Devenir pompier volontaire avec le SR31

Publié le 4 décembre 2014

Saviez-vous que 80% des sapeurs-pompiers sont des volontaires ? Ils sont 200.000, en France, à s’être engagés aux côtés des professionnels du feu, pour assurer les secours en tous points du territoire, à tout moment. En milieu semi urbain, ils participent à 50% des interventions et à 80% en milieu rural. Ces citoyens, hommes et femmes de toutes les professions, sont un élément clé de ce dispositif mais aussi son talon d’Achille. De fait, le volontariat est en perte de vitesse, faible certes, mais réelle. Le recrutement d’agriculteurs ou agricultrices pourrait être une des réponses à cet enjeu majeur de société.

Agriculteur : un profil intéressant

« En soirée ou week-end, nous avons généralement les effectifs suffisants pour constituer une équipe d’intervention », souligne le Commandant Jean-Louis Couzi, responsable de la formation au Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) 31. « Notre principal problème vient de la disponibilité en journée de nos pompiers volontaires. Beaucoup travaillent à Toulouse ou St Gaudens, loin de leur caserne d’affectation, et ne peuvent arriver suffisamment vite pour partir en intervention. C’est pourquoi nous cherchons des personnes qui ont une activité professionnelle proche de nos 34 centres d’incendie et de secours. Les agriculteurs, comme les artisans, sont donc des profils privilégiés pour nous. » En France, les sapeurs-pompiers volontaires comptent 5.000 agriculteurs dans leurs rangs, dont une vingtaine en Haute-Garonne. Un engagement important, qui demande de la motivation, un sens du dévouement et … du temps. « L’astreinte est gérable », confie Jean-Yvon Masse, éleveur à Aspet et pompier volontaire depuis 27 ans (voir encadré). « C’est la formation, initiale et continue, qui demande le plus de disponibilité. » De fait, une formation de base aborde plusieurs aspects du métier de pompier dont le secourisme, la lutte contre les incendies, les opérations diverses et la culture administrative. D’une durée de 250 heures, cette formation qui se répartie, selon l’emploi du temps du volontaire, sur un à trois ans, constitue également une période probatoire. Le Sapeur-Pompier Volontaire continue de se former tout au long de son engagement avec des séances de perfectionnement dans certains domaines. Par ailleurs, ses aptitudes sont vérifiées périodiquement afin de s’assurer que chaque personnel est opérationnel. Avec les « activités opérationnelles longues » (interventions exceptionnelles de plus d’une journée), ces formations sont les absences les plus contraignantes sur une exploitation agricole.

Remplacer le pompier agriculteur sur son exploitation

Conscient que cet engagement citoyen des agriculteurs est parfois difficilement compatible avec leur vie professionnelle et les pousse souvent à arrêter, le Ministère de l’Intérieur a signé une convention cadre avec la Fédération Nationale des Services de Remplacement (SR), lors du dernier salon de l’agriculture de Paris, le 28 février 2014. « La mission de notre structure est de permettre que les agriculteurs, comme pour les autres catégories socioprofessionnelles, aient le droit d’être malades ou de se reposer », explique Matthieu Baudriller, Président du SR Haute-Garonne. « Désormais, ils ont aussi le droit de s’engager en qualité de sapeurs-pompiers volontaires tout en continuant à participer activement au développement économique des zones rurales. » La convention vise donc mettre à disposition des Agents de Remplacement sur les exploitations des agriculteurs pompiers dans les cas de formation ou d’activités opérationnelles longues. Mais ce dispositif a un coût que le SR 31 ne peut assurer seul. Son Président a donc réuni plusieurs partenaires actuels ou potentiels à St Gaudens, le 19 novembre dernier, pour étudier les possibilités de cofinancement. « La durée maximale de prise en charge d’un agriculteur serait de 10 jours par an », poursuit-il. « Une heure de mise à disposition coûte à taux plein 19,14 €. Le but que nous voulons atteindre est la prise en charge intégrale du coût du remplacement. » Pour l’heure, le SR 31, le Conseil général, le Crédit agricole et la MSA ont donné leur accord de principe sur une participation à cette prise en charge. Une prochaine rencontre devrait avoir lieu en février prochain pour valider les conditions de cette participation et accueillir les nouveaux partenaires. « En nous mettant à plusieurs, nous pourrons contribuer, à moindre coût, au maintien des effectifs de spvs en permettant aux agriculteurs et agricultrices de s’engager plus facilement », conclut Matthieu Baudriller. « C’est une cause noble qui vaut la peine d’être défendue. »

Le SDIS 31 en bref

  • 50.537 interventions en 2013
  • 130 Officiers de Permanence
  • 762 sapeurs-pompiers professionnels
  • 1.214 sapeurs-pompiers volontaires
  • 175 personnels administratifs, techniques et spécialisés
  • 13% de femmes
  • 68 millions € de budget de fonctionnement
  • Investissement prévus : 34 millions €
  • Coût moyen du service incendie par habitant : 83 €/an

Le Service Départemental d’Incendie et de Secours est chargé de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Il concourt également à l’évaluation et la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu’aux secours d’urgences aux personnes victimes d’accidents, sinistres ou catastrophes. Géré par des élus des collectivités territoriales du département, il est présidé par le Président du Conseil Général 31, qui assure près des 2/3 de son budget de fonctionnement. Le reste est financé par les communes et intercommunalités.

 

Témoignage

Être pompier volontaire : une autre approche de son territoire

Le Lieutenant Jean-Yvon Masse, agriculteur et Chef du Centre Incendies d'Aspet.
Le Lieutenant Jean-Yvon Masse, agriculteur et Chef du Centre Incendies d’Aspet.

Jean-Yvon Masse, éleveur à Aspet, est pompier volontaire au CIS* du canton depuis 1988. Après sa formation initiale, en un an, il a suivi des formations de spécialisation jusqu’à passer le concours d’officier, en 2000. 10 ans plus tard, le Lieutenant Masse devenait Chef du Centre d’Aspet.

TUP : Pourquoi vous être engagé ?

JYM : J’avais envie d’être utile dans la vie. J’aime aussi travailler en équipe. Je pense qu’après le rugby et l’agriculture, deux « sports » collectifs, devenir pompier était une suite logique… Mais il y a aussi souvent une tradition familiale derrière ce genre d’engagement. Pour moi, c’est un cousin, pompier volontaire, qui m’a donné l’envie. Et mon fils, qui est en cours d’installation avec moi, s’est engagé dès ses 16 ans.

TUP : Comment arrivez-vous à gérer de front vos deux activités ?

JYM : Je suis d’astreinte une semaine sur 4. Je dois rester dans le secteur, car je suis susceptible d’intervenir à tout moment, de 20h à 7h du lundi au vendredi et 24h/24 du samedi au lundi matin. L’avantage d’être agriculteur, c’est la souplesse de l’emploi du temps. Ça ne m’a jamais créé de problème, à proprement parler, d’être pompier. Il faut juste réussir à s’arranger. Pour cela, je sais que je peux compter sur les collègues de l’ACVA d’Aspet. On travaille beaucoup en entraide et ça résout pas mal de problèmes. Et si nous arrivons à mettre sur pied une convention entre le SDIS et le Service de Remplacement, cela va encore grandement faciliter les choses.

TUP : Qu’est-ce que vous apporte le fait d’être pompier ?

JYM : C’est comme faire partie d’une association, l’adrénaline en plus. Ça me permet de sortir du monde agricole. Quand je vois des exploitants qui ont tendance à se refermer sur eux et je me dis que cela leur ferait beaucoup de bien de voir autre chose. Être pompier m’a permis de rencontrer énormément de monde, de voir mon territoire autrement et de mieux comprendre comment il fonctionne. J’ai aussi pu acquérir des compétences qui peuvent s’avérer très utiles dans ma vie d’éleveur, comme savoir réagir en cas de blessure ou d’accident. Mais réciproquement, être agriculteur peut aussi aider dans une activité de pompier. Nous sommes ainsi plus à l’aise pour intervenir sur des animaux échappés ou blessés. Et nous avons généralement une très bonne connaissance du terrain. Être agriculteur m’a enfin permis de mettre en place des actions avec mes collègues. Auparavant, les pompiers se chargeaient de faire les brûlages dirigés. Avec l’ACVA cantonale, nous avons organisé des formations à l’écobuage et désormais, ce sont les agriculteurs qui gèrent cette opération sous la simple supervision des pompiers.

TUP : Que diriez-vous à un agriculteur qui hésite à devenir pompier ?

JYM : Que la crainte de ne pas avoir le temps est une fausse excuse. Sur les 21 sapeurs-pompiers du CIS, nous sommes 3 agriculteurs, ce qui prouve que c’est largement possible. Il y a certes une incidence sur la vie familiale, avec des départs nocturnes et les week-ends d’astreintes. Mais rien qu’un éleveur ne connaisse déjà de par son métier. Je lui dirais enfin d’essayer. Même si l’engagement est d’une durée de 5 ans renouvelable par tacite reconduction, le sapeur-pompier volontaire peut décider d’arrêter à tout moment s’il estime ne pas pouvoir mener sereinement de front ses deux activités. Qu’il essaie donc et il verra par lui-même que c’est un métier formidable, qui mérite amplement le temps qu’on y consacre.

* Centre d’Incendie et de Secours

Auteur de l’article : Sébastien Garcia