Le CERFRANCE 31 veut donner du sens à l’entreprise

Publié le 7 octobre 2012

Pour sa première Soirée CERFRANCE Entreprises en tant que Président, Bernard Ader avait de quoi être légèrement nerveux. Outre le stress d’une première intervention publique d’importance, il avait à relever le défi d’une nouvelle mouture d’une « soirée » désormais transformée en « journée », plutôt bien remplie…

Une nouvelle formule qui convainc

Ce jour-là, le CERFRANCE 31 inaugurait le regroupement, sur une demi-journée, des 5 Assemblées Générales statutaires locales, de l’Assemblée Générale Départementale et la traditionnelle conférence de la soirée « Entreprises ». Auxquelles s’ajoutait la grande nouveauté 2012, les Ateliers du CERFRANCE 31. « Au vu du nombre d’adhérents présents aux AG locales et de la fréquentation de la soirée « Entreprises », nous avons voulu faire bénéficier tout le monde des nombreuses et diverses compétences, services et domaines d’action dont dispose notre structure », explique Bernard Ader. « C’est de là qu’est venue l’idée d’organiser, durant l’après-midi, des ateliers courts, d’une vingtaine de minutes, qui brosseraient un large éventails de sujets qui tiennent à cœur nos adhérents et, plus largement, les professionnels du département. » 9 ateliers étaient donc proposés, entre 15 et 18h, ce 1er octobre au Centre des congrès Diagora de Labège. Si le très attendu « Anticiper la PAC d’après 2013 » présenté par Marie-Annick Merelle et Jean-Charles Tornecols du CERFRANCE 31, n’a pas désempli de l’après-midi, les 8 autres ont également été largement suivis par les près de 250 personnes qui se sont déplacées. Optimisation de la main d’œuvre, pilotage d’entreprise en conjoncture instable, gestion du risque client, diversification, fiscalité, patrimoine, accompagnement, etc., rien n’était oublié. Et ces ateliers semblent bien avoir atteint leurs buts et trouvé leur public. La plupart des adhérents et invités qui assistaient habituellement à la soirée sont venus plus tôt pour suivre de 1 ou plusieurs ateliers. Avec globalement le même avis sur cette formule. « J’ai suivi 4 ateliers », confiait un agriculteur. « Ça m’a permis de faire un point sur pas mal de sujets qui me posaient question. Évidemment, en 20 mn, on n’a pas le temps d’approfondir, mais j’ai déjà un aperçu des réponses que j’attendais. Et ça donne envie d’aller plus loin et de creuser ces sujets. » Ce qui était, bien entendu, le but recherché par les organisateurs.

Ne pas rater le grand virage de l’humanité

Yannick Roudaut n’y allait pas par 4 chemins, lors de la conférence qui clôturait la journée : « Nous ne sommes pas face à une crise, mais à un faisceau de crises. Nous sommes au début d’un virage de l’humanité qui sera aussi important que celui de la Renaissance, voire du néolithique, quand l’homme a décidé de se sédentariser ! » Pour cet économiste, spécialiste de la finance et trader « repenti », les similitudes entre ces périodes charnières et celle que nous vivons sont nombreuses. Tout comme le néolithique a marqué la fin du nomadisme en s’appuyant sur une technique révolutionnaire qui est l’agriculture, ou la Renaissance qui a vu le jour grâce à l’apparition de l’imprimerie, l’arrivée d’internet et surtout des réseaux sociaux est en train de changer notre façon de penser. Comme ces deux mutations majeures de notre histoire, cette nouvelle technologie arrive à un moment où le système en place n’est plus viable et donne de graves signes de faiblesse. Et de la même manière, elle s’accompagne à la fois d’explosions de violences (politiques, économiques, religieuses…) et d’un bouillonnement de créativité. Ce fin connaisseur des mécanismes boursiers a décortiqué par le menu les impasses dans lesquelles se trouve le monde d’aujourd’hui.

Yannick Roudaut
Yannick Roudaut

Impasse économique tout d’abord, avec une finance internationale totalement hors de contrôle. « Désormais, la bourse est devenue un casino géant, géré par des robots mis au point par nos meilleurs ingénieurs, qui passent des ordres boursiers à la nanosecondes et dont l’unique but est de grapiller de l’argent partout où cela est possible », explique-t-il. « Ce fonctionnement, complètement déconnecté de la moindre réalité économique, met des entreprises, voire des pays entiers à genoux, avec les terribles conséquences qu’on voit apparaître un peu partout. » Impasse politique ensuite, avec des dirigeants qui n’ont plus aucun moyen d’intervenir pour réguler un système désormais en roue libre. Ils sont du coup obligés de soutenir les grandes banques d’affaire coûte que coûte, sous peine d’assister à une déflagration mondiale si elles venaient à faillir. La question est maintenant de savoir combien de temps on pourra continuer à financer cette perfusion. Impasse énergétique enfin, avec la fin de l’accès illimité aux matières premières. « Notre système économique actuel est basé sur l’obsolescence programmée, concept venu des États-Unis après la 2ème guerre mondiale », rappelle Yannik Roudaut. « Cela veut sire que pour faire tourner l’économie, donner du travail aux populations et les faire consommer, il fallait fabriquer avec une qualité moindre et pousser les gens à remplacer plus souvent leurs équipements. Cela a donné naissance au marketing, à la mode et au consumérisme. Si ce système a marché depuis 50 ans, il est désormais incompatible avec l’état des réserves mondiales, que ce soit le pétrole ou les minerais rares dont dépend la majeure partie de nos équipements électroniques. » Avec la raréfaction des ressources, la flambée des coûts et la baisse du pouvoir d’achat qui l’accompagnent inévitablement et l’absence, voire l’impossibilité de réponse politique aux crises actuelles, Yannick Roudaut estime que le seul choix qui s’impose est un changement radical de modèle économique, un modèle durable. Changement qui a déjà commencé, selon lui.

L’émergence d’une « économie du sens »

« La pyramide des priorités est déjà en train de changer », déclarait l’économiste. « Avoir une voiture, qui était une priorité pour la génération des années 70, n’est plus à l’ordre du jour de la génération actuelle, née après 1990. Par contre, avoir la dernière tablette tactile ou le dernier I-Phone est beaucoup plus important pour ces jeunes. » Cette génération, appelée par les sociologues « Génération Y », a grandi avec un ordinateur dans les mains. Hyper connectés, ces jeunes sont également moins matérialistes que leurs aînés. « Moins de biens, plus de liens » semble être leur mot d’ordre et nombre de chefs d’entreprise ou de recruteurs commencent à voir arriver des salariés qui demandent d’abord comment est l’ambiance de travail plutôt que de savoir le montant du salaire. Cette génération privilégie les achats « qui ont du sens » et qui sont au « juste prix ». Yannick Roudaut entend par là que ces jeunes se posent davantage de questions sur l’impact de leurs achats. Cela se ressent dans le développement du commerce de proximité, dans l’attention portée aux conditions sociales ou environnementales de fabrication d’un produit, ou encore dans la recherche d’une justification à l’achat. « De plus en plus, on achètera une voiture soit basique, qui ne servira que de moyen de transport, soit haut de gamme, pour le confort ou la technologie », estime-t-il. « La voiture moyenne gamme, plus chère que la basique et moins gratifiante que la haut de gamme, ne trouvera pas de « sens » aux yeux de cette nouvelle génération. Cela vaudra pour tout. Le monde de demain ne sera plus un marché de masse, mais plutôt une masse de marchés de niches. Les gens chercheront le produit ou le service qui leur parle et surtout qui ne cherche pas à les tromper. » De fait, l’ultra-connectivité de cette génération permet à tous et chacun de communiquer d’un bout à l’autre de la planète en un clic. On échange des informations, on s’entraide, on se révolte pour des évènements qui se passent à des milliers de km de chez soi. Et on accepte la contradiction d’acheter des gadgets hi-tech, du moment qu’ils soient fabriqués dans le respect de la personne ou de l’environnement. « Ce citoyen-consommateur détient désormais un pouvoir énorme, comme on n’en avait jamais vu », poursuit l’économiste. « Et il représentera 40% des actifs, en France, en 2015 ! C’est pourquoi toute entreprise qui veut perdurer doit se poser 3 questions avant tout investissement : est-ce rentable ? Est-ce positif pour l’environnement ? Est-ce positif socialement ? Si les 3 indicateurs sont au vert, il faut foncer. Sinon, le risque en termes de réputation peut réellement mettre l’entreprise en grosses difficultés. »

Avec cette analyse ponctuée de nombreux exemples concrets, Yannick Roudaut aura réussi le pari de garder, pendant plus de deux heures, l’attention d’un amphithéâtre de plus de 500 places quasiment comble et ce, malgré l’heure tardive et les ventres creux. Une faim toutefois vite comblée par le repas de clôture. Et au vu des discussions, à table, sur la conférence ou le déroulement de la journée, il semble bien que le pari soit également réussi pour le CERFRANCE 31. Un résultat de bon augure pour le prochain évènement auquel le directeur Yves Cresseveur conviait d’ailleurs les participants, en fin de conférence. La dernière semaine de septembre 2013, le CERFRANCE 31 fêtera son 50ème anniversaire. À vos agendas !

Auteur de l’article : Sébastien Garcia