Quand les particuliers suppléent les banques

Publié le 28 mai 2015

À 25 ans, Élodie Doumeng incarne la 5ème génération de la modeste exploitation familiale de Miremont, à côté d’Auterive. Mais à la différence de ses ascendants, jamais une installation n’a été aussi compliquée que la sienne. Financée « à moitié » par une banque, Élodie se démène maintenant pour aller chercher par elle-même les fonds qui lui manquent pour pouvoir enfin travailler convenablement.

Une installation qui tourne court

Pour préparer l’arrivée de sa fille dans l’exploitation, Bernard Doumeng s’est lancé dans la conversion à l’agriculture bio et la vente en circuits courts en 2005. Auparavant en production bovine laitière puis allaitante, l’exploitation se tourne désormais vers le maraîchage, avec des légumes de plein champ et pommes de terre, et l’aviculture. Enfin, une production céréalière, autoconsommée par les volailles, vient compléter le tout. C’est donc avec un dossier solide et un grand enthousiasme qu’Élodie Doumeng entreprend ses démarches d’installation en 2012. Mais 6 mois après que son projet ait été validé en CDOA, la banque retenue par la jeune femme décide d’ajourner son dossier. Motif : pas d’apport personnel… « Ce n’était pourtant pas une découverte », soupire Élodie. « Mais mon PDE* montrait que le projet était financièrement viable, même sans apport. Bref, j’ai dû repartir à zéro et trouver une autre banque en urgence pour pouvoir commencer à travailler. » Sauf que l’établissement qui va la suivre ne veut pas prendre de risques et n’acceptera de prêter qu’une partie des fonds dont elle a besoin. Avec les aides à l’installation et le prêt bancaire, elle fait donc construire un hangar de 1.400 m².

Mais ce dernier est sans bardage, faute de fonds suffisants, et donc ouvert aux quatre vents. « C’est, entre autre, là que je reçois les clients », poursuit Élodie Doumeng. « En termes d’accueil, ce n’est pas terrible. En cas de vent ou de pluie, il y a de la poussière ou de la boue partout. J’ai dû arrêter provisoirement la production de volailles, les conditions sanitaires n’étant pas satisfaisantes. Je m’en tiens aux légumes, mais comme je n’ai pas de serres, je ne peux pas faire de productions à forte valeur ajoutée comme la fraise, ni faire de décalage de saison. »

Financement entre particuliers

La seule production de légumes de plein champ ne suffit pas à faire tourner l’exploitation, d’autant que les deux dernières campagnes ont été assez mauvaises. Même si Élodie écoule une partie de sa production sur le marché de Cintegabelle et dans deux magasins fermiers, elle estime que la solution passe par la construction d’un point de vente/accueil digne de ce nom et d’un local de transformation pour les volailles et les légumes. Mais impossible d’obtenir de sa banque les 10.000 € que lui coûteraient ces deux locaux. Ni même la moitié pour le seul point de vente… « J’ai trouvé une CUMA d’abattage pour les volailles à Salles sur l’Hers, à 45 km de chez moi », poursuit-elle. « Je pense utiliser cette solution en attendant de me refaire un fond de trésorerie, grâce à mon point de vente, pour financer le local de transformation. » Encore faut-il pouvoir financer le premier. C’est Guillaume Darrouy, Secrétaire Général des Jeunes Agriculteurs 31, qui lui parle alors de la plateforme de financement participatif Miimosa (voir notre édition précédente). Renseignements pris, la jeune femme monte rapidement son dossier et le projet est mis en ligne le 16 mai. Si elle parvient à convaincre les internautes d’y adhérer, elle peut espérer récolter un peu plus de 6.000 €. Si la somme ne couvrira pas ses besoins, elle lui permettra tout de même de recommencer à travailler dans des conditions acceptables. « Je vais me débrouiller », assure-t-elle. « De toute façon, avec les banques qui sont de plus en plus frileuses, on n’a plus trop le choix. Je vois d’ailleurs que le financement entre particuliers est en plein essor depuis quelques mois. J’ai ainsi rencontré une dame qui croit en mon projet et son potentiel, et qui est prête à investir dedans. C’est une façon pour elle de défiscaliser une partie de ses revenus, tout en encourageant le développement économique local. »

Malgré les obstacles, Élodie Doumeng garde sa motivation et n’entend pas laisser une vulgaire question d’argent se mettre en travers du rêve qu’elle poursuit depuis toute petite. Elle a pour elle sa jeunesse, son énergie et son entourage. Il ne lui manque qu’un coup de pouce…

 

* Plan de Développement de l’Exploitation

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia