Investir et épargner «utile»

Publié le 6 janvier 2017

Thibault Reversé est directeur du Développement et des Finances du Crédit Agricole Toulouse 31 depuis 2011. Son service gère la redistribution de la collecte des clients de la caisse régionale en crédits aux professionnels et particuliers, ainsi que le placement des fonds propres de la banque sur les marchés financiers.

2016, année atypique

Depuis deux ans, la France connaît une très forte dynamique d’emprunts, que ce soit dans l’immobilier pour les particuliers ou dans l’équipement pour les professionnels. Cette année, malgré huit milliards d’euros de collecte replacés en crédit, le Crédit Agricole Toulouse 31 a dû emprunter sur les marchés financiers pour honorer les besoins de ses clients. « Avec 1,8 milliard d’euros de nouveaux crédits, dont 550 millions pour les professionnels, 2016 atteint un pic historique », explique Thibault Reversé. « C’est une hausse de 20% par rapport à l’année 2015 qui était déjà une année record. Seul le marché agricole voit une légère baisse par rapport à 2015, avec 50 Mons € de nouveaux crédits. » Conséquence des taux historiquement bas établis par la Banque Centrale Européenne (BCE), les deux dernières années ont vu exploser les demandes de renégociation de contrats, qui ont fortement mobilisé les équipes du Crédit Agricole Toulouse 31. Comme l’an passé, ce sont environ un milliard d’euros d’anciens crédits dont les taux auront été réaménagés sur l’exercice 2016. « Ce sont des gestes commerciaux qui pèsent sur les résultats de notre établissement », souligne Thibault Reversé. « Mais c’est notre façon de renforcer et préserver nos liens avec nos 445.000 clients. »
La BCE devrait poursuivre sa politique de taux bas jusqu’en septembre 2017. Au-delà, Thibault Reversé estime qu’une légère hausse, de l’ordre de 0,5%, devrait être attendue pour les emprunts à long terme. Les crédits courts termes devraient, eux, se maintenir à leur niveau actuel.

La relance européenne entravée par les États membres

Par sa politique monétaire, la BCE vise essentiellement à relancer l’économie et faire diminuer le chômage. Du point de vue de Thibault Reversé, c’est un demi-succès. Si l’activité crédit des européens s’en est trouvée boostée, la relance de l’économie et la baisse du chômage restent somme toute modérées. « Les banques centrales des États-Unis et de Grande-Bretagne ont mis en place des mesures moins fortes, avec des résultats supérieurs à l’Europe », note-t-il. « Le problème vient surtout des politiques budgétaires très restrictives des États membres, qui ont entravé la reprise de croissance espérée par la BCE. » Il estime également que la France est pénalisée par des règles fiscales qui favorisent le « bas de laine » plutôt que l’économie. La preuve en est le très haut taux d’épargne des particuliers et professionnels français, qui mettent de côté, chaque année, 15% de leurs ressources dans des livrets A, PEL, assurances-vie… « 85% de l’épargne collectée par les assurances-vie, par exemple, sont placés sur des fonds en euros, qui sont principalement des obligations d’État », constate-t-il. « L’épargne des français sert donc majoritairement à financer la dette de l’État et n’est pas réinvestie dans l’économie. Seuls les 15% restant vont vers des actions ou obligations émises par des entreprises pour soutenir leur développement. C’est une situation quasiment unique en Europe et dans le monde. »

Mieux épargner

Thibault Reversé encourage donc les épargnants à diversifier leurs placements. « Les obligations d’État sont certes extrêmement sécurisées, mais elles sont très peu rémunératrices et le seront de moins en moins », insiste-t-il. « Il existe beaucoup de produits sur le marché, pas uniquement des actions, qui permettent de dynamiser son épargne, pour une prise de risque minime. On parle ici d’épargne de long terme et de panachage de supports. Sur la durée, les fluctuations sont généralement gommées et la diversification de ses produits d’épargne (obligations, actions, immobilier, …) protègent contre les pertes de capital. Si on arrivait à passer de 15 à 30% la part de l’épargne française orientée vers les entreprises, notre économie française bénéficierait d’une vraie bouffée d’oxygène pour pouvoir réaliser des investissements productifs. Avec des taux durablement bas, il y a toujours de belles opportunités à saisir. Il faut continuer d’investir, si on le peut. En parallèle, il faut aussi avoir un peu plus de confiance en l’avenir et le montrer en investissant son épargne là où elle sera la plus utile. Il y vraiment moyen de la faire fructifier tout en contribuant à notre croissance économique. »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia