Gestion de l’eau : un enjeu majeur

Publié le 14 janvier 2019

Indispensable à la vie et indissociable de l’agriculture, l’eau représente un enjeu majeur en Occitanie. Consciente que le dossier de la gestion et utilisation de ce bien précieux n’avance pas aussi vite qu’il le faut, la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne a organisé un colloque vendredi 7 décembre.

« Tout le monde en parle mais nous avons l’impression que rien ne bouge », a déploré Yvon Parayre en introduction du colloque intitulé « Eau, agriculture et changement climatique ». Il a rappelé que sur le département de la Haute-Garonne, la démographie croissante conduisait à un déficit structurel permanent en eau, puisque chaque année, un million de m3 supplémentaire est nécessaire pour assurer la salubrité des nouveaux habitants. « Il est dommage de regarder l’eau couler, a-t-il regretté.
L’eau est essentielle à la vie des hommes et à la diversification des produits agricoles. Même le secteur viticole utilise à présent l’irrigation maîtrisée. Cet élément vital génère de la plus-value, nous en avons tous besoin, en particulier les jeunes installés.»

Guillaume Benoit, président du groupe « eau et sécurité alimentaire » au ministère de l’Agriculture et membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a présenté le rapport qu’il a coordonné, « Eau, agriculture et réchauffement climatique : statut quo ou anticipation ? ». S’il semble évident que sans eau, aucune agriculture n’est possible, l’enjeu est de taille pour la ruralité, l’alimentation des Français et la compétitivité du territoire.

De l’échelle internationale au territoire régional, le rapport donne une vision d’ensemble sur le sujet, basée sur le discours construit par la communauté scientifique. D’après le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), il apparaît ainsi que l’Europe est une des régions du globe qui subit le moins la baisse de disponibilité en eau liée au réchauffement climatique. Dans de nombreuses autres régions, le risque de rupture des systèmes alimentaires suite à la variabilité des pluies et la sécheresse est grand. Cet accès insuffisant à l’eau d’irrigation et la baisse de la productivité agricole conduisent aussi à une perte de revenus ruraux. Ainsi, de nombreux pays sont conscients que les deux questions eau et agriculture sont indissociables… et l’agriculture apparaît comme un élément de solution au problème climatique.

En zoomant, la France s’apparente à un territoire d’abondance hydrique, tout au moins en hiver. Paradoxe relevé par Guillaume Benoit : « notre pays est importateur net d’eau via les fruits et légumes produits dans des pays eux-mêmes déficitaires en eau ». En parallèle, l’irrigation correspond à 2% de la consommation annuelle nationale. Utilisée depuis plus de 4.000 ans, elle a gagné 30 % d’efficience en grandes cultures depuis 20 ans. Ces progrès s’expliquent à la fois par un meilleur pilotage de l’irrigation, la génétique et la réduction des pertes du réseau.
Néanmoins, le changement climatique engendre une aridification de climat, qui va devenir de type méditerranéen sur une grande partie du pays. Des conclusions confirmées par Pierre Etchevers de Météo France. L’augmentation généralisée des températures est plus marquée dans le Sud. Pour les précipitations, le signal s’avère en revanche moins clair. La canicule de 2003, jusqu’ici exceptionnelle, va se généraliser voire être dépassé par des événements d’une ampleur jamais connue en température et en durée.

Alors que les calamités agricoles engendrent à ce jour des pertes estimées à 600 millions d’euros, principalement auprès des éleveurs, les sécheresses agricoles extrêmes deviendraient encore plus fréquentes. Selon Guillaume Benoit, l’Occitanie devrait perdre sa capacité à cultiver en sec, même le colza sera à irriguer. La France n’irrigue que 4 % du vignoble, contre 90 % du vignoble australien. « Ici, les étiages sont de plus en plus longs et sévères, contrairement à une région comme Languedoc-Roussillon où des ouvrages ont été réalisés pour investir dans le stockage. » Loin d’être pessimiste, Guillaume Benoit assure que la région ne manque pas d’atouts pour réussir : « Il convient de ne pas opposer les usages et d’entamer un dialogue sociétal : grâce à une ressource abondante en hiver, des scénarios d’adaptation existent. »

Auteur de l’article : Marie-Laure Chabalier