Des hongrois étudient le modèle SAFER

Publié le 15 juin 2014

Depuis 2 ans, Michel Baylac, Président de la SAFER GHL et Vice-Président de la FNSAFER, est à la tête de l’AEIAR (Association européenne des institutions d’aménagement rural). Fondé en 1966, cet organisme, qui compte des membres dans 12 pays d’Europe, propose des mesures pour l’amélioration des structures agricoles et du développement rural. Reconduit dans ses fonctions en début d’année, Michel Baylac recevait, en juin 2014, une délégation hongroise venue se rendre compte du travail effectué en Midi-Pyrénées sur la gestion du foncier agricole.

La régulation : rempart contre la flambée des prix

Le but de l’AEIAR est l’échange durable d’informations et d’expériences, entre ses membres, sur la planification et surtout la transposition des différentes mesures de développement rural, tant au niveau régional que local. La visite de la délégation hongroise portait particulièrement sur la régulation du foncier agricole, un thème cher à Michel Baylac. « Le système français est envié par de nombreux pays européens », explique-t-il. « L’expertise accumulée par les SAFER, en 50 ans d’existence, peut ainsi servir à d’autres pays qui sont de plus en plus préoccupés par l’accaparement de leur foncier. » C’est d’ailleurs bien par des travaux pratiques qu’a débuté cette visite de 3 jours. László Medgyasszay (ancien secrétaire d’État à l’agriculture et Président du Réseau Rural National hongrois), Marta Hiller (directrice de ce réseau rural) et Itsvan Mikus, conseiller du Président et membre de l’AEIAR Hongrie, ont ainsi participé au comité technique départemental de la SAFER GHL du 3 juin dernier. « Ils ont pu voir comment nous travaillons », poursuit Michel Baylac. « Si la Hongrie, comme d’autres pays d’Europe, dispose d’un outil de régulation calqué sur notre système de préemption, celui-ci est généralement du ressort de l’État. Le droit de préemption accordé à une structure administrée par les agriculteurs, sous le contrôle de l’État, est unique. Preuve de sa pertinence, les missions confiées aux SAFER ont été confirmées par la dernière loi d’avenir pour l’agriculture. » Pour lui, le prix moyen des terres en France est la conséquence directe du mode de gestion du foncier par les SAFER. « C’est grâce à la régulation que nous avons les terres agricoles parmi les moins chères d’Europe », estime-t-il. De fait, dans les pays anglo-saxons et scandinaves, l’hectare varie entre 30 et 50.000 €. En Allemagne de l’Est, les terres sont déjà à 20.000 €/ha, pour des types de production similaires aux nôtres…

Sensibiliser les décideurs européens

Mais le Président de l’AIEAR s’inquiète du développement de certaines pratiques, en France comme en Europe. « On voit chez nous des gens essayer de contourner les SAFER en mettant en place des sociétés », constate-t-il. « Nous ne sommes bien entendu pas opposés aux structures sociétaires familiales ou civiles. Tant qu’il y a une transparence. Notre inquiétude se situe au niveau de l’accaparement foncier par des sociétés dont on ne connaît pas l’origine des capitaux. C’est pourquoi nous appelons à la vigilance, pour éviter les réveils douloureux. Si on laisse faire, nous nous retrouverons avec des acquisitions massives de terres par des sociétés chinoises, qataries ou par des fonds de pension américains ou même européens. » C’est bien sur ce genre de problématiques que peut intervenir l’AIEAR. À l’image de la délégation hongroise, ses membres sont composés de personnes ayant accès aux décideurs de l’Union Européenne. L’association est d’ailleurs en contact étroit avec les institutions européennes. Elle est membre du « Comité consultatif européen pour le développement rural » et les résultats de ses travaux sont communiqués au niveau européen, ainsi qu’aux administrations structurelles nationales et régionales des pays membres. « Il faut que l’information circule et c’est bien le but de ces visites entre pays », conclut Michel Baylac. « Certains pays sont circonspects sur la régulation, comme l’Allemagne qui a souffert des travers du communisme et craint ainsi tout retour à l’interventionnisme de l’État. D’autres régions y sont réfractaires, comme les grands propriétaires d’Andalousie. Mais l’idée fait son chemin doucement. La préemption est un outil que nous n’utilisons que rarement. Mais sa simple existence suffit souvent à freiner les ambitions spéculatives. Suite à sa visite chez nous, un parlementaire allemand a d’ailleurs fait référence à la SAFER GHL dans son intervention au Bundestag, comme un exemple de gestion de l’espace agricole. C’est dans cet esprit que nous travaillons à l’AIEAR. »

Un esprit qui n’oublie pas la convivialité puisque les invités hongrois ont pu également découvrir quelques productions locales. Après une visite guidée du beau domaine viticole du Château Montauriol de Villaudric par son propriétaire, Nicolas Gélis, la délégation a passé sa dernière journée dans le Gers, pour déguster foie gras et Armagnac de producteurs locaux. Ça ne fait jamais de mal de faire un peu de pub pour nos produits régionaux, n’est-ce pas ?

Auteur de l’article : Sébastien Garcia