Yann, eux, pensent déjà à la suite. « Il y a encore beaucoup de choses à faire », explique Yann. « Mais ces deux journées boostent le moral. Un vrai élan a été créé ici et c’est de bon augure pour la suite. » Il semble donc que la Basse-cour du Bois Gourmand (ou BCBG pour les intimes) soit sur de bons rails et profite déjà d’un bouche à oreille très positif avant même d’avoir débuté.

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La société de Sandrine Queyroi, Easytri, a financé l'achat des plants d'arbre.
La société de Sandrine Queyroi, Easytri, a financé l’achat des plants d’arbre.

Parmi les bénévoles de la journée à l’EARL Bacou, Sandrine Queyroi avait un statut particulier. Ni voisine, ni connaissance, elle est la gérante d’Easytri, une société toulousaine spécialisée dans le recyclage en entreprise (déchets, papiers, cartouches d’encre, matériel informatique, mobilier, etc.). Et c’est sa société qui a financé l’achat des arbres…
« Dans le cadre de la compensation des émissions de CO2 de mon entreprise, je cherchais un projet local qui corresponde à nos valeurs », explique-t-elle. « C’est par le biais d’Arbres et Paysages d’Autan que j’ai rencontré Mathilde Riom. J’ai tout de suite adhéré au concept et comme ses besoins financiers correspondaient au montant que j’avais à mettre, je lui ai dit banco. » Et c’est avec un plaisir évident que Sandrine Queyroi et une de ses salariés ont mis la main à la pâte, ce jour-là. Comme quoi s’acquitter d’une taxe peut mener à tout…
Signalons enfin que les haies sont financées grâce à la contribution du Conseil Départemental 31. Ce seront ainsi près de 700 mètres de haies champêtres qui seront plantés en 2 ans.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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