Mécavigne convainc le monde viticole

Publié le 12 février 2012

Après les journées du Bordelais et de l’Armagnac, Fronton a clôturé l’événement national CUMA de la viticulture, le 9 février dernier. Au total, près de 1.100 visiteurs seront venus au Mécavigne CUMA 2012, dont plus de 400 à l’étape haut-garonnaise. Le rendez-vous matinal, à l’espace Gérard Philippe de Fronton, a accueilli près de 200 personnes, dont deux classes de la filière viticole du LEGTAF de Moissac. Les viticulteurs, issus aussi bien des caves coopératives que des chais particuliers, sont venus de tout le Sud-ouest (09, 11, 31, 32, 46, 81 et 82).

Les CUMA locales témoignent

Jean-Paul Roumagnac, qui représentait la CUMA de Villaudric, a assuré le 1er des deux témoignages locaux de la journée. Il a présenté le fonctionnement de la section « Machine à vendanger », issue d’une longue réflexion de 2007 en pleine crise viticole. À cette époque, les CUMA voisines voyaient leur surface de vignes diminuer, suite à la forte pression d’arrachage, et les chais particuliers étaient attirés par la nouvelle technologie de table de tir embarquée, ce qui incitait au renouvellement des machines vieillissantes. Chaque groupe ayant des pratiques différentes selon les exigences de leur exploitation, celles-ci ont été exposées, débattues et parfois modifiées. Mais la volonté de travailler ensemble pour garder des coûts de revient compétitifs a permis de dépasser ces barrières. Aujourd’hui, la machine à vendanger est facturée selon plusieurs critères : seule, avec conduite ou avec gasoil. Aujourd’hui, la satisfaction est unanime puisque deux CUMA (Sayrac et Villaudric) font désormais leurs réunions de fixation de prix et Assemblées Générales le même jour, avant de partager un repas chaleureux en commun. Second témoignage, Gilles Soldadier a présenté la CUMA de Nohic et sa réflexion sur la mécanisation globale de la vigne. Il est apparu évident au groupe d’acquérir un porteur. L’idée est de rentabiliser l’automoteur de récolte tout le long de l’année, avec la taille, pulvérisation et autre, avec un tarif unique basé sur les heures totales d’utilisation. Les outils, dont la tête de récolte, sont ensuite facturés séparément, comme pour un tracteur de grande culture, avec charrue, semoir ou transport.

Interventions et débats de haute volée

Christophe Gaviglio, de l’Institut Français de la Vigne et du Vin, était le 1er intervenant de la matinée. Il est revenu sur une étude sur la réduction des intrants. Schémas descriptifs et chiffres à l’appui, il a montré qu’un pulvérisateur réglé correctement et adapté au vignoble permet déjà une économie avoisinant les 30 % par rapport aux utilisations pratiquées couramment.

Alain Tapiau, Fernand Santamaria et Jean-Damien Laborde, enchantés de cette journée.
Alain Tapiau, Fernand Santamaria et Jean-Damien Laborde, enchantés de cette journée.

Le sujet phare de la journée, « la taille sous toutes ces formes » a été lancé par Laurent Joussain, de l’Institut Coopératif du Vin de Montpellier. Il est venu présenter les résultats des études de qualité faites dans le Languedoc, sur des vignes menées en taille rase. Avec un public très demandeur d’éléments de critères qualitatifs du vin et des pratiques œnologiques issues de cette technique, nouvelle ici mais bien connue de nos voisins, son intervention a logiquement retenu toute l’attention. Michel De Frances, Président de l’interprofession des Vins du Sud-ouest, est venu témoigner des adaptations apportées à son vignoble. De fait, il s’est converti à la taille mécanique depuis deux ans, suite à un voyage dans le nord de l’Italie où la technique l’avait séduit. Un partage d’expérience précieux, agrémenté de photos de ces parcelles et d’un récapitulatif des erreurs à ne pas faire. « On adapte les vignes en deux ans, sans perte de récolte et à moindre coût », assure-t-il. « Mais il faut être conscient que certaines vignes matures risquent de ne pas supporter l’adaptation. Il faudra donc potentiellement arracher des vignes, afin de pouvoir en planter de nouvelles, adaptées à la taille rase. » Cette présentation n’a pas manqué de suscité de nombreuses questions d’un auditoire curieux des moindres détails. Curiosité largement satisfaite par les réponses pratiques apportées par les intervenants issus des vignobles du sud de la France, et imagées par des anecdotes rapportées des visites des quatre coins du monde.

Suite aux nombreuses interrogations sur le stress de la vigne par une taille rase et la qualité du vin qui en découle, Michel De Frances a fait un rapprochement avec l’apparition de la vendange mécanique. « Le problème est essentiellement psychologique », estime-t-il. « Les interrogations étaient les mêmes quand les premières machines à vendanger sont arrivées. Pourtant, la qualité des vins n’a pas diminué. Et aujourd’hui, qui voudrait revenir à une vendange manuelle ? » Quant au stress de la vigne, il a rappelé que la taille rase permet de travailler plus vite et donc de tailler toute la vigne au moment où elle en a besoin, en sortie d’hiver. Ce « stress » est donc moins important que celui d’une taille faite trop tard.

Après la présentation de leur matériel par une quinzaine de concessionnaires, Alain Escargel, technicien œnologue du Conseil Général, partenaire de la journée, a proposé une dégustation fort appréciée des vins issus des différentes techniques. Plus de 16 échantillons différents (taille rase, enherbée, désherbage mécanique ou chimique…) ont ainsi pu être comparés.

Mécavigne brave le froid

Un rapide repas servi dans la salle a clôturé la matinée. L’occasion de mettre en avant le vin 100% « négrette », cépage endémique du vignoble frontonnais, offert par le syndicat des vins de Fronton. Les démonstrations de l’après-midi se déroulaient chez Jérôme Béziat, viticulteur à Sayrac. Il avait présenté, le matin même, les réflexions qui l’ont conduit à modifier la technique culturale de ses vignes. Son assolement viticole a la particularité de regrouper des parcelles de vigne conduites de plusieurs façons : taille rase, non taille, irrigué et non irrigué. 5 constructeurs étaient venus faire fonctionner une dizaine d’engins. Devant des participants emmitouflés jusqu’aux oreilles, la première démonstration a été consacrée à la taille rase. La Pellenc Visio, adaptée au bras multifonction, fonctionne parfaitement sur les rangées préparées pour l’occasion. Les pré-tailleuses ont ensuite pris le relais. Chaque machine est comparée sur les qualités de travail, vitesse d’avancement, facilité d’utilisation, coût d’entretien, etc., par des viticulteurs très attentifs. Philippe Castelle, du service prévention de la MSA, est lui venu compléter une démonstration de nouveaux sécateurs de coupe avec gant de protection, rappelant que des subventionnements sont possibles pour ce genre d’appareillage. Plus statiques mais tout aussi importants, le banc d’essai moteur et le contrôle pulvérisateur, avec Écoréglage, faisaient également partie des présentations.

Cette journée technique s’est terminée relativement tôt en fin d’après-midi. Le programme de démonstration fût en effet écourté, le froid glacial ne permettant pas de rester plus de quelques heures en extérieur. Mais chaque participant a pu apprécier le travail des équipements, les vignes en non-taille, l’adaptation du vignoble en taille rase. Au total, plus de 400 visiteurs sont venus participer à ces travaux de réflexion viticole. Un succès qui appelle une suite. De fait, certains viticulteurs aimeraient que cette journée soit le commencement d’une action suivie et ont demandé une visite des vignobles durant l’été, ainsi qu’une journée sur la mécanisation estivale.

Jean-Damien Laborde

FDCUMA 31

Ils ont dit... Ils ont dit...

Fernand Santamaria, Président de la CUMA de Fronton

Cette journée était nécessaire. Le marché des vins de pays est en train de s’élargir. Sur ces produits, la qualité joue bien évidemment, mais le prix est déterminant. On doit donc réduire nos coûts au niveau de nos concurrents pour rester compétitifs. La mécanisation est une des réponses. En travail manuel, tailler, enlever le sarment et coucher la flèche, demande environ 60 h. par ha. Avec la taille rase mécanique, qui nécessite quand même de repasser manuellement derrière, la main d’œuvre tombe à 20 h/ha. Le calcul est vite fait… C’est quand même une nouveauté pour nous, qui pensions que la taille resterait manuelle. Mais on a eu la preuve aujourd’hui que des machines peuvent faire du très bon travail. On devra avoir le même raisonnement pour l’irrigation des vignes, qui n’est pas dans nos habitudes. C’est pourquoi je pense qu’une journée technique en été vaut la peine d’être réfléchie. Si on veut rester dans la course, il faudra s’en donner les moyens.

Jean-Damien Laborde, directeur de la FDCUMA 31

Les CUMA ont un vrai rôle à jouer dans l’évolution des techniques viticoles. Des engins de taille comme ceux-ci coûtent dans les 20.000 €. Mais un viticulteur ne l’utilisera que 2 à 3 jours par an. Un achat groupé est donc la meilleure solution puisqu’il faut environ 14 ha de vignes pour rentabiliser l’investissement. Outre l’aspect économique, cela permet aussi de garder un lien avec ses voisins.

Alain Tapiau, Président de la FDCUMA 31

J’ai été ravi de la qualité des intervenants mais aussi des débats avec la salle, dans la matinée. On sentait un réel intérêt de nos viticulteurs qui se sont déplacés en nombre. Cela fait un an et demi qu’on travaille sur cette journée, avec les salariés de CUMA d’Oc (FDCUMA du 31, 81 et 82) et les partenaires de cet événement. Mais cela valait le coup. Il faudra faire le bilan de cette action mais il serait vraiment intéressant de réitérer l’opération en période estivale. Le plus dur sera de trouver une date qui corresponde au calendrier chargé des viticulteurs à cette époque de l’année.

Propos recueillis par S.G.

Zoom sur : la Taille Rase de Précision
La taille reste un poste lourd économiquement, de l’ordre de 20 à 30 % des coûts de production. Cette opération est le dernier poste manuel alors que la quasi-totalité des opérations culturales est mécanisée (vendanges, entretien du sol…). La TRP ou Taille Rase de Précision est une taille mécanisée poussée à l’extrême. Elle se réalise à un ou deux yeux maximum, soit 2 cm environ au-dessus du cordon. Les sarments non coupés par la taille mécanique sont supprimés par une reprise rapide à la main qui peut représenter de 8 à 30 heures/hectare. Ces temps de reprise dépendent de la précision de la machine, des cépages, de leurs taux de rejet et du stade de transition. La TRP est réalisable de façon simple, grâce au progrès des machines viticoles. La TRP Pellenc est le seul modèle à gérer automatiquement le positionnement de la machine par rapport au cordon (système Visio). Il existe d’autres modèles moins automatisés (Brunel, CGC Agri, Terral). Ces machines permettent de réduire les temps de reprise jusqu’à 8 heures par hectare. Dans ce cas, les coûts de taille seront alors divisés par 2 !

L’impact économique de la Taille Rase de Précision

Références moyennes sur l’hiver 2008 pour une parcelle de 3 300 souches/ha, dont l’état général permet d’appliquer la TRP.

Moins 30 % de charges de main d’œuvre

Cas Mode de calcul Prix de revient
1) Taille manuelle en prestation de service Prétaillage des releveurs (120 €/ha)

+ taille (0,25 €/pied)

945 €/ha
2) Taille manuelle par le personnel d’exploitation et prétaille en prestation Prétaillage des releveurs (120 €/ha)

+ taille (50 h/ha x 13 €/h)

770 €/ha
3) Taille mécanique “TRP” en prestation de service et reprise rapide manuelle Prétaillage des releveurs (120 €/ha)

+ taille TRP (4 h/ha x 65 euros/h*)

+ reprise manuelle (14 h x 13 €/h)

562 €/ha
*Estimation susceptible d’évoluer avec le développement de la technique.  

Trente heures de travail de moins à l’hectare

Cas Mode de calcul Prix de revient
Taille manuelle avec

le personnel d’exploitation

2 heures de prétaillage des releveurs

+ 50 heures de taille des souches

52 heures
Taille mécanique “TRP” et

reprise rapide manuelle

2 heures de prétaillage des releveurs

+ 4 heures de TRP

+ 14 heures de reprise à la main

20 heures
Sources : Christophe Gaviglio Institut Français du Vin

Auteur de l’article : Sébastien Garcia