Moral au beau fixe pour le maïs semences

Publié le 10 avril 2012

Jérôme Dal a de quoi être satisfait. Producteur et Président du Syndicat des Multiplicateurs de Semences de Maïs du Midi-Toulousain, il est revenu, lors de l’AG du 27 mars dernier à Sayrac, sur la campagne 2011 et surtout les perspectives 2012.

Météo atypique

Si la sécheresse hivernale de l’année dernière a handicapé de nombreuses productions, le maïs grain a paradoxalement bénéficié de ces conditions climatiques particulières, en affichant un rendement record de 105 qx/ha en moyenne en France. Dans le Sud-Ouest, la production de maïs semences a, quant à elle, dû composer avec cette météo capricieuse. Le temps sec de la fin d’hiver a permis de réaliser 80% des semis dans la 1ère quinzaine de mai. Les températures de mai et juin ont ensuite favorisé une croissance rapide, mais ont également obligé à débuter l’irrigation très tôt. Les précipitations importantes et la chute du thermomètre de juillet à mi-août est venu compliquer le tableau. Contrairement au maïs conso, la production de semence a souffert de ce revirement climatique, avec notamment des problèmes de fécondation. Le retour, mi-août, de températures estivales a, du coup, entraîné une rupture d’alimentation et de remplissage des grains sur de nombreuses parcelles, peu avancées en raison de la fraicheur des semaines passées. Mais si les rendements sont moyens en France, le secteur midi-toulousain s’en sort plutôt bien, en atteignant 99% des objectifs fixés par les établissements*. La qualité, elle, est globalement satisfaisante grâce à une météo peu propice au développement de fusarium. « Ces résultats montrent bien que notre terroir est particulièrement bien adapté à la production de maïs semence », estime Jérôme Dal. « D’ailleurs, il se situe, la plupart du temps, au-dessus des résultats nationaux. »

Une production rentable et bien accompagnée

Le Syndicat des Multiplicateurs de Semences de Maïs du Midi-Toulousain fait partie du réseau de l’AGPM Maïs Semences, qui regroupe 22 syndicats locaux et représente environ 50.000 ha en France. Cette « force de frappe » lui permet de disposer de moyens suffisants pour accompagner techniquement les producteurs nationaux et promouvoir la qualité des semences de maïs françaises à l’international. Rappelons en effet que 60% de la production de semence est exportée. Avec ses 70 producteurs, le syndicat du midi-toulousain a emblavé 1.400 ha en 2011, avec des surfaces individuelles allant de 5 à 60 ha. « C’est un secteur qui couvre, au nord, le Lauragais jusqu’à Revel et les coteaux de Nailloux, au sud, les vallées de la Lèze, de l’Arize et de la Garonne et à l’est, la vallée du Touch et une partie du Gers », précise Jérôme Dal. « Ce territoire dégage un chiffre d’affaires de 5,8 millions € pour les multiplicateurs, qui se traduit par 15 millions € en valeur marchande finale. C’est une production à forte valeur ajoutée qui peut répondre à pas mal de situations. » Bien adapté au contexte pédoclimatique local, le nombre important de variétés spécifiques de maïs semence permet de s’adapter à tous les types de sols. Du fait de son cycle plus court, l’utilisation de variétés précoces autorise également une bonne valorisation de l’eau, atout primordial en cas de situations limitantes en eau.

Fait remarquable, le syndicat midi-toulousain a mis en place, depuis 4 ans, un système de rémunération « plancher/plafond » pour les multiplicateurs, en accord avec les principaux fournisseurs. Un contrat signé entre le producteur et les établissements défini un prix minimum et maximum, basé sur les cours du maïs grain. « Les 2 premières années, nous avons été payés au prix plancher », précise Jérôme Dal. « La 3ème année, les cours étant dans la fourchette décidée, on n’a pas eu recours à ce dispositif. Et cette année, nous sommes au prix plafond. Ce système permet donc d’éviter les grands écarts de prix et apporte une lisibilité importante pour le producteur. »

2012, année record

Si la production en 2011 a augmenté de 10% par rapport à la campagne précédente, l’année 2012 va atteindre un record en termes de surfaces emblavées en maïs semences. L’économie, favorable à la production de maïs, a motivé une hausse des surfaces cultivées en Europe et ce, sur l’ensemble des destinations des doses de semences de maïs françaises. Les surfaces en maïs grain ont augmenté de 8% et celles de maïs fourrage, de 4%. Au-delà du marché communautaire, les emblavements de maïs ont connu une forte croissance sur les pays d’Europe de l’Est et en particulier en Ukraine. Ce marché constitue un appel d’air supplémentaire pour les doses produites à l’ouest, notamment chez nous. C’est donc avec un certain optimisme que Jérôme Dal envisage le proche avenir du maïs semence : « Nous ne pouvons avoir qu’une vision à moyen terme, mais les marchés sont actuellement porteurs pour les semences de maïs. » Sa seule inquiétude concerne l’irrigation, jamais à l’abri d’une restriction en période cruciale pour cette culture. Le syndicat midi-toulousain travaille d’ailleurs activement à gérer au plus près les ressources en eau et s’est récemment associé à la société TCSD. Cette entreprise de Montauban a mis à disposition en test un système de surveillance de ses parcelles par télétransmission, accessible depuis internet ou sur son téléphone mobile. Des sondes tensiométriques ou capacitives, installées à différentes profondeurs, enregistrent l’hygrométrie, la température du sol et la pluviométrie. Une sonde météo complémentaire fait la distinction entre l’eau de pluie et l’irrigation. L’agriculteur est donc immédiatement alerté en cas de stress hydrique ou d’apport d’eau inattendu. Il peut ainsi gérer son irrigation au plus près, en fonction des besoins de la plante et des conditions météorologiques. Un essai dont les multiplicateurs attendent beaucoup. « Nous sommes souvent visés dès qu’on parle d’irrigation », regrette Jérôme Dal. « Mais avec ce genre de pratiques, nous faisons la preuve que notre syndicat de producteurs fait tout son possible pour que toute l’eau utilisée le soit à bon escient, sans gaspillage. » Un message à diffuser largement…

* En 2011, les variétés produites par le syndicat Midi-Toulousain provenaient de chez : RAGT, Monsanto, Caussade Semences, Arterris, Panam
Témoignage
Une production idéale pour débuter ou conforter son exploitation

Philippe Gorsse, multiplicateur semences maïs, Buzet/Tarn
Philippe Gorsse, multiplicateur de semences à Buzet/Tarn

TUP : Depuis quand faites-vous du maïs semence et pour quelles raisons ?

Philippe Gorsse : C’est une affaire de famille chez nous. Mon père a débuté en 1984 et moi, dès mon installation, en 1996. Je fais actuellement entre 30 et 40 ha de multiplication de semences sur les 80 ha irrigués de mon exploitation. Cela me permet d’optimiser cette surface, dans le sens où ça ne passerait pas, économiquement, si je l’implantais exclusivement en maïs conso.

TUP : quelles sont les conditions pour faire du maïs semence ?

P.G. : Du matériel et de la technicité. C’est une production qui nécessite, outre un réseau d’irrigation, un matériel spécifique relativement coûteux. Au-delà d’une certaine surface, il faut une machine à castrer pour pallier un peu le coût et la rareté de la main d’œuvre. Avec les protocoles de semis qui évoluent, il faut désormais prévoir un semoir adapté. Pour la récolte, il faut être équipé d’un corn-picker ou recourir à un entrepreneur. Concernant l’effeuillage, on peut opter pour une vente « sortie du champ », en épis, qui seront effeuillés en usine. Mais si on le fait à la ferme, il faut avoir une effeuilleuse ou faire partie d’un groupe qui en possède une. Tout cela représente un investissement conséquent, mais qu’on peut limiter par des CUMA ou des achats en commun. Quant à la technique, l’agriculteur qui aime ça sera servi ! La multiplication ne tolère pas d’à peu près dans la conduite culturale. C’est un aspect motivant de cette production car on ne s’ennuie pas. C’est aussi pour ça qu’on crée facilement des liens avec les autres multiplicateurs. Que ce soit dans le syndicat, avec les techniciens des établissements ou simplement entre collègues, on a beaucoup d’astuces ou de conseils à échanger pour être toujours plus performant. En maïs semence, on n’est jamais seul.

TUP : C’est un métier contraignant ?

P.G. : Il faut de l’investissement personnel car on ne s’improvise pas multiplicateur du jour au lendemain. Mais ce n’est pas un métier plus contraignant qu’un autre. Les principales contraintes que je vois concernent la main d’œuvre, de plus en plus difficile à trouver pour des périodes courtes. Pour la castration, il faut entre 30 et 50 h/ha de travail manuel derrière le passage de la machine à castrer. Et pour l’effeuillage, il faut prévoir une semaine à 5 personnes pour une trentaine d’ha ramassés. Il y a enfin la contrainte d’isolement à prendre aussi en compte. Il faut 200 m de distance entre une parcelle de maïs semence et une parcelle de maïs conventionnel. Ça peut être délicat dans une zone à dominante maïs.

TUP : Mais tout cela ne vous a pas dissuadé de continuer…

P.G. : Pas du tout ! C’est une culture économiquement attractive, qu’on peut aussi mener sur de petites surfaces. Ici, la moyenne des surfaces est d’environ 25 ha. C’est un bon moyen de sécuriser son revenu et c’est une très bonne école agronomique. Pour un jeune qui s’installe, s’il a un réseau d’irrigation, la multiplication de semences est une bonne opportunité pour débuter. Il apprendra beaucoup, rencontrera un réseau de passionnés et pourra monter en puissance graduellement. Et la technicité acquise sera facilement transposable aux autres cultures qu’il pourrait mener.

Propos recueillis par S.G.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia