Auzeville veut renouveler l’agronomie

Publié le 12 janvier 2012

Former les jeunes à plus de responsabilité environnementale. C’est ce que le ministère de l’agriculture veut instaurer au travers de « l’action 16 » du Plan Écophyto 2018. De par sa proximité avec l’agglomération toulousaine et sa volonté d’être le fer de lance de l’agro-écologie, le LEGTA* d’Auzeville ne pouvait pas laisser passer une telle opportunité.

Les étudiants montent en première ligne

Frédéric Robert et Sophie Rousval sont tous deux enseignants en agronomie à Auzeville. Dès la rentrée 2009, ils ont mis en place l’expérimentation d’itinéraires techniques et de systèmes de culture économes en phytosanitaires, sur l’exploitation agricole du lycée. « Nous menons cette « action 16 » avec les élèves de BTS Agronomie – Productions Végétales (APV) », précise Frédéric Robert. « Cette formation regroupe beaucoup d’enfants d’agriculteurs. Ce qui est intéressant car ils peuvent comparer la façon de travailler de leurs parents, avec des exemples concrets. Avec eux, nous avons donc créé un mini-réseau d’expérimentation pour tester des pratiques innovantes, en partant de techniques agronomiques classiques (date de semis, densité, choix variétal) et de lutte alternative (désherbage mécanique avec bineuse, herse étrille, etc.) » Le principal intérêt est que les élèves font tout eux-mêmes, de l’élaboration du protocole d’expérimentation, en passant par la mise en place des essais, jusqu’à la communication des résultats. Et d’un point de vue pédagogique, c’est un vrai succès. « Il y a 3 semaines, on a fait les semis d’un essai sur pois », poursuit Frédéric Robert. « On a commencé à 14h et à 19 h, toute la classe était encore là alors que le cours était censé se terminer à 16h30. Les étudiants se sentent responsabilisés sur ces essais, d’où une grande motivation de leur part. »

Les essais n’ont pas qu’une seule vue environnementale. Ils prennent aussi en compte les conséquences économiques et sociales de ces pratiques. « Si, dans une modalité d’essai, il y a un passage de bineuse, nous allons calculer le coût du passage, mais aussi le temps que cela prend », explique Sophie Rousval. « Puis on essaiera de voir l’impact sur l’organisation du travail, si c’est faisable pour une exploitation en polyculture-élevage, par exemple. Nous essayons de balayer tous les aspects de ces techniques. » Le but des enseignants n’est pas d’apporter une réponse toute faite, mais qu’au bout de leurs 2 années de formation, les BTS APV aient une vision globale « multicritères » de la problématique environnementale. On sent d’ailleurs bien la prise de conscience chez les élèves qui vont sortir du BTS, cette année », renchérit Josiane Sarant, directrice adjointe du lycée. « Ceux dont les parents pratiquent l’agriculture traditionnelle disent vouloir faire évoluer les pratiques. Mais ceux qui avaient une vision très « environnementaliste » se sont aussi bien rendu compte des contraintes et de la complexité de cette problématique. Nous visons vraiment le juste milieu. »

Associer enseignement, agriculteurs et chercheurs

Mener des expérimentations, c’est bien. Mais les partager avec des professionnels de l’agriculture et le monde de la recherche, c’est encore mieux. Le plan Écophyto 2018 a prévu une « action 14 », qui vise à créer un réseau national de fermes, couvrant l’ensemble des filières de production, sur lesquelles travailleraient tous les partenaires de l’agriculture. Son but : mutualiser les données de références sur les systèmes de culture économes en phytos. Depuis 2010, l’exploitation du lycée d’Auzeville a donc rejoint le réseau de 11 fermes pilotes du Lauragais, coordonné par la Chambre d’Agriculture de Haute-Garonne. La ferme de l’école accueille une partie des expérimentations décidée par ce groupe et partage ses résultats avec ses partenaires. « Le lycée prend tout de même un risque financier », note Josiane Sarant. « Acheter une bineuse ou une herse étrille dans le cadre des essais coûte cher. Mais un LEGTA peut davantage se permettre ce genre de risque qu’un agriculteur particulier. » Là aussi, l’intérêt pédagogique est indéniable. Ce sont ainsi les étudiants qui font visiter les essais qu’ils ont menés aux 10 autres agriculteurs impliqués dans le réseau et échangent avec eux sur les difficultés rencontrées ou les améliorations possibles. Entre professionnels…

Dans la même veine, le LEGTA met également sur pied un programme de recherche, en partenariat avec l’INRA. Sur 3 ha de l’exploitation, un essai « système » sera lancé au mois de mars, pour une durée de 6 ans, avec un objectif assez radical : zéro chimie. « L’idée n’est pas de démontrer qu’on peut se passer d’intrants de synthèse », précise Frédéric Robert. « Le but est de montrer aux agriculteurs et étudiants, par la recherche, l’intérêt des techniques alternatives. » Participeront également à ce projet, la Chambre d’Agriculture 31 ainsi que la Chambre Régionale et des coopératives. « Depuis longtemps, on demande à l’enseignement agricole d’être plus proche de la recherche », insiste Josiane Sarant. « Avec ce projet, le lycée ne se contente pas de mettre une partie de ses terres à disposition de l’INRA mais se positionne clairement comme un partenaire à part entière. »

On le voit, la formation atteint là un tout autre niveau. Avec ces multiples actions, l’étudiant se trouve véritablement immergé dans un environnement professionnel. « Même la façon d’enseigner a changé », témoigne Frédéric Robert. « Finis, les cours magistraux. Sur bien des domaines, on découvre les choses en même temps que nos élèves, qui sont du coup réellement acteurs de leur formation. On intègre les résultats de nos essais dans nos cours. D’autres professeurs, comme ceux de biologie ou de mathématiques, y trouvent matière à exercices pratiques. » Mais le plus important reste que l’élève qui sortira de ce BTS aura vu un grand nombre des problématiques liées à l’environnement. « Ce sera un technicien pluridisciplinaire qui saura s’adresser aussi bien à un agriculteur, qu’à un technicien ou un chercheur. En connaissant les contraintes de chacun. »

* Établissement d’Enseignement Général et Technologique Agricole

Auteur de l’article : Sébastien Garcia