Les fleurs, malades de leur TVA…

Publié le 12 décembre 2013

Et ça continue… Après les centres équestres et les transporteurs, c’était au tour des horticulteurs de hausser la voix contre le passage de 7 à 10% de la TVA sur les produits horticoles, prévu au 1er janvier prochain. « Nous sommes déjà passés de 5,5 à 7% en janvier 2012 », tempête Dominique Boutillon, horticultrice à St-Génies-Bellevue (31) et Présidente de la FNPHP*. « L’horticulture est pourtant considérée comme une activité agricole et devrait donc pouvoir bénéficier du taux à 5,5, comme l’autorise l’Union Européenne. Non seulement, il n’y a pas eu moyen de revenir sur cette décision de l’État mais voilà qu’on veut encore nous ajouter 3% de plus. Ce n’est plus tenable ! »

1.500 entreprises de production menacées

Le 4 décembre dernier, une délégation d’horticulteurs et pépiniéristes de la région patientait devant la DRAAF à Toulouse, avant d’aller rencontrer son directeur, Pascal Augier. Tout en distribuant tracts et fleurs aux passants, Dominique Boutillon et ses confrères expliquaient aux médias présents l’impact de cette nouvelle hausse sur leur activité. « Depuis le début 2012, nous avons enregistré une baisse historique de 10% de la consommation de produits horticoles », déclarait-elle. « Difficile de dire si c’est la crise, la hausse de TVA ou la conjugaison des deux qui est à l’origine de cette chute. Toujours est-il que nous n’avons bien sûr pas augmenté nos prix dans un contexte difficile pour tout le monde et que tous, nous avons dû rogner sur nos marges pour absorber la hausse de TVA. Mais dans le même temps, toutes nos charges explosent (main d’œuvre, énergie, terreaux, etc.). Avec un revenu moyen parmi les plus faibles de l’agriculture, je ne vois pas comment nous pourrions supporter cette nouvelle hausse sans grosse casse pour la filière. »

Pour la FNPHP, ce ne sont pas moins de 1.500 entreprises qui risquent de mettre la clé sous la porte. Or, avec en moyenne 5 ETP par entreprise, l’horticulture figure dans les activités agricoles les plus créatrices d’emplois. La région compte 280 entreprises de production, qui emploient plus de 400 salariés. Si la majorité d’entre elles est constituée de petites entités, Midi-Pyrénées compte également une dizaine de « poids lourds » au rayonnement national et international, qui ont entre 30 et 50 salariés. Au niveau national, l’horticulture représente 25.000 emplois directs dans la production et génère environ 160.000 emplois indirects dans la filière (fleuristes, jardineries, graineteries, paysagistes, etc.). Autant d’emplois directement menacés par cette hausse de TVA…

Un précédent désastreux en 1991

La filière Horticulture ne veut pas revivre le cataclysme de 1991.
La filière Horticulture ne veut pas revivre le cataclysme de 1991.

« Nos dirigeants n’ont vraiment aucune mémoire ! » C’est le cri de colère que lançait Pierre Haberschill. Ce dirigeant d’une entreprise spécialisée dans la production de jeunes plants à Valdurenque (81) ne se rappelle, lui, que trop bien la catastrophe de 1991. Cette année-là, le Gouvernement décide de passer la TVA de 5,5 à 18,6%. « Cela a duré 4 ans », explique-t-il. « 4 années au cours desquelles 5.000 entreprises ont fermé et 20.000 emplois ont été détruits. Un vrai cauchemar qui s’est arrêté en 1995, quand le ministre du budget de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy, a rétabli la TVA à 5,5%. Et voilà qu’ils recommencent ! » Les professionnels de la filière se sont donc mobilisés pour tenter de convaincre les Pouvoirs Publics de faire machine arrière et de permettre à l’horticulture de revenir au même taux que les productions agricoles. Dans toute la France, des rencontres se font avec les élus, les préfets et les conseillers ministériels, pour expliquer les risques de toute pression fiscale supplémentaire sur leurs entreprises. « Nous ne sommes pas assez nombreux pour bloquer les routes ou faire des manifestations d’importance comme les centres équestres », poursuit Dominique Boutillon. « Nous devons donc faire un travail de lobbying. Ici, le Préfet de région n’a pas souhaité nous recevoir et nous a renvoyés vers le DRAAF. C’est une déception mais nous allons quand même répéter à Pascal Augier, qui représente le ministère de l’agriculture en Midi-Pyrénées, que nous sommes de véritables acteurs du tissu économique local. Nous lui rappellerons que le financement du CICE** par une augmentation du taux de TVA ne doit pas aboutir à une destruction d’emplois ! »

À la sortie de la rencontre, qui aura duré une heure et demie, Dominique Boutillon était plutôt satisfaite de l’accueil par le DRAAF, même si elle ne se faisait pas trop d’illusions. « Nous savons bien que ces personnes n’ont pas de pouvoir décisionnel et qu’elles peuvent seulement relayer les inquiétudes et les difficultés du secteur auprès de leur hiérarchie », conclut-elle. « Nous avons donc veillé à ce que Monsieur Augier transmette les informations les plus précises possible. Ce travail de tout notre réseau commence à porter ses fruits. Notre objectif est de faire déposer des amendements par les parlementaires pour revenir sur cette augmentation du taux de TVA. Plusieurs d’entre eux ont déjà agi en ce sens. Il ne faut pas relâcher nos efforts. »

* Fédération Nationale des Producteurs de l’Horticulture et des Pépinières
** Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi

 

Quand les collectivités ne jouent pas le jeu…
Les deux tiers des fleurs et plantes décoratives achetées par les mairies de France viennent de l’étranger, principalement de Hollande, d’Allemagne et d’Italie… « Nos charges nous rendent moins compétitifs que nos voisins, mais il n’y a pas que cela », se désole Dominique Boutillon. « Le maire d’une grande ville de l’Ouest de la France m’a ainsi raconté qu’à chaque fois qu’il a choisi un horticulteur local pour fleurir sa commune, il a été contrôlé par la répression des fraudes qui le soupçonnait de favoritisme. Pour être tranquille, il préfère désormais les acheter à l’étranger… On marche sur la tête ! »

Alors que les politiques nationales plaident pour la lutte contre le réchauffement climatique, la dépollution, la fixation de carbone, etc., la traduction semble avoir du mal à se faire au niveau local de la part des collectivités territoriales. D’autant que la filière horticole s’est résolument engagée dans la recherche et l’innovation. La profession a d’ailleurs créé « Plante Bleue » : une certification environnementale, sociale et sociétale des entreprises reconnue par les Pouvoirs Publics.

Encore faudrait-il qu’ils jouent le jeu. Lors de la rencontre du 4 décembre avec les horticulteurs, Pascal Augier les a assurés du soutien actif des services de la DRAAF, qui vont mettre en avant la filière locale auprès des décideurs et acheteurs publics de la région. Ils ont visiblement du pain sur la planche…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia