Prendre le temps de se renforcer

Publié le 28 février 2010

Chanvre de Garonne fait preuve de prudence pour 2010. C’est ce qui ressort, en substance, de l’AG de l’association des producteurs qui se tenait à Ox, le 26 février dernier. Si les avancées techniques, agronomiques ou logistiques depuis les débuts en 2005 ont été considérables, les producteurs butent toujours sur la récolte de la graine. « C’est un problème délicat à résoudre mais nous y arriverons », affirme, confiant, Daniel Salviac, Président de l’association. « Mais il ne faut pas nier que ce problème impacte directement le prix payé au producteur. Celui-ci est basé sur la récolte de la fibre mais aussi de la graine. En attendant de trouver une solution technique performante, nous avons décidé de marquer le pas, sur le prix mais aussi sur les surfaces emblavées pour la prochaine campagne. » Ces dernières devraient donc avoisiner les 1.800 à 2.000 ha pour 2010, contre 2.900 l’an passé.

Savoir se recentrer

Prudence également sur les coûts de récolte et de transport. Devant l’étalement géographique des parcelles et leurs faibles surfaces moyennes, Chanvre de Garonne souhaite recentrer la culture à plusieurs niveaux. « Il faudrait concentrer le gros des surfaces sur Midi-Pyrénées et, de préférence, sur un rayon de 100 km autour de l’usine Agrofibre de Cazères », poursuit Daniel Salviac. « Le chanvre est également une production qui s’insère dans des rotations de cultures, typées céréales, propres à nos terroirs. Il est donc logique de privilégier ces bassins naturels que sont le Lauragais, la Lomagne, les coteaux du Gers ou les collines du Tarn-et-Garonne. Les résultats agronomiques et économiques y sont d’ailleurs meilleurs. »

Recentrage également sur une concentration des hectares et des producteurs. Faire du chanvre en dilettante, sur des mini parcelles, n’est pas une solution pour l’association. « Nous voulons nous renforcer autour d’un noyau de producteurs professionnels », explique Éric Gazagnes, directeur développement d’Agrofibre. « Des personnes qui mettent en culture de 5 à 10% de leur SAU en chanvre. L’idéal serait pour nous d’avoir 2 à 300 producteurs avec une moyenne de 10 ha de chanvre. C’est plus intéressant pour nous mais également pour eux. Dans ces configurations, avec des parcelles assez importantes et contigües, on voit que la marge brute est là. Pour certains, en 2009, c’est le chanvre qui a donné le meilleur résultat économique. Mais il faut s’en donner les moyens et ça ne s’improvise pas. » Une orientation possible vers des contrats pluriannuels ou la mise en place de quotas ? « Pourquoi pas », estime Éric Gazagnes, « mais nous n’en sommes encore pas là dans nos réflexions. »

Soigner l’agronomie

Au-delà de l’organisation et du machinisme, l’AG a surtout été l’occasion de faire un point très important sur l’agronomie. Là aussi, les progrès ont été énormes en 5 ans. Il ne faut pas oublier qu’au début, les producteurs semaient les mêmes variétés que dans le nord de la France. Les partenariats avec le CETIOM et l’appui de l’Institut Technique du Chanvre (ITC) ont permis de développer des variétés et des itinéraires culturaux plus adaptés à notre région, dans un temps malgré tout record. Toutefois, il reste encore beaucoup de choses à améliorer : « Le semis ! « , insiste Sandrine Legros, Chargée de Mission Agronomie.  » Quelques soient les variétés, la courbe de croissance est la même. La date et les conditions de semis sont parmi les facteurs limitants. Il est donc primordial de soigner l’implantation pour réussir sa culture. » C’est-à-dire sur un sol réchauffé, ressuyé et de préférence labouré. Il vaut mieux attendre quelques jours de plus pour que ces conditions soient réunies que de vouloir semer le plus vite possible. D’ailleurs, selon les résultats des analyses de l’ITC, les producteurs de Chanvre de Garonne sèment trop tôt.  » La date est stratégique aussi. La fenêtre de tir idéale est entre le 10 et le 15 avril, pour la variété tardive semée ici », poursuit Sandrine Legros.  » Plus tôt, le semis risque d’être bâclé. Plus tard, on s’expose au manque d’eau estival. Semé à la bonne période, le chanvre démarre rapidement, couvre et étouffe les adventices et évite une floraison trop précoce qui pénalise le rendement. » Les pistes d’amélioration sont nombreuses et Chanvre de Garonne compte bien sur ses partenaires pour poursuivre tests et essais pour les approfondir.

Ce sont Bertrand Patenôtre et Sylvestre Bertucelli, respectivement Président et Directeur d’Interchanvre (interprofession nationale regroupant producteurs et transformateurs),  qui concluront cette matinée par une présentation du marché mondial du chanvre et de ses applications pratiques.

Si la prudence reste de mise pour Chanvre de Garonne, en cette période de crise et d’incertitude, c’est pour pouvoir être prêt quand « décolleront » les produits industriels présentés par Sylvestre Bertucelli. Sur deux marchés (renfort plasturgique et béton de chanvre), le potentiel de développement est énorme. Il ne faudra pas rater le départ. Mais il ne semble pas être dans les habitudes de Chanvre de Garonne, ni d’Agrofibre, d’être à la traîne…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia