Entrez dans l’agriculture collaborative avec WeFarmUp

Publié le 25 avril 2017

On peut louer ou mettre en location une maison ou appartement avec AirBnB. On peut profiter ou faire profiter contre rétribution d’un trajet en voiture avec Blablacar. Pourquoi donc ne pas partager son matériel agricole ? C’est l’idée qu’ont eue Laurent Bernède et Jean-Paul Hébrard en octobre 2015. Le premier, agriculteur et directeur d’une concession en Haute-Garonne, recherchait un tracteur de 150 cv. Rebuté par le coût de l’investissement par rapport à son utilisation effective, il en parle au second, fondateur du site internet Power Boost, dédié au machinisme agricole. Tous deux imaginent alors un système de partage facilité de matériel entre agriculteurs, au moyen d’une application pour smartphone. WeFarmUp était lancé.

Du suréquipement à l’optimisation du matériel

D’un côté, nombreux sont les agriculteurs à avoir du matériel sous-utilisé qui dort de longs mois sous les hangars. De l’autre, beaucoup ont des besoins ponctuels en matériels, que ce soit dans le cadre d’une installation, d’un dépannage, d’un changement de pratiques culturales ou tout simplement pour tester un nouveau matériel avant achat. Pour les fondateurs de WeFarmUp, il fallait juste leur donner les moyens de se mettre en relation pour que les uns limitent leur endettement et les autres trouvent une source de revenus supplémentaire. Deux raisons plus que pertinentes dans le contexte agricole actuel.

Reste que louer ses outils de travail à un inconnu n’est pas forcément évident et les réticences sont nombreuses. Attaché à son matériel, un propriétaire redoute de le voir endommagé ou mal utilisé. Qui dit location dit également relations commerciales, contrats, assurance, paiements, …, soit autant de sources de litige potentielles. Tout le travail de WeFarmUp aura donc été de lever ces réticences, en proposant un service simple, complet et rassurant pour les deux parties. « Tout a été pensé pour border les risques et faciliter les échanges », affirme Marion Seiller, responsable Communication et Nouvelles solutions de la start-up toulousaine. « Nous aidons le propriétaire à évaluer le prix de la location et du montant de la caution de son ou ses matériels. Très rapidement, Groupama est devenu partenaire et assure les matériels mis en location, de manière indépendante des contrats déjà souscrit par les deux parties. Les sinistres éventuels n’auront ainsi pas de conséquences sur les bonus ou malus des propriétaires ou utilisateurs. WeFarmUp s’occupe également de la rédaction de tous les contrats, de la facturation des prestations, du paiement et, au besoin, du suivi des litiges. »

Un système pratique pensé pour tous

Concrètement, la procédure est très simple. Le propriétaire d’un équipement s’inscrit gratuitement depuis son ordinateur ou son smartphone. Il prend ensuite une photo du matériel qu’il veut louer et renseigne les caractéristiques et le lieu où il est disponible. Le prix de la location, suggéré par WeFarmUp, reste au libre choix de son propriétaire qui peut le pondérer en fonction de son état. Il est possible d’enregistrer plusieurs outils à l’avance. Le propriétaire pourra ensuite activer ou désactiver la ou les annonces, suivant ses propres besoins, sans avoir à tout ressaisir.

Pour le locataire, ce n’est pas plus compliqué. Après avoir créé son compte, il peut rechercher, via l’application WeFarmUp (disponible pour Apple et Android) ou leur site internet www.wefarmup.com, le matériel dont il a besoin, dans un rayon de 30 km autour de chez lui. Son choix arrêté, la réservation et le paiement se font en ligne. Le propriétaire a alors 48 heures maximum pour accepter ou non la location. Les deux parties peuvent alors prendre contact pour fixer une heure de rendez-vous. Le locataire va chercher le matériel chez le propriétaire et lui remet le chèque de caution. WeFarmUp envoie à chacun les contrats de location, l’état des lieux et l’attestation d’assurance. Une fois les travaux terminés, le locataire rapporte le matériel nettoyé et fait l’état des lieux avec le propriétaire. Ce n’est qu’une fois la transaction terminée que WeFarmUp procède au paiement du propriétaire. Comme dans la plupart des systèmes collaboratifs ou d’échanges de services, chaque utilisateur (propriétaire ou locataire) est noté par l’autre partie, de même que les équipements proposés. « Nous avons instauré une charte de bonne utilisation des matériels », poursuit Marion Seiller. « Mais le principe de ce système est tout de même la confiance mutuelle. »

Un relationnel qui plait d’ailleurs aux utilisateurs, à en croire leurs retours. Plusieurs d’entre eux ont en effet reconnu qu’outre le revenu supplémentaire ou l’économie réalisée en louant un matériel, c’est la rencontre entre deux professionnels qui les a marqués. Le principe du partage de matériel permet ainsi de créer du lien entre des agriculteurs qui, même s’ils habitent à proximité, n’avaient pas jusque-là pas ou peu d’occasions de se rencontrer.

Un concept en constante évolution

Après un démarrage dans le nord de la France et une partie du Sud-Ouest en 2016, on peut dire que l’idée fait son chemin assez rapidement dans l’esprit des agriculteurs. WeFarmUp compte actuellement 4.000 membres et plus de 3.000 matériels disponibles. Tous ne sont d’ailleurs par agriculteurs. Plusieurs concessionnaires utilisent ce service pour permettre à des clients potentiels d’essayer du matériel de leurs parcs d’occasion. Les CUMA ont aussi saisi l’avantage de rentabiliser certains de leurs équipements en les mettant à disposition d’agriculteurs ou d’autres CUMA. Les entrepreneurs de travaux agricoles devraient, dans les semaines à venir, pouvoir proposer des locations de matériel en incluant un chauffeur dans la prestation. « Nous cherchons toujours à améliorer notre offre et étoffer nos services », poursuit Marion Seiller. « Depuis le début de l’année, nous avons lancé « État des lieux WeFarmUp ». Cette application complémentaire gratuite permet, grâce à un code envoyé par mail, de générer le contrat de location, réaliser l’état des lieux et faire signer les utilisateurs en 3 clics. »

Au-delà de la simple location de matériel, la start-up travaille énormément sur la rentabilité des exploitations agricoles. Elle a ainsi créé un outil de diagnostic d’endettement qui aide l’agriculteur à réaliser un inventaire de ses matériels, à les classer selon leur utilisation et à repérer ceux qui sont sous-utilisés. Une simulation lui permet ensuite d’évaluer différentes options : revente pour récupérer de la trésorerie, mise à la location ponctuelle ou régulière de certains équipements, etc.

WeFarmUp réalise actuellement une étude auprès de 40 agriculteurs de la région. Celle-ci reprend tous les itinéraires techniques mis en œuvre lors de la campagne 2015-2016, qui seront croisés avec les données météo de la période. « Le but est d’analyser les synergies qui auraient pu être réalisées au sein de ce collectif d’exploitants et d’estimer les économies possibles en travaillant davantage ensemble », explique Marion Seiller. « Quand on voit qu’il y a plus d’une trentaine de semoirs à l’échelle de ce collectif, on peut se dire qu’il serait possible de faire le même travail avec 10, 15 ou 20, en se les louant entre eux. Nous cherchons à démontrer que le principe du co-farming, l’agriculture collaborative, représente un réel atout pour la stabilité financière des exploitations agricoles et leur pérennité. C’est également un travail sur lequel WeFarmUp sensibilise les organismes agricoles et de conseil de gestion. Il n’y a pas que les exploitants à convaincre, mais toutes les parties prenantes du monde agricole. »

 

Des ambassadeurs pour convaincre
C’est une des bonnes idées de la start-up. Depuis quelques mois, WeFarmUp a mis en place un système d’ambassadeurs. De fait, qui mieux qu’un client convaincu peut promouvoir un service ? En s’appuyant sur un réseau d’Ambassad’Up, comme elle les a baptisés, la jeune entreprise espère augmenter sa communauté d’utilisateurs, le nombre de matériel disponible, mais aussi mieux faire passer ses messages. « Il faut sortir du « déni » de matériel qui frappe le monde agricole », explique Marion Seiller. « Acheter sans réfléchir, juste pour se faire plaisir ou payer moins d’impôts une année, n’est plus possible de nos jours. Les retours d’expérience de nos ambassadeurs auprès de leurs collègues sont les meilleurs moyens à notre disposition pour faire évoluer les mentalités et les pratiques. » WeFarmUp a donc entrepris d’accompagner ces volontaires, en les formant à la communication et en les rémunérant pour leurs interventions. Dans l’Oise, où l’initiative a été lancée en premier, ce sont ainsi 50 Ambassad’Up qui ont été recrutés et formés en deux mois.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia