Sauver le lait du dépôt de bilan…

Regroupons-nous si l’on veut survivre !

Interview de Joël Dupin,Vice-Président de la Chambre d’Agriculture 31

TUP : Qu’est-ce qui vous a conduit à organiser ce colloque ?

Joël Dupin : L’idée de ce colloque m’est venue en me rappelant la présentation, il y a deux ans, d’une étude prospective réalisée par le CER France 31 et la Chambre Régionale d’Agriculture (CRAMP) sur la filière Lait. J’avais été marqué par un des scénarii envisagés, qui évoquait la disparition pure et simple de la production laitière en Midi-Pyrénées d’ici 2020. De part mes fonctions à la Chambre d’Agriculture et au sein de la filière laitière régionale, je me suis rendu compte que les données économiques auxquelles j’avais accès tendaient à confirmer cette scénario catastrophe. Siégeant en CDOA, j’ai aussi pu constater que nous n’avions fait aucune installation en lait au cours des 2 dernières années.
Dès lors, le choix était simple : soit nous ne faisions rien, soit il était plus que temps de réagir.
Avec la CRAMP et le COREL (Comité d’Orientation Régionale de l’ÉLevage), nous avons donc décidé de réunir tous les laitiers du bassin Sud* et les industriels de la région sur une journée pour faire le point.

TUP : Qu’est-ce que vous attendiez de cette journée ?

Joël Dupin : Pour moi, il était surtout question de mettre tout le monde au même niveau d’informations. Trop souvent, l’éleveur laitier ne sait pas vraiment ce qui se passe une fois son lait livré. Il y a une réelle méconnaissance des mécanismes économiques et des règles qui régissent l’activité laitière. D’où des prises de position parfois déconnectées de la réalité. Nous voulions aussi donner quelques pistes de réflexion et passer quelques messages indispensables, selon nous. Je risque de paraître brutal mais, en gros, on ne représente rien par rapport à la production nationale. Une fois qu’on a compris cela, on voit que la seule solution est de nous regrouper. Et qu’il faut qu’on se retrouve régulièrement pour échanger les informations et créer des entités économiques plus fortes. C’est ce qui se passe dans tous les secteurs d’activités. Alors pourquoi pas dans la filière laitière ?

TUP : Pensez-vous que le message est passé ?

Joël Dupin : En tout cas, ce colloque était un test et je pense qu’on l’a réussi. Plus de 200 éleveurs de tout le bassin présents le matin, c’est le signe d’une prise de conscience. À savoir que nous avons les mêmes problématiques d’un département à l’autre et que des solutions peuvent se trouver chez nos voisins, voire avec nos voisins. Les élevages performants qui ont été présentés dans la matinée ont montré les marges de progrès que nous avons ou les modes d’organisation qui peuvent fonctionner chez nous. Avec les débats de l’après-midi, j’espère que les éleveurs présents se sont rendus compte que les industriels, qu’ils soient coopératifs ou privés, avaient plus ou moins la même approche et les mêmes impératifs en terme de débouchés. Et que sans travail en étroite concertation avec eux, nous ne pourrons rien faire. Cela implique une remise en question de notre fonctionnement.

TUP : Quelles suites voyez-vous à ce colloque ?

Joël Dupin : J’en vois deux principales. Accentuer la formation des éleveurs et poursuivre nos échanges et nos réflexions à l’échelle du bassin pour faire évoluer nos structures. C’est pourquoi la Chambre d’Agriculture propose trois cycles de formations : « Organisation du travail et partage des moyens de production » ; « Intérêt de la traite robotisée » et « Transmission de l’exploitation ». Quant aux réflexions à mener, il y a des thèmes qui n’ont pas été abordés lors du colloque, faute de temps, mais qui mériteraient qu’on se penche sérieusement dessus. Il y en a notamment un pour lequel j’aimerais recueillir les différents avis des acteurs de la filière : les banques et les industriels seraient-ils prêts à entrer au capital des exploitations laitières ? Parce que si on mène la logique du regroupement d’exploitations jusqu’au bout, les investissements induits dépasseront allègrement le millions d’euros. Si les banques et les industriels, comme ils nous l’ont laissé entendre lors du colloque, veulent vraiment accompagner et prendre part au développement de la filière, ce serait une opportunité à étudier. Bref, ce ne sont pas les sujets qui manquent. Il faudra voir sous quelle forme on peut continuer à travailler ensemble : un colloque annuel ou des réunions plus ciblées.

* Aude, Ariège, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées

Auteur de l’article : Sébastien Garcia