La météo s’acharne sur la Haute-Garonne !

Publié le 22 juin 2013

Les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la France la semaine dernière n’ont pas épargné la Haute-Garonne, bien au contraire. Chez nous, deux phénomènes distincts ont frappé, le même jour, le nord et le sud du département, aggravant une situation déjà préoccupante causée par des mois de météo déplorable. Le 18 juin au soir, une minimum-tornade mêlée de grêle, large d’environ 1 km, a semé la panique sur une trentaine de kilomètres, entre Saint Lys et Fronton. Mais c’est le Comminges et les Pyrénées qui ont payé le plus lourd tribut. De fortes pluies, associées à la fonte soudaine de l’imposant manteau neigeux lors du week-end du 15 juin, ont déclenché des crues majeures qui ont ravagé de nombreuses communes. Maisons et bâtiments agricoles inondés, routes et ouvrages détruits, terres emportées ne laissant parfois que la roche à nu, cultures noyées, etc., le bilan, toujours provisoire, est désastreux. Nous vous proposons dans ces pages un état des lieux, du nord au sud, recueilli auprès des conseillers de secteur de la Chambre d’Agriculture 31, ainsi que plusieurs témoignages d’agriculteurs touchés par ces catastrophes.

Vignoble de Fronton

La grêle du 18 juin a touché une partie du vignoble de Fronton, accompagnée de fortes rafales de vent et de forts cumuls de pluies. Par endroit, 25 à 30 mm sont tombés en 15 minutes pendant l’orage puis 15 à 20 mm se sont ajoutés dans la nuit.

En Haute-Garonne, les communes viticoles de Villaudric, Bouloc, Fronton et Castelnau d’Estretefonds ont été touchées. Le nuage de grêle a également touché le département du Tarn et Garonne et les communes de Campsas, Pompignan, Grisolles, Orgueil et Labastide Saint Pierre.

La commune de Fronton semble avoir été la plus touchée, avec des surfaces endommagées de 50 à 100%. La grêle mêlée au vent a fortement abimé les rameaux et mis les grappes à terre.

En règle générale, les dégâts sont pour le moment assez difficiles d’évaluer. Il faudra attendre que les organes abîmés sèchent. Le plus gros problème vient du stade des cultures. En pleine floraison, c’est le moment où la plante est la plus sensible au stress. Les risques sur grappe sont une mauvaise floraison avec de la coulure. Concernant les rameaux, le risque est d’avoir une mauvaise mise en réserve, qui compromettra la taille et l’initiation florale de l’année suivante. Si les rameaux sont fortement touchés, les effets peuvent se faire sentir sur plusieurs années, en plus d’une perte de récolte immédiate. La plupart des viticulteurs touchés sont assurés contre la grêle. Mais l’assurance ne couvre que la perte de récolte de l’année, sans prendre en compte les dégâts potentiels des années suivantes.

Florie Bedouet

Ondes / Cadours

La tornade accompagnée de grêle qui s’est abattue sur Ondes et sur la plaine de Castelnau d’Estretefonds, le 18 juin, a endommagé de nombreuses exploitations.

100 % de l’exploitation de l’EARL des Muriers (250 ha) ont touchés. 70 ha de maïs ont été grêlés à 100%, 50 ha de tournesol grêlés à 80 %, les céréales et colzas ont été grêlés et couchés sur 80 %. Concernant le matériel, un pivot a été retourné et plié, la toiture du bâtiment agricole et une partie de celle de l’habitation ont été arrachées. Les arbres et poteaux des lignes électriques au milieu des cultures ont été cassés.

Lycée Ondes : voir notre article du même jour

Il y a également d’importants dégâts de grêle sur les cultures maraîchères dans les communes de St Jory et St Carais. Si les secteurs de Grenade et Cadours ont été épargnés par la grêle, de fortes pluies ont provoqué des ravinements.

Jérôme Soubie

Montgiscard / Lanta

Dans ce secteur, c’est davantage la persistance de la météo déplorable de ces derniers mois qui cause de nombreux problèmes plutôt qu’un épisode climatique particulier. En résumé, les agriculteurs de la zone ayant pour la plupart réussi à terminer les semis lors du week-end du 15 juin, il reste relativement peu de parcelles non semées. Celles-ci qui se situent logiquement au bord des principaux cours d’eau.

Dans l’ensemble, les semis sont tardifs voire très tardifs. Il y a par contre beaucoup de resemis à faire, à cause de dégâts de gibier (notamment des palombes) et des excès d’eau qui asphyxient tout particulièrement les sols plus limoneux. Mais les resemis ne peuvent toujours pas se faire, les parcelles restant impraticables. Ceux déjà effectués rencontrent d’ailleurs les mêmes problèmes que les premiers semis (dégât gibier + intempéries).

Dans l’ensemble, on constate peu de ravinement et d’affaissement mais il faudra attendre que les terres sèchent pour faire un bilan définitif. À noter enfin quelques dégâts de grêle au cours du mois de mai.

Du côté de Vallesville, on rencontre des problèmes sur les fourrages. N’ayant pu être récoltée, la luzerne est en train de pourrir. Pour les ray-grass, certains ensilages ont pu être effectués en avance fin avril. Mais la 2ème coupe (si la première a pu être effectuée) sera tardive. Même s’il n’y a pas de grosse chaleur, le foin murit quand même, ce qui entraîne une baisse de la qualité des fourrages.

Jean-Michel Géniez

Rieumes / Saint Lys

La commission Calamités s’est rendue sur les cantons de Rieumes et Saint Lys, ainsi que certaines parties des cantons de Muret et Léguevin. Les constats réalisés portent sur la présence de ravinements localisés sur de nombreuses parcelles, très forte battance des sols, avec problèmes de mauvaises levées sur les tournesols, maïs et sorghos. Certains exploitants envisagent des resemis mais sont très interrogatifs sur la réussite et les résultats.

De nombreuses parcelles ne seront pas semées (tournesol, maïs, sorgho), avec des niveaux allant de 30 à 100% selon les exploitations. Le manque à gagner va être important et des problèmes de trésorerie sont craints pour un grand nombre d’exploitations.

Pour les fourrages, les pertes de productions sont essentiellement liées à la qualité (excès d’azote soluble). S’y ajoutent un risque de mauvaise conservation, des surcoûts de chantier, l’obligation d’ensiler en plus et d’enrubanner. Pour ces zones, le fauchage des jachères pourrait être une solution pour soulager les éleveurs.

Concernant la grêle du 18 juin, les dégâts sont localisés par zone sous la forme de couloirs spécifiques. Dans les couloirs concernés, les pertes sont importantes. Sont concernés les maïs les plus développés, qui ont été hachés, et les céréales à paille. Pour les orges et triticales, les épis ont été cassés et certaines parcelles ne seront pas moissonnées. Pour les blés tendres et blé dur, on constate de la verse liée aux fortes pluies.

La grêle a également fortement touché les maraîchers du secteur avec comme résultats des pertes de productions et des dégâts sur les structures (serres verre, tunnels plastiques). Ce sont des jeunes agriculteurs pour la majorité. D’après les visites réalisées, les taux de pertes sur les parcelles vont de 50 à 100%. Les impacts de grêle vont également générer des produits invendables et du pourrissement à venir. Un autre souci concerne l’impossibilité de mettre en terre de nouveaux plants, dans des sols gorgés d’eau. IL est à noter que bon nombre des sinistrés ne sont pas assurés.

Les pertes réelles vont se préciser au fur et à mesure, dans les semaines à venir en particulier chez les maraichers. Les interrogations sont réelles sur la possibilité des exploitants concernés à faire face à leurs échéances financières.

Jean-François Caux

Témoignage

Lorena Saldarriaga, installée en bio depuis un an et demi sur un peu plus de 5 ha (prairies de fauche et 8.000 m² maraîchage), à Seysses.

