L’INRA à la pointe de l’agroécologie

Publié le 6 juillet 2015

L’INRA dispose, sur le territoire national, de près d’une centaine d’installations techniques et/ou expérimentales. Ces dernières sont au cœur des projets de recherche, réalisés en étroite collaboration avec des Unités Mixte de Recherche (UMR) organisées en réseaux régionaux, nationaux et parfois européens. Le 17 juin dernier, les chercheurs de l’UMR AGIR*, de l’Unité Expérimentale « Grandes cultures » de l’INRA de Toulouse et du département scientifique INRA « Environnement et Agronomie » ont organisé, à Auzeville, une journée scientifique et technique. Il s’agissait de présenter un dispositif expérimental novateur, mis en place il y a déjà une dizaine d’années. Venus de tout le grand Sud-Ouest, des scientifiques, professionnels et représentants de collectivités locales ont pu (re)découvrir les travaux portant sur l’utilisation de la diversité végétale en grandes cultures et l’emploi de nouvelles technologies, au service de l’agroécologie.

Cultures associées : des résultats encourageants

Testés depuis 2010 sur le domaine d’Auzeville, les résultats des prototypes de systèmes de culture indiquent qu’il est possible de réduire fortement l’usage des phytosanitaires (ITF réduits de 50% et plus), en maintenant la marge nette à l’échelle de la rotation et en moyenne pluriannuelle. Ces systèmes de culture sont basés sur un allongement de la rotation, une diversification des espèces cultivées, le choix de variétés adaptées ou encore l’utilisation de couverts intermédiaires. Une des originalités de ces recherches réside dans l’utilisation d’une large diversité de variétés et d’espèces (tournesol, blé dur, blé tendre, pois, fèverole, soja, lentille, sorgho,…) et de mélanges d’espèces (cultures associées blé/pois et soja/tournesol, par exemple). « Les cultures associées sont utilisées depuis l’aube de l’agriculture », rappelait Éric Justes, de l’INRA Toulouse. « Mais elles ont disparu au profit de systèmes fondés sur des peuplements cultivés monospécifiques et monovariétaux. Nous menons des essais de cultures associant blé dur/pois, blé dur/fèveroles ou blé de printemps et lentilles. Les résultats montrent que les différentes associations testées permettent d’améliorer la teneur en protéines de la céréale comparativement aux cultures « monospécifiques classiques » de blé dur, notamment en situation de bas niveau de fertilisation azotée. Elles permettent également une augmentation de 27% en moyenne du rendement en agriculture biologique. Les cultures associées peuvent aussi présenter un intérêt pour lutter contre certains ravageurs, comme les pucerons verts, et réduire les populations d’adventices par rapport aux cultures de légumineuses monospécifiques. » Mais le développement des cultures associées nécessite des adaptations, aussi bien pour les agriculteurs que pour les autres acteurs de la filière. Des économistes de l’UMR AGIR travaillent donc également sur cette question cruciale de l’adoption des cultures associées dans les circuits habituels.

Des drones pour aider à l’évaluation des variétés

L'INRA et ses partenaires ont développé leurs propres capteurs embarqués.
L’INRA et ses partenaires ont développé leurs propres capteurs embarqués.

Le domaine expérimental d’Auzeville est le premier site INRA en France à utiliser des drones équipés de capteurs pour réaliser une évaluation variétale. Équipés de caméras multi-spectrales, les drones permettent de recueillir des informations-clés sur le fonctionnement des plantes en parcelles  agricoles et micro-parcelles d’essai, tout au long du cycle de culture. Réalisées sans contact physique, ces mesures sont donc non destructives et donnent accès à une grande diversité d’indicateurs du fonctionnement physiologique des plantes, comme la production de surface foliaire,  leur teneur en chlorophylle, en azote et eau, ou encore leur température des feuilles. Ces capteurs dits de proxi-télédétection et l’usage du drone pour les véhiculer constituent une innovation importante. Ils permettent en effet de réaliser du phénotypage au champ à haut débit (voir encadré), sur un grand nombre de micro-parcelles de différentes espèces. Ces outils sont aussi potentiellement intéressants pour les exploitants pratiquant l’agriculture de précision en permettant, par exemple, d’optimiser l’usage des intrants azotés.

Le défi, pour l’INRA et ses partenaires, est de concilier agronomie, génétique, écologie et technologie pour une agriculture durable et performante, à la fois à l’échelle de la parcelle et à l’échelle régionale. Concevoir des systèmes de cultures innovants à partir d’une démarche agroécologique, en mobilisant une diversité d’espèces et des nouvelles technologies, nécessite plus que jamais de s’adapter aux conditions locales. C’était bien l’un des buts recherchés par cette journée technique : informer, sensibiliser et favoriser les interactions entre tous les acteurs, agriculteurs, scientifiques, professionnels et collectivités locales. Un chantier long, vaste, mais ô combien stimulant…

 

* L’UMR AGroécologie, Innovations et TeRritoires (AGIR) rassemble des chercheurs en sciences biotechniques (agronomie, écophysiologie, écologie et statistiques) et en sciences sociales et humaines (sciences de gestion, économie, géographie sociale, sociologie). Ce panel de compétences permet une approche large des processus de transition des agrosystèmes et des filières vers plus de durabilité.
Le saviez-vous ?
Le phénotypage est le recensement de l’ensemble des caractères observables d’un organisme, dus aux facteurs héréditaires (génotype), mais aussi aux effets du milieu et de l’environnement.Il permet ainsi la sélection de variétés moins consommatrices en intrants (eau, azote ou phytosanitaires).
En 2013, le programme d’État « Investissement d’Avenir » a doté de 24 Mons € un projet nommé Phénome. Ce projet de 8 ans associe l’INRA, Arvalis-Institut-du-Végétal et le CETIOM. Piloté par l’INRA, Phénome a pour ambition d’équiper la communauté scientifique française d’une infrastructure capable de mesurer, grâce à des méthodes précises et à haut débit (jusqu’à 2.000 plantes analysées par jour), les caractères agronomiques de plantes soumises à divers scénarios de climats et d’itinéraires techniques, associés au changement global. Réparti sur 9 plateformes de phénotypage en France, dont celle de l’INRA de Toulouse, ce réseau servira la recherche française et européenne. Il sera également ouvert à des partenaires privés (semenciers, instituts techniques…).
C’est dans le cadre de Phenome que l’UMR EMMAH (INRA Avignon) et l’UMR AGIR (INRA Toulouse) ont mis au point les capteurs embarqués par les drones présentés le 17 juin dernier à Auzeville.

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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