Après la crise, place aux projets d’avenir

Publié le 3 février 2011

« Après 2 années de crise grave pour le monde agricole, il nous a semblé important d’informer le grand public de l’état d’un secteur d’activité qui, avec plus de 100.000 emplois en Midi-Pyrénées, fait travailler plus de monde que l’aéronautique. » C’est par ces mots que le préfet de région, Dominique Bur, a ouvert la conférence de presse du 28 janvier dernier, portant sur les chiffres 2010 de l’agriculture régionale. Devant un parterre de journalistes, il s’est donc employé à brosser un tableau assez large de l’actualité agricole régionale, des défis qui l’attendent pour l’année 2011 et des actions prévues par l’État pour accompagner le secteur. À ses côtés, Michel Sallenave, DRAAF*, et Hervé Bluhm, chef du service « Biodiversité et ressources naturelles » à la DREAL, apportaient les éclairages techniques complémentaires.

Un secteur fragile à conforter

« 2011 sera une année charnière », augurait le Préfet. « Tout d’abord parce qu’il faudra mettre en application la loi de modernisation de l’agriculture (LMAP), votée en juillet dernier. Ensuite parce qu’on va devoir préparer la PAC d’après 2013 et positionner notre région parmi les 3 scénarios proposés par Bruxelles. C’est un chantier majeur qui va réclamer toute notre attention. » Revenant sur la hausse des revenus des agriculteurs, très médiatisée ces dernières semaines, le Préfet a tenu à rappeler les baisses considérables des années 2008 et 2009. Ainsi, sur des moyennes triennales, les services de l’État font apparaître une diminution continue du revenu des agriculteurs sur les 5 dernières années. « Avec un revenu agricole qui place Midi-Pyrénées à la 15ème place des régions françaises, notre agriculture est fragile, avec des handicaps naturels qui pèsent sur sa productivité et des filières qui connaissent pour certaines de graves difficultés », poursuivait-il. « Si l’État est intervenu pour soutenir ponctuellement ces filières en crise, c’est bien en amont, sur la compétitivité de nos entreprises agricoles, que la région devra faire porter ses efforts, en concertation avec les professionnels. »

Trois dossiers prioritaires pour 2011

Michel Sallenave a tenu à revenir plus en détail sur trois chantiers importants pour l’avenir de l’agriculture régionale.

  • Tout d’abord, le Plan Régional d’Agriculture Durable (PRAD), qui sera la feuille de route des 5 prochaines années. « Ce document va donner les grandes orientations de l’agriculture régionale sur ses dimensions économiques, environnementales et territoriales », précise-t-il. « Le PRAD sera validé par le Préfet et défini après consultation des agriculteurs, des collectivités territoriales et de la société civile. L’objectif pour 2011 sera d’identifier les enjeux majeurs en termes de développement durable. Il faudra ensuite réussir à mettre en cohérence les politiques des partenaires publics et proposer des conditions de gouvernance pour améliorer la prise en compte globale et durable de l’agriculture, dans les plans et programmes publics régionaux. » Pour ce faire, un groupe de travail, composé de tous les acteurs des territoires, a déjà commencé à plancher sur le sujet et devrait présenter une synthèse à l’automne prochain.
  • Michel Sallenave a ensuite présenté les contours d’un plan d’accompagnement des filières en difficultés. « Avec une enveloppe de 300 millions d’euros sur 3 ans, la DRAAF a décidé de travailler principalement sur l’élevage et notamment la filière laitière », a-t-il annoncé. Un « plan Lait » qui va se traduire par la mise en place de conférences de bassin laitier. De fait, pour permettre aux producteurs et aux industriels de s’adapter à la disparition des quotas prévue pour 2015, la filière laitière va évoluer en 2011, en raisonnant à une échelle plus large, celle du bassin laitier. Au nombre de 9 en France, le bassin Sud-Ouest regroupera les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, dont le coordonnateur sera le Préfet de région Midi-Pyrénées. Ces conférences régulières de bassin regrouperont les professionnels de la filière (producteurs et transformateurs) et des représentants des organismes consulaires, des collectivités territoriales et de l’administration. Travaillant sur la compétitivité des exploitations laitières et la mise en œuvre des quotas laitiers du bassin, ces conférences devront surtout viser à sauvegarder l’élevage laitier local. « Si l’on veut éviter que les transformateurs ne partent s’approvisionner ailleurs, il faut absolument densifier notre réseau de collecte », insiste Michel Sallenave. « On y arrivera que si l’on parvient à professionnaliser les producteurs et améliorer leur compétitivité. » Vaste chantier en perspective.
  • Enfin, le plan Écophytos, avec la réduction « si possible » de 50% de l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2018, reste une priorité par la DRAAF. « Il y a des demandes sociétales fortes sur ce sujet, auxquelles doivent répondre les agriculteurs », rappelait le DRAAF. Issu du Grenelle de l’environnement, le plan Écophyto 2018 comporte un cadre national et une déclinaison régionale sur laquelle la DRAAF et le monde agricole travaillent depuis déjà un an, sous la forme d’un Comité Régional d’Orientation et de Suivi. Plusieurs actions ont déjà été mises en place comme, par exemple, un réseau de surveillance biologique du territoire, animé par la Chambre Régionale d’Agriculture, ou la constitution actuellement en cours d’un réseau de 1000 fermes de référence, pour expérimenter puis diffuser largement les pratiques les plus respectueuses de l’environnement. « Sur un plan plus régional, la DRAAF mène des initiatives spécifiques à Midi-Pyrénées, en mobilisant, par exemple, des fonds de l’État et de l’Europe sur des projets très ciblés géographiquement comme la réduction de 40% des phytos sur des zones de captage d’eau potable », ajoutait Michel Sallenave.

En un peu plus d’une heure, l’essentiel des problématiques agricoles aura été abordé par l’un ou l’autre des représentants de l’administration (voir l’intégralité des documents à la fin de l’article). À une exception près : le dossier eau et irrigation. Interpellé par le Trait d’Union Paysan à ce sujet, le Préfet de région a reconnu l’intérêt de constituer des réserves d’eau en créant des retenues, en estimant toutefois que cela ne résoudrait pas tout. Il a rappelé que le comité de bassin avait élargi les conditions d’accès aux aides pour la création de ressources en eau et qu’il souhaitait poursuivre les négociations à ce sujet avec la profession. Michel Sallenave a ajouté que si une enveloppe européenne du FEADER de 11 millions d’euros est mobilisable dans ce but, d’ici fin 2013, les relais avaient du mal à se faire au niveau des collectivités locales. « Plusieurs projets sont actuellement au point mort du fait de divergences sur les financements ou les maîtrises d’ouvrages », regrettait-il. « D’où l’idée de constituer une petite équipe, avec des membres des Conseils Généraux concernés et des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, qui puisse booster ces démarches. » Quant à la question des volumes prélevables pour l’irrigation, il a rappelé que les discussions avaient conduit à les augmenter de 15% (soit 100 millions de m3). « Ces avancées font que la baisse souhaitée des prélèvements n’est vraiment problématique que sur 20% du territoire du bassin, sur lesquels il nous faut continuer à travailler en étroite concertation avec la profession », concluait-il.

* Directeur Régional de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt
** Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement

Auteur de l’article : Sébastien Garcia