Gel et nouveau Gouvernement : Christiane Lambert s’exprime depuis Toulouse

Publié le 20 mai 2017

Une nouvelle fois, les aléas climatiques ont frappé fort. Le dernier épisode de gel comparable remontait à 1991, mais celui de 2017 s’annonce déjà plus dévastateur car il s’est déroulé en deux temps. La « gelée noire », les 20 et 021 avril, a été suivie d’une « gelée blanche », les 27, 28 et 29 avril. Ces aléas viennent impacter des exploitations encore fragilisées par les événements climatiques antérieurs (inondations, sécheresses) et une année 2016 de crise économique qu’on ne rappelle plus.

Viticulture, arboriculture, grandes cultures et prairies, aucune production n’est épargnée et les dégâts sont considérables. Le gel, malgré les précautions des agriculteurs, a fait des ravages dans tous les départements de la région Occitanie et vient d’ores et déjà assombrir les perspectives de récoltes pour 2017. En viticulture et arboriculture, plus d’une dizaine de milliers d’hectares ont été touchés, avec des pertes de 80 à 100% attendues. Des centaines d’exploitations sont concernées.

Des mesures existent pour passer le cap

Le 17 mai, la nouvelle Présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a profité d’un passage à Toulouse pour se rendre sur une exploitation viticole et arboricole du frontonnais, dans le nord du département. Devant une forte présence médiatique, elle a rappelé les demandes portées par le syndicalisme majoritaire pour aider les agriculteurs à surmonter cette catastrophe climatique. « Les Pouvoirs Publics doivent immédiatement enclencher le dispositif « calamités agricoles » pour faire un état des lieux des dégâts et mettre en place les mesures d’aide correspondantes », déclarait-elle. « Sur le volet social, il faut activer la prise en charge des cotisations MSA et abonder une enveloppe exceptionnelle pour compléter celle existante, déjà largement consommée. Nous demandons également un soutien complémentaire des départements avec, notamment, la mise en place d’un RSA. Sur le volet économique, une exonération de la Taxe sur le Foncier Non Bâti avant le prochain appel est indispensable. » Étant donné l’état des trésoreries des exploitations touchées, mais aussi de certaines coopératives qui font actuellement tampon, la FNSEA demande la mise en place de prêts à taux zéro et de développer des dispositifs pour différer le remboursement des annuités d’emprunts en cours.

Voir (beaucoup) plus loin

Les vignes et les vergers de Pierre Espagnet ont été touchés par deux épisodes de gel successifs.
Les vignes et les vergers de Pierre Espagnet ont été touchés par deux épisodes de gel successifs.

Si Pierre Espagnet, le viticulteur qui recevait la Présidente, reconnaît que ces mesures peuvent contribuer à soulager les agriculteurs, il estime que c’est bien en amont qu’il faut se préparer. « Il ne se passe pas une année sans que j’investisse et quand je vois ce qui s’est passé, j’aimerais pouvoir investir dans des tours antigel », rappelle-t-il. « Il y avait un outil, la Déduction Pour Investissement, qui fonctionnait bien et qui a été supprimé. Du coup, les bonnes années, on se fait saigner et donc investir est difficile. Et les mauvaises, même celui qui travaille correctement ne gagne rien. Qu’est-ce que ça représente la TFNB ou le Fonds d’Allègement des Charges quand on perd la moitié ou plus de ses récoltes ? Bercy a les capacités de réautoriser la DPI. C’est une mesure intelligente et qui ne coûterait pas cher. » Les discussions ont alors tourné vers les dispositifs assurantiels. Heureusement pour lui, Pierre Espagnet est assuré, ce qui est loin d’être le cas de tout le monde, notamment en viticulture. Christiane Lambert en a donc profité pour plaider en faveur d’un système d’assurance plus efficace et incitatif pour les agriculteurs. « Quand j’achète un tracteur ou un bâtiment, je dois les assurer », déclarait-elle. « Dans tout emprunt, mon banquier me demande de souscrire une assurance pour perte d’exploitation. À côté de cela, j’achète des vignes, souvent très cher, et je ne les assure pas… Parfois par manque d’anticipation, mais souvent par manque de moyens. Il faut améliorer les dispositifs d’assurance, sur les seuils de déclenchement ou encore les prises en charge, pour les rendre abordables par tous et performants. Et nous devrons, d’autre part, sensibiliser nos collègues à se protéger davantage. Il y a d’ailleurs actuellement un débat chez les Jeunes Agriculteurs, sur le principe de rendre l’assurance obligatoire à l’installation. »

Avant de repartir, la Présidente de la FNSEA a pris le temps d’échanger en privé avec Christian Mazas, le Président de la FDSEA 31, sur les dossiers des zones défavorisées, de l’irrigation et du stockage de l’eau. De quoi alimenter les premières discussions que Christiane Lambert aura avec le nouveau ministre de l’agriculture…

 

« Bienvenue à messieurs Mézard et Hulot »

… 3 questions à Christiane Lambert, Présidente de la FNSEA

TUP : Nicolas Hulot ministre d’État à la transition écologique, cela vous inquiète-t-il ?

C.L. : Non. J’ai souvent pu travailler et discuter avec Nicolas Hulot, dans des colloques et notamment à l’occasion de la COP21.  À cette occasion, il a reconnu le rôle que peut jouer l’agriculture dans la lutte contre le changement climatique : utiliser moins d’engrais, capter le carbone, produire des énergies renouvelables, avoir des herbivores pour maintenir les prairies pour la biodiversité, etc. Il a d’ailleurs déclaré avoir plus appris en 15 jours à notre contact qu’en plusieurs années à parler d’écologie sur ce sujet. Nous serons donc un partenaire loyal mais exigeant à son égard. Nous lui montrerons tout ce que l’agriculture fait en matière d’environnement et d’écologie, que nous conjuguons au quotidien, même si les français ne le savent pas assez. Je crois fermement aux vertus du dialogue. Nicolas Hulot est un homme de dialogue. Nous allons dialoguer…

TUP : Quels sont les dossiers sur lesquels vous attendez le nouveau Gouvernement ?

C.L. : Monsieur Macron a annoncé un Grenelle de l’alimentation et un Loi de simplification, deux sujets qui nous interpellent particulièrement. Le Grenelle mettra autour de la table producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs, pour mettre en plat, entre autre, les relations commerciales. En France, nous avons le dogme du prix bas, qui fait que beaucoup d’agriculteurs travaillent en dessous du prix de production. En parallèle, les consommateurs demandent toujours plus. Or, plus, c’est plus cher. Nous saurons tout faire pour les consommateurs si nous avons des prix qui nous permettent d’investir et d’innover sur nos exploitations pour répondre aux demandes. Pour la simplification, la France est championne du monde de l’empilement des normes réglementaires. Beaucoup de ministres ont tenté sans succès de s’y atteler. Je compte sur le pragmatisme revendiqué par le Président de la République pour attaquer ce problème de front et sans tabous.

53% des terres françaises sont occupées par l’agriculture. Nous sommes donc conscients de notre responsabilité. Mais rappelons que 14% des emplois français sont issus de près ou de loin de l’agriculture, qu’elle pèse aussi 10 milliards € d’excédent dans la balance commerciale et que, chaque année, 82 millions de touristes viennent visiter la France et ses paysages que les agriculteurs ont façonnés.

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia