Frais d’Ici révolutionne le circuit court

Publié le 2 novembre 2014

« Wahou ! » C’est en général ce que disent les personnes qui entrent pour la première fois dans le magasin « Frais d’Ici », qui a ouvert ses portes le 15 octobre dernier à Portet s/ Garonne. Frais d’Ici, c’est un concept de plus en plus répandu – un magasin de producteurs – à la différence près qu’il joue plus dans la cour des GMS que de l’épicerie de village.

Un supermarché de produits locaux

D’entrée de jeu, Frais d’Ici donne le ton. 550 m² de surface de vente attendent le client, avec des allées larges, aérées et une présentation des produits aussi léchée que professionnelle. Et pour cause, le chef de projet, Laurent Vidal, et la directrice du magasin, Nelly Guibbert, viennent tous les deux du monde de la grande distribution, dont ils ont appliqué les règles de base pour l’implantation des rayons. « Frais d’Ici est un endroit où le consommateur doit pouvoir faire l’intégralité de ses achats alimentaires », explique Nelly Guibbert. « Cela induit donc deux choses primordiales : notre offre doit être la plus large possible, en lien avec les besoins du client, et nos prix doivent être ceux du marché. À qualité égale, bien entendu. » Pas question évidemment de rivaliser avec les produits d’appel de l’hypermarché Carrefour voisin. Ici, pas de centrale d’achat, le magasin traite en direct avec les 200 producteurs ou groupements de producteurs locaux et régionaux. 70% des 2.500 références de produits frais viennent de Midi-Pyrénées et 90% du Sud-Ouest. « Les 10% restant sont des produits qu’on ne trouve pas dans cette zone, comme les bananes, par exemple », précise Laurent Vidal. « Mais même pour ces produits, nous travaillons avec des coopératives ou groupements de producteurs des pays ou DOM-TOM concernés. »

La principale difficulté est la logistique. Approvisionner, quasiment à flux tendu, un magasin en produits frais avec autant de fournisseurs demande une organisation sans faille. C’est dans ces cas-là que des partenariats, comme celui développé par Frais d’Ici avec la plateforme d’approvisionnement « Produit sur son 31 », prennent tout leur sens. Contacté par Laurent Vidal, l’animateur de la plateforme, Étienne Sassé, a immédiatement répondu présent. Une large part des fruits et légumes du magasin, ainsi que quelques références en produits laitiers, viennent donc directement de producteurs adhérents haut-garonnais. « Ces partenaires sont plus que des simples fournisseurs. Ils sont dans une logique d’apport de nouveaux produits et nouveaux producteurs, qui crée une vraie dynamique dans le secteur », insiste le chef de projet qui précise que 15% des produits frais qu’il vend proviennent de producteurs résidant dans un rayon de 50 km autour du magasin.

Un outil développé par les coopératives

Frais d’Ici est l’aboutissement de 2 années de réflexions et de travail, initiées par InVivo. Tablant sur les préoccupations du grand public pour la sécurité alimentaire, la traçabilité des aliments, le développement durable et son intérêt renouvelé pour le développement des territoires, cette union nationale de 223 coopératives a pris le pari de proposer une alternative crédible qui soit propriété des agriculteurs. Quatre coopératives du Sud-Ouest l’ont ainsi suivie dans ce défi : Arterris, Val de Gascogne, Vivadour et la Ferme de Figeac. Si InVivo est actionnaire majoritaire de la SAS Frais d’Ici, avec la moitié des parts, les 4 coopératives régionales se répartissent l’autre moitié à parts égales. Fort de son expérience avec les magasins Gamm Vert, InVivo compte développer le même système de franchise de la marque Frais d’Ici. « Nous nous sommes positionné comme actionnaire pour lancer le mouvement », explique Thierry Blandinières, Directeur général de l’Union InVivo. « Nous avons mis à disposition les compétences internes de l’Union pour donner corps au concept et recruter des spécialistes de la grande distribution et de la communication. Par la suite, ce seront des franchisés, qui peuvent être des coopératives, qui prendront le relais pour les futures ouvertures. » Son ambition est d’ouvrir 3 ou 4 Frais d’Ici en 2015-2016, puis une dizaine par an sur les 10 prochaines années. 200 magasins en France semble être un objectif atteignable, pour Thierry Blandinières, qui insiste sur le fait que ce magasin – et les suivants – ne sont pas là pour écouler les produits des coopératives partenaires. « C’est l’avis des clients qui dicte notre gamme », ajoute-t-il. « Si un produit proposé par nos coopérateurs ne répond pas à leurs besoins ou qu’il est trop cher, nous ne le référençons pas. »

Un trait d’union entre producteurs et consommateurs

À l’heure où le grand public demande plus d’informations sur les produits qu’ils consomment et ceux qui les produisent, le magasin Frais d’Ici joue à fonds la carte du contact. « Nous avons opté pour des caisses automatiques où le client règle lui-même ses achats par carte bancaire », explique Nelly Guibbert. « Loin d’être une économie de main d’œuvre, c’est justement pour que nos 14 salariés soient plutôt au contact de nos clients, à « raconter » la vie des produits, que derrière une caisse. » Le magasin s’enorgueilli d’ailleurs de compter de nombreux professionnels de l’agriculture et des métiers de bouche dans ses effectifs. Un atout incontournable pour « éduquer » les consommateurs à la saisonnalité des produits, au travail qu’il y a derrière chaque référence et la relation entre prix juste et qualité. L’impressionnant rayon viande en est le parfait exemple. Les carcasses bovines que travaille Joël Marc, chef boucher professionnel de haut niveau, proviennent de la Ferme de Figeac et sont en grande majorité de catégorie U. Une qualité rare sur un étal de grande surface, mais qui demande des connaissances et de la pédagogie pour la commercialiser. En amont de cette chaîne, les producteurs ne sont pas non plus des simples numéros. Leurs noms et parfois leurs photos sont affichés dans les rayons. Ceux qui le souhaitent sont également invités à venir témoigner de leur métier, lors des rencontres avec les clients organisées chaque semaine. « Nous voulons instaurer une relation pérenne, tant avec les consommateurs qu’avec les producteurs », rappelle Laurent Vidal. « C’est pourquoi nous mettons en place des contrats de longue durée avec les agriculteurs. C’est une façon de leur garantir un débouché stable et durable. La structure n’a pas pour but de dégager des profits colossaux, juste de couvrir ses frais et d’être rentable. C’est ce qui nous permet de proposer un prix juste tout au long de la chaîne. Nous sommes complémentaire avec les filières longues des coopératives et la vente directe à la ferme. »

Depuis l’ouverture, la direction reçoit chaque jour de nouvelles demandes de référencement de producteurs locaux. Un autre défi à relever pour les équipes de Frais d’Ici qui mettent un point d’honneur à goûter chaque produit. « Nous nous assurons de leur qualité, qu’ils correspondent à une attente des consommateurs et qu’ils soient dans les prix du marché, avant de les référencer », termine Nelly Guibbert. « Si nous-même, salariés, n’avons pas envie ou les moyens de l’acheter, le produit n’est pas retenu. » Au vu des premiers retours des consommateurs et fournisseurs, la formule fonctionne et cette petite révolution pour le monde agricole semble bien partie. De quoi donner une motivation supplémentaire aux agriculteurs de Bordeaux et Dijon, les deux villes qui devraient prochainement emboîter le pas à Toulouse.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia