«La formation coûte cher ? Essayez l’ignorance…»

Publié le 18 février 2017

Août 2016 : quand Offre et Demande Agricole (ODA), cabinet de conseil en gestion du risque des prix agricoles, annonce une récolte française de blé à 28 millions de tonnes, personne n’y croit. Les différentes estimations tablaient sur 37 à 39 Mons T. La suite donnera raison à ODA, avec un recul de la production française de l’ordre de 17 Mons T. par rapport à la campagne précédente.
Février 2017 : alors que la presse agricole se fait l’écho de doutes sur une reprise des cours céréaliers, ODA estime qu’un large faisceau d’indicateurs incite plutôt à l’optimisme.
C’était en tout cas la teneur de la dernière journée régionale d’informations que le cabinet organise périodiquement pour ses adhérents. Le 02 février dernier, le Président d’ODA Groupe, Renaud de Kerpoisson, avait fait le déplacement à Mondonville, dans le nord ouest toulousain, pour faire le point sur les tendances macroéconomiques mondiales et leur impact potentiel sur les marchés des céréales en 2017. Et rappeler quelques fondamentaux qui lui tiennent à cœur.

L’agriculture n’est pas une loterie

Si ODA a perçu très tôt l’ampleur des dégâts de la calamiteuse récolte céréalière de l’an passé, c’est qu’il ne s’appuie pas uniquement sur les chiffres donnés par les différents opérateurs. L’organisme s’appuie, d’un côté,  sur une équipe de recherche installée dans différents pays ou ports stratégiques, et de l’autre, sur son réseau de producteurs adhérents à qui il envoie régulièrement des questionnaires par mail. « Grâce au millier de réponses retournées en juillet 2016, nous avons pu extrapoler et anticiper la chute des rendements céréaliers français, ce qui nous a permis d’adapter notre stratégie de conseil », explique Renaud de Kerpoisson. « Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, les agriculteurs sont des spéculateurs malgré eux. Sauf qu’on leur demande d’investir dans des productions ou des stratégies de commercialisation sans connaître le prix de vente ou les orientations des marchés. C’est un pari très risqué. Qui aurait l’idée de jouer au loto avec son outil de travail ? Il faut donc que les agriculteurs se prennent davantage en main, lèvent le nez de leur tracteur et prennent du recul et de la hauteur. »

Pas le moment de faire des impasses

La matinée a été l’occasion de faire un point macroéconomique pour appréhender les différents facteurs non-agricoles ayant des conséquences sur les marchés des céréales et oléagineux (pétrole, parité €/$, croissance US). Puis les consultants d’ODA ont réalisé un 1er bilan des récoltes de l’hémisphère Sud, avant de faire le point sur l’évolution des prix sur les marchés du blé, du maïs, du porc et des produits laitiers et, enfin, une analyse de la consommation mondiale. Ce sont ainsi de nombreuses données économiques, politiques, agricoles qui seront passées en revue pendant près de 3 heures. ODA estime, par exemple, que les stocks mondiaux de blé ne sont pas aussi élevés qu’on veut bien le croire. Une large partie de ces stocks, certes importants, est concentrée en Chine, qui ne les commercialisera pas sur les marchés internationaux et dont la qualité laisse à désirer. La situation chinoise concernant la production porcine vaut aussi la peine de s’y intéresser. Plusieurs crises sanitaires ont conduit à décapitaliser 20% du cheptel chinois, qui représente 53% de la production mondiale. En outre, les projets de convertir les petits élevages familiaux en grosses unités de production pour répondre à une demande croissante ont quasiment tous été stoppés en raison d’une nouvelle politique drastique de protection de l’environnement. Résultat, la Chine achète tous les mois depuis avril 150.000 T de porc de plus que d’habitude, partout dans le monde. Les cours ont remonté et Renaud de Kerpoisson rappelait que pour produire 1 kg de porc, il faut 7 kg de céréales. Avant d’ajouter qu’au vu de la conjoncture mondiale, ce n’était pas le moment de faire des impasses techniques sur ses céréales…

« Le cas du lait est un exemple de l’importance d’avoir les bonnes informations », insistait-il. « La Nouvelle-Zélande, 1er exportateur mondial de produits laitiers, a fortement décapitalisé son cheptel et baissé sa production. Les prix de la poudre et du beurre, dont les stocks sont au plus bas, ont déjà atteint des niveaux record. En France, la décapitalisation a également conduit à mettre à mal la filière allaitante. Or, le marché laitier reprend fortement. Le prix du lait sur le marché libre a pris 300 % en 6 mois ! Mais on n’a plus de génisses… Il faudra attendre 3 ans pour retrouver une capacité de production, si les éleveurs laitiers n’ont pas tout bonnement arrêté leur activité. Et ceux qui produisent toujours ont signé des contrats à 280 €/T en juillet, avec leurs laiteries… Alors, à ceux qui me disent que la formation et les informations coûtent cher, je leur suggère d’essayer l’ignorance. Oui, cela a un prix. Quand nous ne croyons pas aux statistiques officielles de certains pays, nous allons compter le nombre de bateaux qui arrivent dans les ports. Mais ces informations sont vitales pour les agriculteurs qui ne veulent plus naviguer à l’aveuglette. Formez-vous, informez-vous et montez en compétence. C’est le meilleur investissement que vous puissiez faire. »

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia