Œuvrez pour la biodiversité

Publié le 3 mars 2010

Arnaud Gaujard, technicien cynégétique à la Fédération des Chasseurs de Haute-Garonne, le répète sans cesse : « Il n’y a aucune contrainte supplémentaire à implanter une Jachère Environnement Faune Sauvage. Au contraire, on bénéficie d’un délai jusqu’au 31 août pour le broyage qui tombe normalement en pleine période de moissons. Sans compter que la Fédération des Chasseurs verse une compensation à l’agriculteur pour l’implantation. Il faut aussi réfléchir en terme de rentabilité. La JEFS est en effet un moyen de mettre en valeur des terres pauvres ou difficiles d’accès, tout en participant efficacement à la préservation et au développement de la petite faune de plaine. »

Pourtant, le message semble avoir un peu de mal à passer. Pire, en France, les surfaces en jachères dédiées à la faune sauvage ont diminué de 50 % depuis 2001, selon la Fédération nationale. Mauvaise nouvelle pour les petits animaux qui y trouvaient un couvert, de la nourriture et un milieu pour leur reproduction. Le passage (obligatoire) du gyrobroyeur sur les jachères « normales », en pleine nidification est, en effet, catastrophique pour la petite faune. En Haute-Garonne, même si les surfaces déclarées recommencent à augmenter, elles représentent à peine 250 ha. C’est pour cela que la Chambre d’Agriculture et la Fédération des Chasseurs 31 ont entrepris une série de réunions d’information, pendant la première quinzaine de février.

La JEFS, qu’est-ce que c’est ?

La Jachère Environnement Faune Sauvage existe depuis qu’il y a des jachères. Les premières datent de 1994. C’est un contrat tripartite, entre l’exploitant, la Fédération des Chasseurs et l’Association Communale de Chasse Agréée (ACCA) locale, validé par la DDT 31. Pour rappel, il existe trois types de Jachères Environnement Faune Sauvage :

  • Classique : La plus courante. C’est un mélange de plantes herbacées qui sont semées pour offrir à la petite faune de plaine, un abri pour la reproduction et une zone d’alimentation. Le couvert sera maintenu du 1er mai au 31 août. La fédération des chasseurs offre une compensation financière à l’agriculteur de 65 €/ha, plafonnée à 2 ha par exploitant et par commune.
  • Adaptée : En déclin. C’est un mélange de plantes cultivées (maïs, sorgho, tournesol…). De faible intérêt pour la reproduction, elle aura pour rôle essentiel d’apporter de la nourriture à la faune de plaine durant la période hivernale. Ceci implique que le couvert devra rester sur pied jusqu’au 15 janvier, suivant la signature du contrat. La fédération des chasseurs verse une compensation financière de 110 € / ha, plafonnée à 2 ha par exploitant et par commune.
  • Fleurie : Semis de fleurs variées du 1er mai au 15 janvier. Essentiellement semée le long des routes fréquentées ou en accès de villes, son but est essentiellement esthétique. La Fédération des Chasseurs fournit les semences (à hauteur de 0,5 ha/commune), mais ne verse pas de compensation. En outre, l’agriculteur devra contractualiser une JEFS (classique ou adapté) d’une surface au moins égale à la jachère fleurie jusqu’à la limite de 2 ha.

Hors bandes enherbées, les règles générales de largeurs minimales de gel s’appliquent sur les parcelles contractualisées en gel faune sauvage (10 mètres et 10 ares minimum). À partir des dates butoirs mentionnés dans ces différents contrats, la destruction mécanique du couvert est autorisée. Dans tous les cas, il est conseillé d’ajouter un système d’effarouchement et de commencer par le milieu de la parcelle pour limiter les pertes d’animaux.

La polémique « bandes enherbées »

Si la jachère adaptée et la jachère fleurie ne peuvent être implantées le long des cours d’eau, la jachère classique bénéficie d’un dispositif spécifique « bandes enherbées ». Celui-ci a pourtant failli ne pas voir le jour.

À la mise en place des 3% de bandes enherbées obligatoires, en 2005, les chasseurs se sont félicités de la création d’importants espaces propices à l’hébergement de petit gibier. Hélas, les règles d’entretien de ces bandes avec l’obligation de broyage, les rendaient incompatibles avec l’accueil de la petite faune. Au contraire, attirés par ces nouveaux espaces, perdreaux, lièvres, etc., s’y installaient volontiers et se voyaient décimés lors du broyage. Or, nulle part n’était prévue l’autorisation de déroger à ces règles d’entretien, comme pour les Jachère Faune Sauvage. « Alors que tout le monde n’a que le mot biodiversité à la bouche, il n’y a eu que les chasseurs pour pointer du doigt un système qui mettait cette biodiversité en danger ! », s’agaçait Arnaud Gaujard. C’est non sans mal que la Fédération des Chasseurs 31 obtiendra de la DDAF, en 2006, un arrêté préfectoral permettant le non-broyage le long des cours d’eau, sous certaines conditions. La JEFS « bandes enherbées » reprend donc les mêmes caractéristiques que la JEFS Classique, mis à part qu’elle doit être positionnée sur le gel environnemental des exploitations et uniquement sur les communes bénéficiant d’un GIC « petit gibier »*.

Mais l’horizon s’assombrit à nouveau pour ce dispositif. Jérôme Soubie, conseiller agricole et référent Chasse à la Chambre d’Agriculture, présentait à ces réunions les modifications des règles d’éco-conditionnalité. L’obligation des 3% de la SAU en bandes enherbées disparaît. En revanche, tous les cours d’eau présents sur l’exploitation devront être bordés de « bandes tampon », nouvelle appellation des bandes enherbées. Pour les parcelles situées le long de la Garonne, ces bandes devront avoir une largeur de 10 m. L’inquiétude de la Fédération des Chasseurs 31 vient du fait qu’une fois encore, l’entretien de ces bandes tampon implique un broyage obligatoire pendant les période de nidification. Tout risque donc d’être à recommencer. « Le courrier est d’ores et déjà parti à la DDT Haute-Garonne », précise Arnaud Gaujard. « Mais il est usant de voir que des considérations aussi basiques de la biodiversité soient systématiquement écartées par le législateur. D’autant plus que si l’entretien est fait convenablement, il n’y a pas de risque de salissement des parcelles adjacentes par des adventices. Les agriculteurs qui ont mis ces bandes enherbées faune sauvage chez eux peuvent en témoigner. »

*Groupement d’Intérêt Cynégétique. C’est un regroupement de plusieurs communes qui s’entendent pour gérer au mieux une espèce donnée.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia