Dura lex, sed lex

Publié le 28 février 2016

« Dure est la loi, mais c’est la loi », dit le dicton latin. Cela fait maintenant 14 ans que le décret imposant l’évaluation des risques professionnels dans les entreprises est paru. 14 ans que chaque entreprise, quel que soit son effectif ou son secteur d’activité, est censée disposer d’un Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP).

C’est pour cela qu’aujourd’hui, les Tribunaux des Affaires de Sécurité Sociale (TASS) sont intraitables sur l’application de la loi en cas d’accident d’un salarié, saisonnier ou stagiaire. Et les retombées peuvent être calamiteuses. À l’occasion de l’Assemblée Générale d’Entrepreneurs des Territoires (EDT) de Haute-Garonne, le syndicat des entrepreneurs de travaux agricoles, forestiers et ruraux, la déléguée régionale Nelly Massé-Desaivres a longuement insisté sur la nécessité de chaque entreprise d’être à jour de ces obligations, aussi contraignantes qu’elles puissent paraître.

Le couperet de la « faute inexcusable »

« La jurisprudence fait froid dans le dos », annonçait d’emblée Nelly Massé-Desaivres, ce 22 janvier à Ondes. « Si un accident intervient dans une structure qui n’a pas réalisé son DUERP, la justice va estimer que le chef d’entreprise s’est rendu coupable d’une faute inexcusable. » Cette classification induit plusieurs conséquences, dont la « moins pire » est la majoration des amendes, rentes et indemnisations encourues. Beaucoup plus grave, le chef d’entreprise devient responsable sur son patrimoine personnel. En cas de décès ou de handicap temporaire ou définitif d’une personne en situation de travail, les sommes peuvent être astronomiques. Et la caisse de sécurité sociale se retournera contre l’employeur en non-conformité pour se faire intégralement rembourser les frais engagés. « Récemment, le TASS du Gers a ainsi condamné un employeur à payer environ 700.000 € de dommages et intérêts », avertissait-elle. « Cela peut arriver à n’importe qui, demain. Et même si vous vous entendez très bien avec votre salarié, ce dernier n’a aucun pouvoir sur la procédure. Les poursuites s’engagent automatiquement, même si la personne blessée ne souhaite pas porter plainte. » Si certains contrats d’assurance prévoient la couverture de l’assuré en cas de faute inexcusable, il convient toutefois d’en vérifier les termes. Il sera donc toujours préférable de privilégier un Document Unique des risques présent et à jour, une assurance qui couvre normalement – selon les contrats -, l’assistance juridique et la défense, la majoration des rentes et le paiement des préjudices personnels.

Principe de précaution

Nelly Massé-Desaivres appelle les dernières entreprises qui ne l'ont pas encore fait de se doter du document d'évaluation des risques professionnels.
Nelly Massé-Desaivres appelle les dernières entreprises qui ne l’ont pas encore fait de se doter du document d’évaluation des risques professionnels.

Alors que cette mise au point n’a évidemment pas manqué de déclencher débats et commentaires dans l’assistance, Nelly Massé-Desaivres n’a pas voulu entrer dans la polémique. Elle a rappelé que l’UREDT a créé, depuis plusieurs années, un logiciel de création du document unique spécifique aux activités des entrepreneurs de travaux agricoles, forestiers et ruraux. « Oui, c’est une contrainte administrative », martelait-elle. « Oui, la rédaction de ce document est vécue comme une contrainte par les professionnels. De plus, elle est propre à l’entreprise de travaux. Et oui, il faut le mettre à jour chaque année ou à chaque changement de matériel ou de configuration de poste de travail. Mais c’est à chacun de voir si cela vaut la peine de mettre en danger, voire couler, son entreprise suite à un accident, pour avoir voulu économiser une journée de réflexion et de rédaction sur la sécurité au travail dans ses salariés » La déléguée régionale a enfin attiré l’attention des participants sur la conformité du matériel utilisé par les entrepreneurs. De fait, chaque ajout d’accessoire ou de modification de matériel, même réalisée par un professionnel, peut remettre en question la conformité du matériel initial. Mieux vaut donc de s’assurer que ces interventions ne vont pas se retourner contre le propriétaire du matériel en cas de litige. « Il convient de vérifier ces éléments AVANT de signer le bon de livraison », avertit Jean-Marc Moumin, Président d’EDT 31. « Si vous signez, vous reconnaissez être responsable du matériel et de l’utilisation qui en sera faite. L’entreprise sera en difficulté s’il s’avère que celui-ci n’est pas conforme. » Pour être sûr d’être dans les clous, EDT 31 conseille vivement de consulter les services départementaux de l’Inspection du Travail au moindre doute. Puisqu’il ne s’agit ni plus, ni moins que du principe de précaution appliqué au monde du travail, autant prendre ses informations directement auprès de ceux chargés de le faire respecter…

 

Les entrepreneurs veulent être mieux reconnus

« Depuis 2014, les Entrepreneurs des Territoires se sont dotés d’un projet syndical régional », rappelle Jean-Marc Moumin. « C’est une feuille de route des actions à mener sur le terrain décidées en fonction des attentes de nos adhérents. Chaque année, une action phare est menée et relayée par tous les élus des départements. » En 2015, les entrepreneurs avaient mis un gros coup de projecteur sur les problèmes de circulations des engins agricoles et forestiers. L’année 2016 portera, elle, sur la promotion des entreprises de travaux et services. « Il faut rendre les entrepreneurs de travaux agricoles, forestiers ou ruraux incontournables au sein des territoires », martèle Jean-Claude Gasc, Président de l’UREDT Midi-Pyrénées. « Ces dernières années, on a vu se multiplier les coups de canif réglementaires et politiques autour de l’activité ou du statut des entrepreneurs : relèvement du seuil fiscal de l’activité accessoire, entreprises de travaux agricoles non reconnues dans le programme européen 2014-2020 de Midi-Pyrénées, concurrence déloyale de certains GAEC ou CUMA, etc. Nous allons donc entreprendre une communication élargie sur tous ces thèmes et contacter tous les acteurs professionnels et politiques concernés de près ou de loin par ces problématiques. »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia