Grande région : les Safer dans les starting-blocks

Publié le 30 juin 2015

L’échéance approche. Vite. Au 1er janvier 2016, les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ne feront plus qu’une. Les enjeux, comme le travail à réaliser, sont colossaux. Pourtant, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Concernée également par cette fusion, la SAFER GHL a voulu prendre un temps de réflexion, à l’issue de son Assemblée Générale du 11 juin 2015 à Labège, pour faire un point de situation et définir les dossiers prioritaires. Pour ce faire, son Président, Michel Baylac, avait convié des experts et des responsables professionnels et politiques de premier plan à une table ronde consacrée à la régionalisation des SAFER, en compagnie de ses deux homologues, Dominique Barrau de la SAFALT (SAFER Aveyron-Lot-Tarn) et Dominique Granier de la SAFER Languedoc-Roussillon.

Deux régions différentes mais complémentaires

« C’est un sujet sensible, si l’on en croit ce qu’on dit dans les médias », plaisantait Michel Baylac en introduction. « Mais pour nous, cette régionalisation n’est pas un match où une région doit l’emporter sur une autre. Notre volonté commune et clairement affichée par nos trois structures est de conserver, voire de développer la proximité. Maintenir notre présence à l’échelon local, c’est poursuivre notre mission de service public et accompagner tous les acteurs de nos territoires ruraux. Nous voulons construire un projet ambitieux sur ce nouveau territoire et le mener à son terme. Nos invités sont là pour nous donner une vision dépassionnée de la réalité et des priorités à traiter. » C’est à Jean-Louis Chauzy qu’est revenu l’honneur d’ouvrir les débats. Il a commencé par rappeler que 50.000 nouveaux arrivants sont prévus chaque année dans la nouvelle région, qu’il faudra loger, nourrir, éduquer, transporter, soigner, etc., et à qui il faudra des emplois. Pour le Président du CESER Midi-Pyrénées, il y aura au moins quatre défis majeurs à relever. Celui de la démographie donc, avec un demi-million de personnes en plus d’ici 10 ans, dont 21% d’actifs. Le défi de la mobilité ensuite, avec des transports collectifs et multimodaux à réinventer. Vient ensuite le défi de la formation. « Le taux de chômage moyen est actuellement de 14%, soit 500.000 demandeurs d’emploi sur les deux régions », notait-il. « Il y a pourtant plus de 200.000 postes disponibles non pourvus à ce jour… Il y a 14.000 jeunes qui sortent de nos circuits de formation chaque année. Il faudra donc un plan régional sur l’orientation qui doit, à mon sens, mettre l’accent sur l’apprentissage, adapté aux besoins de nos entreprises, qui donne d’excellents résultats à l’étranger. » Pour rappel, un étudiant allemand sur quatre est en alternance, contre 1 sur 9 en France. Le dernier défi est, selon lui, celui du foncier. La région compte de grandes filières économiques, comme l’aéronautique, l’industrie pharmaceutique et cosmétique, ou encore le tourisme. « Mais la première filière économique de la nouvelle région reste l’agriculture et l’agroalimentaire », insiste Jean-Louis Chauzy. « 165.000 emplois non délocalisables qu’il nous faut protéger et développer. Il faut donc préserver le foncier agricole d’une urbanisation galopante. »

Le foncier au cœur de tous les enjeux…

Les propos de Jean-Louis Chauzy ne pouvaient mieux illustrer l’intervention de Jean-Paul Laborie, géographe et professeur émérite. Prenant l’exemple de Toulouse, ce dernier a démontré que la métropole aura, d’ici dix ans, la même superficie que San Francisco. Avec dix fois moins d’habitants… « L’étalement urbain doit être bien mieux maîtrisé », résumait-il. « Les ScoT, les PLU font partie d’un arsenal juridique qui fonctionne, mais seulement à la marge. Nous avons aujourd’hui 36.000 maires en France qui peuvent toujours trop facilement consommer du foncier agricole. » Une des problématiques qu’auront à résoudre les élus de la nouvelle région sera de réussir à mener un politique territoriale commune à deux territoires au développement urbain différent. De fait, si l’étalement urbain en Midi-Pyrénées se concentre autour des grandes villes, celui de Languedoc-Roussillon se concentre le long du littoral. Quoiqu’il en soit, Pascal Augier, directeur de la DRAAF Midi-Pyrénées et précédemment au même poste en Languedoc-Roussillon, ne voit qu’une volonté politique forte pour juguler cet étalement. « Ce n’est pas en augmentant le prix du foncier à bâtir et en diminuant celui de foncier agricole, comme le demandent souvent agriculteurs ou propriétaires fonciers, que se règlera ce problème », estime-t-il. « Les élus doivent se rendre compte de l’importance du patrimoine foncier et utilisent tous les outils à leur disposition pour redonner une vocation agricole à la terre et stopper de ce fait la spéculation foncière. On note d’ailleurs une évolution des mentalités depuis quelques années. » Un sentiment partagé par Dominique Granier, Président de la SAFER Languedoc-Roussillon, qui s’appuie sur le ralentissement de la consommation de foncier depuis la mise en place des CDCEA* en 2010, mais aussi sur des actions récentes de certaines métropoles. « Des villes comme Nantes, Rennes ou Barcelone ont compris le danger de voir disparaître un foncier source de productions alimentaires locales et de richesse économique », soulignait-il. « Elles ont donc décidé de « stocker » des surfaces agricoles pour les préserver. Mais il faudra aller plus loin. En Allemagne, quand on implante une grande surface, les parkings sont construits en dessous ou au-dessus. En France, on s’obstine encore à les faire à côté… »

… à condition de pouvoir les travailler

Avec 20.700 € annuels, les revenus des agriculteurs de la nouvelle région sont inférieurs de 37% à la moyenne nationale. Un paradoxe quand cette grande région sera la première en nombre de produits SIQO**. Il y a donc un enjeu économique de taille pour faire progresser le revenu des agriculteurs et, de ce fait, encourager l’installation de jeunes. « La majorité des exploitants des 2 régions a plus de 55 ans », poursuit Pascal Augier. « Le renouvellement des génération est donc un défi majeur. Mais l’installation de jeunes ne pourra reprendre que si l’on arrive à créer davantage de valeur ajoutée dans les exploitations de la région. En cela, l’exemple du vin en Languedoc-Roussillon est révélateur. Secteur en grave crise il y a une décennie, où les arrachages de vigne ont explosé, la filière redécolle, portée par des vins à forte identité. On revoit maintenant des jeunes s’installer dans une production viticole porteuse d’espoir et économiquement prometteuse. » Reste que l’accès au foncier est toujours un frein à l’installation. En cela, la SAFER a un rôle crucial à jouer.

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Henri de Ferluc (DG SAFER GHL), Christian Lelièvre (DG SAFALT), Muriel Gozal (DG FNSAFER), Dominique Barrau (Pdt SAFALT), Michel Baylac (Pdt SAFER GHL), Frédéric André (DG SAFER LR), Dominique Granier (Pdt SAFER LR), trois équipes prêtes à relever le défi de la fusion

Dominique Barrau, Président de la SAFALT, est revenu sur l’importance de développer les systèmes de portage de foncier, pour permettre à un exploitant de s’installer sans avoir à acquérir immédiatement son foncier. » Mais les problématiques sont, là aussi, différentes entre région. Ainsi, en Languedoc-Roussillon, 70% des exploitations sont en faire-valoir direct, c’est à dire en propriété. Soit l’exact inverse de la situation nationale. « Demain, on ne pourra plus acheter de foncier chez nous », ajoute Dominique Granier, Président de la Safer Languedoc Roussillon. « On a le foncier le moins cher d’Europe mais il est encore trop cher pour des cultures à faible valeur ajoutée. Les SAFER doivent être le fer de lance pour signer des conventions avec les agglomérations, les Conseils Régionaux et Départementaux, pour trouver une autre façon de proposer du foncier aux jeunes agriculteurs. »

Dans la présentation qui clôturait la table ronde, Henri de Ferluc, directeur de la SAFER GHL, a présenté les grands chiffres du marché foncier rural des deux régions. Artificialisation, localisation du foncier non-bâti disponible, …, si des tendances communes s’observent, de nombreuses disparités laissent présager plusieurs défis à relever pour la SAFER de cette nouvelle région. Défis que résumait Muriel Gozal, directrice générale de la FNSAFER, en disant que si la dernière Loi d’Avenir avait conforté les missions des SAFER, il leur fallait maintenant trouver une façon de travailler ensemble dans une régionalisation qui n’était pas prévue. « Nous n’avons pas perdu de temps, même s’il en faut un peu pour organiser la fusion de ces trois structures », précisait-elle. « D’ici fin 2015, toutes les SAFER valident donc la décision de créer une nouvelle entité commune. Ce qui vient d’ailleurs d’être acté pour la SAFER GHL. En 2016, nous en arrêterons les statuts et les transmettrons à l’État qui, j’espère, sera réactif. Si tout se passe bien, le démarrage de cette nouvelle entité, avec l’élection du Conseil d’Administration et du Président, se fera au 1er juillet 2017. »

 

* Commission Départementale de la Consommation des Espaces Agricoles
** Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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