« 7 jours après l’orage, je commence à peine à voir une évolution « favorable » au niveau de l’eau dans mes champs. Certains point du parcellaire en maraichage restent gorgés d’eau et nombre de plants n’ont pas supporté d’avoir les pieds dans l’eau aussi longtemps… Concernant les dégâts dus à la grêle, je ne peux que constater l’ampleur des dégâts à chaque passage. À cause d’un printemps très frais, les plants étaient déjà ridiculement petits. Maintenant, une bonne partie a été atteinte par cette grêle. Ce sont principalement les plants en meilleure santé qui ont été touchés, vu que leur superficie exposée est plus importante. Seuls les pieds que j’avais sous une petite serre ont été épargnés.

Ce qui me fait d’autant plus enrager que j’avais déposé un dossier de demande de subvention à la région pour en construire une 2ème. Or après plusieurs semaines d’attente sans réponse à mes appels, j’ai appris que l’enveloppe n’était plus disponible. Personne ne m’avait prévenue alors que j’aurais pris d’autres dispositions pour protéger mes productions si je l’avais su plus tôt. Pour les légumes clés de l’été (ratatouille), je n’ai aucun espoir de les voir arriver avant le mois d’août.Mais je reste optimiste pour les tomates et, en septembre, pour les aubergines et poivrons survivants.

Et je ne parle pas des pertes dues aux semis noyés depuis le début du printemps, des séries de plantations qui sont réellement en retard et dont les plants commencent à perdre la vigueur et la santé nécessaires pour avoir une bonne reprise au champ… Ni des travaux du sol qu’on ne peut même pas imaginer avant une bonne dizaine de jours de beau temps.

Non, ce n’est vraiment pas une bonne saison… »

Auterive / Cintegabelle

Le climat de ces derniers mois a entraîné de nombreux retards et problèmes sanitaires dans les cantons d’Auterive et de Cintegabelle.

En maraîchage, les légumes de saison (tomates, courgettes, concombres, poivrons…) sont tous en retard et souffrent de maladies dues au froid, aux excès d’eau et aux attaques de ravageurs.

Pour les grandes cultures, de nombreuses parcelles ont dû être resemées. Malgré cela, elles rencontrent toujours des problèmes de levées et de dégâts de limaces.

Sur Cintegabelle, on constate de nombreux problèmes d’inondation, dues notamment à des effondrements de digues. Plusieurs glissements de terrain ont été répertoriés sur les coteaux, entraînant accumulation de gravats en plaine.

Les éleveurs rencontrent de gros problèmes d’ensilage. Avec des parcelles impraticables, soit il leur est impossible d’ensiler, soit les balles sont inaccessibles.

Bernard Sourd

Barbazan / Montréjeau

Sur le canton de Barbazan, les débordements de la Garonne ont surtout affecté les communes de Galié et de Luscan. Il a fallu évacuer les animaux par bétaillère lors de la montée des eaux.

Les inondations dans la commune de Gourdan-Polignan, sont surtout urbaines.

Les parcelles en maïs ont eu du dépôt de limon, mais la culture « tient le coup »(à voir dans les prochains jours). Les terrains les plus touchés sont les prairies non encore fauchées, où la végétation est complètement aplatie.

À Galié, une partie des cultures maraîchères de Gilles Soule (en bord de route) sera perdue.

Dans la partie plaine du canton de Barbazan, sur Pointis de Rivière, des débordements ont été signalés sur prairie et surfaces en maïs, avec par endroit du ravinement.

Sur le secteur de Montréjeau, quelques dégâts à Ausson et Bordes de Rivière avec du ravinement. Une digue pour l’irrigation par canalette a été emportée.

Pour schématiser, il y a deux types de dommage : les débordements, où l’eau a surtout stagné, et les ravinements provoqués par le courant. Mais il faut encore attendre quelques jours pour pouvoir faire un bilan plus précis des pertes effectives.

Christian Galey

Saint-Gaudens / Saint-Martory

INTEMPÉRIES

Sur les secteurs de Saint-Gaudens et Saint-Martory, les intempéries de ces derniers mois ont causé de nombreux préjudices. Très peu de tournesol a été semé et la plupart des parcelles l’ont été dans de mauvaises conditions. Les résultats technico-économiques seront très mauvais. La majorité des agriculteurs a donc déclaré des modifications d’assolement avant le 31 mai, en basculant les surfaces initialement prévues en tournesol, en maïs.

Pour cette dernière culture, 30 à 40 % en moyenne des semis n’ont pas encore été réalisés (de 0 à 100% en fonction des situations et notamment des types de sols). Une faible part des surfaces en maïs a dû être resemée.

La première coupe des prairies, quand elle a été réalisée, a été enrubannée. Très peu de foin a pu être fait. Pour beaucoup, il est probable qu’il manque une coupe et qu’il y ait donc un impact sur les stocks de l’année.

En outre, les conditions climatiques ont conduit les éleveurs à ne pas sortir les animaux ou à devoir les ramener en bâtiments. Les stocks fourragers diminuent à vue d’œil et certains n’ont plus de quoi affourager les vaches. Les laitiers et les élevages allaitants qui ont une ration à base d’ensilage vont être en difficulté pour faire la jointure, puisque le maïs a été semé tardivement ou n’est pas encore semé.

Pour ceux qui ont les bêtes dehors, les prairies de pacage sont endommagées, les bêtes abîmant beaucoup les sols, compte tenu de la météo.

INONDATIONS

La quasi-totalité des parcelles bordant la Garonne et le canal a été inondée. Les communes de St Gaudens, Miramont de Comminges et Pointis-Inard ont été les plus touchées par les crues. Les pertes vont assurément être très lourdes pour certains. Plusieurs cas de figure ont été relevés :

  • envasement de parcelles de maïs : le maïs est debout mais complètement pris dans une sorte de sabline ou limon. Les rendements seront impactés.
  • envasement de parcelles de prairie : perte totale pour cette campagne. Ces parcelles seront probablement rendues impropres à tout usage même à terme à cause des risques sanitaires (voir encadré Cédric Daure).
  • perte de fonds : Des pans entiers de parcelles ont été emportés par la Garonne. Le foncier a littéralement disparu. Ailleurs, ce sont des « trous » qui se sont créés dans des parcelles, la terre ayant été arrachée par l’eau. Sur certaines parcelles, il n’y a plus de terres végétales. Il ne reste que des cailloux et du sable.
  • dégâts matériels : outils, tracteurs, DAC (distributeur automatique de concentrés), destruction de clôtures,… ont été emportés ou détruits par les crues.
  • destruction de stocks fourragers : silos d’herbe noyés, balles de foin et d’enrubanné emportés.

Valérie Montano

Témoignage

Cédric Daure, éleveur en GAEC à Montespan, production laitière

« Je me suis retrouvé avec 70 cm d’eau dans mes bâtiments et il a fallu évacuer les génisses de toute urgence. Après la décrue de la Garonne, je ne pense pas avoir trop de casse sur le matériel mais tout est complètement envasé.

C’est au niveau des terres que c’est plus grave. Nous avons 35 ha de prairies inondées, creusées, voire complètement arasées. Or nous avons basé notre système sur une alimentation uniquement à l’herbe, avec un pâturage tournant dynamique. Toutes les clôtures que nous avions mises en place selon ce principe ont été arrachées. Tout est à refaire… à condition que toutes les prairies soient récupérables. Sur certaines, la terre a disparu et il ne reste que la roche. Sur d’autres prairies, le vétérinaire me conseille une mise en quarantaine de 2 mois avant de les refaire pâturer, pour éviter tout risque sanitaire que peut connaître une herbe envasée.

Pour le moment, mes vaches sont parties pour 3-4 jours en montagne, à 100 km d’ici dans autre exploitation. Avec le printemps qu’on a eu, même s’il nous reste quelques ha de prairies qui n’ont pas été touchés, c’est sûr qu’on aura des problèmes de quantité et de qualité de fourrage. J’ai pris contact avec la Chambre d’Agriculture et le CERFRANCE 31 pour voir ce qu’il est possible de faire dans l’immédiat. La banque et les maires des communes où l’exploitation est présente ont été avertis. Notre assureur était sur place 2 heures après qu’on ait appelé et tout le monde est réactif. J’espère juste qu’on évitera les tracasseries administratives parce qu’avec le stress de cette calamité et le travail qui nous attend sur l’exploitation, ça sera difficilement supportable. La terre est notre outil de travail, au même titre que le magasin pour un commerçant. Je ne voudrais pas qu’il y ait une différence de traitement.

Mais il y a pire que moi. J’ai la chance de travailler à plusieurs. Le 1er jour, j’ai été porté par le stress et l’adrénaline quand il fallait sortir les vaches et parer au plus pressé. Mais j’avoue qu’en revenant le lendemain, j’ai pris un sérieux coup au moral en voyant l’étendue des dégâts. Et c’est là que la présence et le soutien des associés et des salariés prend toute son importance. Je dois également adresser un énorme merci aux voisins et amis qui sont venus nous donner un gros coup de main. J’ai enfin été très touché par la solidarité des habitants du village, qui m’ont spontanément aidé à déplacer mes vaches, et celle des agriculteurs des ACVA voisines, qui ont mis en place une cellule d’assistance d’urgence. »

Luchon / Saint-Béat

Ces deux cantons ont été fortement touchés par la crue du 18 juin dernier. Il est difficile pour l’heure d’établir un bilan précis des dégâts car toutes les zones touchées ne sont pas accessibles et l’eau recouvre encore de nombreuses parcelles. Toutefois, nous sommes en mesure d’établir un premier bilan de l’impact de ces crues au niveau agricole.

La Neste d’Oô, l’Ône, le Lys, La Pique et la Garonne sont entrés en crue. Leurs vallées respectives ont été dévastées avec des dégâts très importants. On dénombre sur ces 2 cantons, plus d’une quarantaine d’exploitations totalement ou partiellement touchées par ces inondations. Il est d’ores et déjà possible de lister les dégâts constatés :

  • destruction complète d’exploitation dans le cas de la pisciculture d’Oô.
  • inondation de trois bâtiments d’élevage avec parfois un important dépôt de boue (+ de 80 cm). Heureusement les éleveurs ont pu évacuer les animaux à temps.
  • perte de fourrage directe par destruction de l’herbe sur pied prête à être fauchée. La perte est totale sur les vallées concernées (100%) et elle peut aller jusqu’à près de 75% pour les exploitations touchées. La plupart des parcelles présentent un dépôt de boue et de limon qui va rendre l’exploitation future très compliquée
  • destruction de culture (céréalières destinées aux animaux ou maraîchères)
  • perte de fond agricole par la destruction complète de parcelles emportées par les crues. La surface disparue est comprise entre 50 ha et 100 ha sur les 2 cantons. Parfois, les cours d’eau ont complètement changé leur écoulement.
  • dépôts considérables de boue et de matériaux dans des parcelles (plusieurs mètres d’épaisseur de boue, rochers, bois,…), les rendant inutilisables pour les prochaines années sans intervention lourde. Les surfaces touchées par ce phénomène représentent plus de 250 ha sur les 2 cantons (quasi intégralité de la vallée de la Garonne entre Saint-Béat et Fos entre autres).

A côté de ces dégâts directs, nous pouvons lister d’autres impacts plus indirects. En effet, certaines parcelles ont été épargnées mais leur accès est désormais impossible puisque des chemins, des pistes, voire des routes ont été emportés. Une trentaine d’hectares de parcelles de fauche, est ainsi isolée, ainsi que l’intégralité de la vallée du Lys (environ une centaine d’hectares supplémentaires de pâturage et parcelle de fauche).

De plus, des estives se trouvent complètement inaccessibles, suite à la destruction des infrastructures routières. Nous avons connaissance actuellement de l’impossibilité d’accéder aux estives de Campsaure, de Superbagnères, de Crabioules, du Céciré et d’une partie des estives de Oô. Pour les éleveurs concernés, l’impact peut être très lourd puisqu’ils devront garder plus longtemps leurs animaux sur le peu de parcelles épargnées par les inondations alors qu’elles devraient leur permettre de récolter le peu de fourrage qu’ils pourront faire. De plus, les éleveurs transhumants extérieurs à la zone n’ont, eux non plus, pas la possibilité d’estiver leurs animaux. Il est nécessaire de très rapidement permettre un accès pédestre à ces montagnes afin de « décharger » les exploitations des animaux qu’elles ont encore en bas.

Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure d’évaluer ce qui a pu se passer sur les estives. En effet, nous ne sommes pas à l’abri d’éboulements conséquents en montagne qui auraient pu, en plus de détruire des accès, détruire des aménagements (cabanes, points d’eau, parcs,…).

Alexandre Forel

Témoignage

Alain Palacin, pisciculteur bio à Oô

« Entreprise familiale depuis 1960, la pisciculture de la Neste d’Oô est spécialisée dans l’élevage de truites. Installé en 1998, je suis passé en production bio en 2002. On ne compte que 3 exploitations de ce genre en France. Mais on peut dire qu’il n’y en a plus que 2 aujourd’hui…

Depuis le 18 juin, mon élevage, situé en-dessous du lac d’Oô, n’existe plus. Tout a été entièrement englouti par les eaux. Les poissons ont disparu et si les bassins sont toujours présents, ils ne sont qu’à peine visibles, enfouis dans une épaisse couche de vase. Les nettoyer et les remettre en état va coûter aussi cher que de tout reconstruire. Il y en a pour 5 à 600.000 € de travaux, entre les bassins et la reconstruction du lit du ruisseau.De plus, en production bio, il faut 18 mois pour qu’une truite atteigne sa taille de commercialisation. D’ici là, je ne sais pas trop comment je vais me débrouiller. Peut-être en me dépannant en truites bio en petites quantités auprès d’amis ou en faisant de la truite conventionnelle, le temps de me remettre sur pied. Avec le risque de perdre mes principaux clients…

Le pire, c’est que je m’y attendais un peu. Il y a quelques mois, j’ai reçu un simple coup de fil d’EDF, en charge de la gestion du lac, pour m’annoncer qu’ils faisaient des travaux dans les galeries qui acheminent l’eau à l’usine et qu’ils ne pourraient pas délester le barrage. Or le lac d’Oô absorbe les ¾ de l’eau qui dévale de l’énorme versant de la montagne. J’ai donc tenté de leur dire qu’avec la pluie et le niveau d’enneigement, le risque était élevé cette année. Je n’ai eu aucun écho de leur part. Depuis que j’ai tout perdu, j’ai reçu la visite de nombreux politiques, élus et journalistes, mais pas la moindre réaction de la part d’EDF… J’estime pourtant qu’ils ont une part de responsabilité dans la gravité de cette crue.

Je suis d’ailleurs toujours inquiet pour l’avenir proche. Les ¾ du manteau neigeux sont toujours présents. Il ne faudrait pas que ce scénario se reproduise… »

« Organiser la solidarité »

Francis Ader, élu Chambre d’Agriculture 31 en charge de la Montagne

Le 24 juin au soir, nous avons invité les agriculteurs touchés par la crue de Luchon à Saint Martory à se réunir à Marignac. Il y a eu une soixantaine de personnes. Ont également participé les Présidents des ACVA d’une bonne partie du département, le Président de l’Association des Maires de Haute-Garonne, Jean-Louis Puisségur, et le Sénateur Bertrand Auban. L’objectif de cette rencontre était de mettre en place les relais d’entraide et de solidarité entre agriculteurs. Nous avons donc commencé par essayer d’estimer, d’un côté, les besoins en fourrage des éleveurs touchés et de l’autre, l’offre disponible. Pour ce faire, les techniciens et conseillers de la Chambre d’Agriculture sont en train de transmettre un questionnaire à chaque agriculteur concerné. Une fois toutes les informations recueillies, nous mettrons en place une procédure adaptée aux besoins.

Par ailleurs, la Préfecture a mandaté les services techniques de la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne pour gérer ce dossier. Toutes les équipes du Comminges et de la montagne se sont mobilisées dès les premiers instants de cette calamité, pour accompagner et soutenir les agriculteurs dans ces moments difficiles. Ils continuent d’œuvrer sur le terrain et devraient, d’ici le 27 juin, avoir rencontré tous les exploitants touchés par les crues, afin d’avoir un bilan des plus précis sur les actions et moyens à mettre en œuvre.

Publié le 22 juin 2013

Auteur de l’article : Sébastien Garcia