La FREDON sort de l’ombre

Publié le 2 mai 2017

Cela fait 30 ans que la Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles (FREDON) œuvre pour la protection sanitaire des végétaux. Une action trop discrète, au regard de son importance, pour sa Présidente Marie-Thérèse Lacourt. Pour célébrer cet anniversaire, il a donc été décidé d’organiser une journée Portes Ouvertes, le 20 avril 2017, dans les locaux de la FREDON Midi-Pyrénées, situés dans le Parc technologique du Canal à Ramonville St Agne. Une initiative bienvenue puisqu’une cinquantaine de personnes et de nombreux médias ont ainsi pu découvrir les champs d’intervention et les services d’une structure qui dépasse largement le seul cadre agricole.

Un siècle de lutte sanitaire

C’est dans l’invasion, au début des années 1900, du phylloxera dans les vignobles et du doryphore dans les pommes de terre, que la FREDON trouve ses origines. Pour faire face à ces fléaux des cultures, la lutte collective s’organise. En 1931, la Ligue Nationale de Lutte contre les Ennemis des Cultures est créée pour étudier les questions relatives à la protection des plantes contre les rongeurs, les insectes et les végétaux nuisibles. Cette association Loi 1901 se charge aussi d’en assurer la communication et la vulgarisation auprès de toutes les personnes concernées. Elle exerce son action sous le contrôle technique du Ministère de l’Agriculture. Après-guerre, cette structure sera déclinée au niveau départemental voire communal, pour coordonner plus les actions en fonction des problématiques locales. En 1987 la Fédération Régionale de Défense contre les Ennemis des Cultures (FREDEC) de Midi-Pyrénées voit le jour, présidée jusqu’en 2002 par Jean de Galard. C’est à cette période que les FREDEC sont chargées de missions de service public, inscrites dans le Code Rural. Ces missions concernent, par exemple, l’inspection de l’état sanitaire des végétaux et produits végétaux avant leur exportation hors de l’Union Européenne, le contrôle des entreprises soumises au Passeport Phytosanitaire Européen (PPE) ou encore le contrôle de la bonne exécution des mesures ordonnées pour la gestion des dangers sanitaires. Pour ce faire, elle est accréditée COFRAC* 17020. Historiquement chargées de la protection sanitaire des cultures, ces fédérations ont vu, en 2003 puis 2010, leur champ d’intervention s’élargir aux organismes nuisibles des zones non agricoles (jardins et espaces verts). C’est pour intégrer cette dimension dans son identité que la FREDEC devient FREDON. Suite à la réforme du sanitaire de 2013, tout propriétaire de végétaux peut adhérer à la structure, qu’il soit professionnel agricole, membre d’une collectivité territoriale ou particulier disposant d’un simple arbuste susceptible d’abriter un danger sanitaire. Une précision qui n’est pas sans conséquences (voir encadré « Nul n’est censé ignorer la loi »).

Un organisme, plusieurs missions

Le rôle d’une FREDON ne se limite pas aux inspections, loin de là. Le cœur de métier de la FREDON Midi-Pyrénées reste la prévention, l’organisation et la coordination de luttes collectives pour les dangers de 1ère et 2ème catégorie. Elle s’appuie pour cela sur sa dizaine d’experts et spécialistes, ainsi que sur un réseau d’organismes publics ou consulaires. « Cette organisation nous permet de suivre l’évolution de parasites spécifiques à notre région** », explique Yannick Ducros, attaché de direction et responsable Qualité. « En cas de suspicion de danger sanitaire, nous procédons à des inspections et établissons un rapport concluant à une conformité ou non-conformité sanitaire. Il sera transmis au Service Régional de l’Alimentation (SRAL) qui décidera des mesures à instaurer. » Toutes ces actions sont reconnues par l’État de par son statut d’Organisme à Vocation Sanitaire (OVS). Dans chaque ex-Région, il existe un OVS animal (généralement une FRGDS) et un OVS végétal (une FREDON). Pour le nouveau territoire d’Occitanie,  les 2 FRGDS et les 2 FREDON sont réunies dans un Pôle Sanitaire Régional, créé en 2010.

Parallèlement, la FREDON accompagne aussi les professionnels de l’agriculture, les particuliers et les collectivités au travers de prestations menées par son bureau d’étude, BIOVA. Fortement liées à la préservation de l’environnement, ces prestations vont de la distribution ou diffusion de méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytosanitaires contre ces ravageurs, à des actions de formation (Certiphyto, Certibiocide, reconnaissance des dangers sanitaires du végétal…), en passant par des activités de conseil pour tout type de public. BIOVA intègre également un laboratoire accrédité par le COFRAC, spécialisé dans le diagnostic des maladies et insectes des végétaux et dans l’analyse des semences et bulbes.

Des menaces sous-estimées

Dans le cadre de ses 30 ans, la FREDON a souhaité donner plus de visibilité à ses actions. Toute une série de conférences à thème est ainsi prévue pour 2017. Deux ont déjà eu lieu à Rignac (Aveyron) et Castanet (Haute-Garonne) sur le cynips et le chancre coloré du platane. D’autres traiteront de la chenille processionnaire, de la flavescence dorée, des campagnols et de la sharka. « Les deux premières ont été très bien accueillies », se félicite Marie-Thérèse Lacourt, qui a pris la succession de Jean-Paul Dalies à la Présidence en 2016. « Les actions de surveillance mais aussi de lutte que nous menons ne sont pas assez connues des professionnels hors filières et passent relativement inaperçues auprès du grand public. C’est pourtant un travail d’intérêt général qui devrait être plus largement diffusé. » Les dommages de nombreux organismes nuisibles peuvent avoir des répercussions sur la santé publique, comme l’ambroisie ou la chenille processionnaire. La FREDON a pu réactiver le traitement des pins par hélicoptère contre la chenille processionnaire, un temps interdit. Mais une meilleure connaissance de ses missions permettrait une meilleure compréhension et acceptation de ses interventions. Dès que cela est possible, la FREDON promeut des méthodes alternatives à la lutte chimique. Le cas du cynips du châtaigner est un bon exemple de lutte biologique prometteuse (voir encadré). Mais la meilleure arme reste la prévention et la sensibilisation. « C’est mon crédo mais il est difficile à faire entendre à l’administration, car ce travail nécessite des moyens humains et financiers conséquent », regrette Marie-Thérèse Lacourt. « Anticiper, réagir dès les premiers signalements est pourtant le seul moyen d’empêcher le développement  du danger sanitaire et de limiter la fragilisation des filières  et des producteurs. »

Or, le rapprochement entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon risque d’être problématique à cet égard. Très concernée par certains ravageurs en raison de la forte production viticole et arboricole, la région Languedoc-Roussillon dispose historiquement d’un budget largement supérieur à celui de Midi-Pyrénées, dont les priorités de lutte sont minoritaires par rapport à sa voisine. « Si la fusion des deux régions se traduit par l’addition des deux budgets, il y aura moyen de continuer à travailler efficacement », estime la Présidente. « Mais si, comme on le craint, elle se fait dans l’optique de faire des économies, alors il faudra faire un arbitrage difficile entre dangers sanitaires et productions. Ou aller chercher de nouveaux moyens de financement de la lutte. » L’objectif de l’État est d’avoir un seul interlocuteur OVS animal et un seul interlocuteur OVS végétal, au plus tard en 2019. En parallèle, les 4 OVS membres fondateurs du Pôle Sanitaire Régional ont ouvert des discussions avec les autres membres de droits et associés intervenants dans le domaine sanitaire***, afin d’obtenir la reconnaissance en Association Sanitaire Régionale (ASR) qui aura la charge de l’élaboration du Schéma Régional de Maîtrise des Dangers Sanitaires. Autant dire que les discussions sont loin d’être closes…

* Le Comité français d’accréditation (Cofrac) est l’unique instance chargée de délivrer les accréditations aux organismes intervenant dans l’évaluation de la conformité en France.
** Bactériose du kiwi, carie du blé, chancre coloré du platane, chenille processionnaire du pin, cynips du châtaignier, enroulement chlorotique de l’abricotier, flavescence dorée de la vigne, pyrale du buis, sharka sur prunus et xylella fastidiosa.
*** Chambres d’agriculture, Organisations Vétérinaires à Vocation Technique, Coopératives, Conseil Régional, Conseils Départementaux.

 

Nul n’est censé ignorer la loi

Depuis 2002, tout propriétaire ou détenteur de végétaux en est responsable. C’est à dire que toute personne, professionnel ou particulier, qui possède ou détient, même à titre temporaire, des plantes vivantes est censé se déclarer auprès de l’administration et avertir le SRAL ou l’OVS en cas de suspicion d’un danger sanitaire.

« Nous voyons trop de plantes, vendues aux particuliers ou dans des espaces gérés par des collectivités, infectées par des nuisibles et qui concourent à la propagation des ravageurs », soupire Marie-Thérèse Lacourt. « La zone urbaine de Toulouse est très concernée par ces problèmes. Par exemple, les nombreux oliviers des particuliers peuvent véhiculer la Xylella, bactérie tueuse de l’olivier. Les vignes « décoratives » sur les ronds-points sont également des vecteurs privilégiés de la flavescence dorée. La lutte collective porte bien son nom. Ce n’est que si tout le monde se mobilise qu’on pourra agir en amont, quand le ravageur n’est pas encore bien installé. Mais l’information a beaucoup de mal à passer auprès de ces publics et c’est pour nous une des priorités d’action pour les années à venir, afin de protéger les producteurs »

 

Un insecte pour contrer le cynips du châtaigner

Le torymus est une des solutions naturelles les plus prometteuses pour lutter contre le cynips.
Le torymus est une des solutions naturelles les plus prometteuses pour lutter contre le cynips.

Cette petite guêpe originaire de Chine est arrivée dans le sud-est de la France en 2005. Aujourd’hui très présente en Occitanie, elle peut occasionner jusqu’à 80% de perte de production de châtaignes, affaiblit les arbres et diminue considérablement le nombre de fleurs disponibles pour les abeilles. Depuis 2011, la FREDON a introduit dans ses méthodes de lutte un insecte prédateur du cynips, le Torymus sinensis. Cette micro-guêpe de 2,5 mm ne s’attaque qu’à cet insecte, en pondant ses œufs sur les larves de cynips. Comme celle-ci pond moins d’œufs que le cynips, il faut entre 8 et 10 ans en moyenne pour parvenir à éradiquer ce ravageur dans les pays où cette méthode a été introduite (Italie et Japon). Or, il apparaît que le climat du Sud-Ouest est propice au développement rapide du torymus et qu’il serait possible de gagner 2 à 3 ans pour maîtriser le cynips dans notre région. Même si l’on manque un peu de recul, c’est en tout cas un premier résultat plus qu’encourageant pour la filière.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia