Et si on changeait nos habitudes ?

Publié le 15 mars 2012

Les prélèvements d’analyses peuvent théoriquement être réalisés durant toute l’année. Mais pour diverses raisons, ils sont pratiqués en grande majorité sur la période d’août-septembre et, en zone Maïs, d’octobre à décembre. La raison principale est la « mise à nu » de la parcelle après moisson (céréales à paille et colza), qui offre une grande facilité de déplacement au préleveur pour réaliser ses carottages.

Une autre raison, plus psychologique que scientifique, est que la moisson représente chronologiquement la fin du cycle cultural de l’année en cours. Ainsi, prélever après la récolte revient à analyser un sol dans lequel la culture a puisé jusqu’à son point final et les réserves mesurées représentent le disponible pour les cultures suivantes.

La période d’août-septembre a, par contre, le désavantage de correspondre (bien souvent) à la sécheresse estivale. La réalisation des prélèvements est donc laborieuse, la profondeur des carottages pas toujours respectée. De plus, pour le laboratoire, la concentration de l’ensemble des arrivages d’échantillons sur un laps de temps très court entraîne des contraintes organisationnelles importantes. D’autre part, le délai prélèvement cumulé au délai d’analyse entraîne un rendu des résultats dans le mois suivant la commande. Pour certaines décisions à prendre, cette réception du bulletin d’analyse est trop tardive, notamment sur les zones où la gestion du chaulage doit se raisonner. Les épandages d’amendement minéraux basiques (chaulage) se réalisent en majeure partie sur août, période idéale pour l’épandage des amendements.

On commence à entendre de plus en plus parler de faire ces analyses en début de printemps (mars-avril). Outre la rupture avec certaines habitudes bien ancrées, ce changement de date peut susciter pas mal de questions. Le Trait d’Union Paysan a demandé l’avis de Bruno Félix-Faure, du laboratoire d’analyses agricoles Galys, à Toulouse, sur l’intérêt ou non d’avancer les prélèvements au printemps. Il répond ci-dessous aux 6 points les plus souvent évoqués par les agriculteurs.

 

1) Les exportations de cultures qui n’ont pas fini leur cycle

Sur culture d’hiver, le cycle n’étant pas bouclé, on peut se demander si les mesures P et K de l’analyse de sol sont fiables.

Pour le blé et le colza, les prélèvements sont réalisés à 70% du cycle. Le diagnostic à partir de l’analyse de sol pour un conseil P et K en année n+1 sera donc pertinent.

Pour les cultures de printemps type Maïs, pas encore semées ou tout juste semées, l’analyse de sol va servir à ajuster le conseil P et K sur cette culture.

2) Prélèvements et apports d’engrais minéraux.

Pour un apport d’engrais minéraux (P et K), il est nécessaire d’attendre 2 mois après l’apport. Donc pour les cultures d’hiver avec des apports réalisés juste avant semis ou en couverture à l’automne, il n’y a pas de problème pour prélever sur mars-avril-mai (2 mois se seront écoulés). Pour les réalisations d’apport de 18/46 sur céréales en janvier-tout début février, l’intervalle de temps est là aussi respecté.

Il faut noter que l’apport d’azote n’interfère pas dans le résultat d’une analyse de sol, sauf s’il est demandé de réaliser la mesure de l’azote total pour avoir le rapport C/N. Dans ce cas précis, un délai de 2 mois est nécessaire après l’apport d’azote pour réaliser le prélèvement.

3) Prélèvements et apports d’amendements organiques (composts…).

Il est conseillé d’attendre 4 mois après ce type d’apport avant de réaliser un prélèvement. La décomposition et la minéralisation de ces produits est loin d’être effective au bout de 4 mois, mais l’amorçage de la décomposition permet une fragmentation des débris organiques et évite les biais au niveau du prélèvement.

Les résultats d’analyse n’indiqueront, de toute façon, que le P et K assimilable (le P et le K total ne ressortent pas à l’analyse). Pour des apports réalisés à l’automne, réaliser ses prélèvements en début de printemps (mars-avril) ne pose donc pas de problème.

4) Prélèvements et apports d’amendements minéraux basiques (chaulage).

Il est conseillé d’attendre 4 mois après ce type d’apport avant de réaliser un prélèvement, d’autant plus que l’amendement est d’une finesse de mouture grossière. Les particules de carbonates, non encore dissoutes, sont fragmentées lors du broyage et tamisage de l’échantillon. De plus, lors de l’analyse de sol, ces particules sont en partie dissoutes par l’extractif, ce qui entraîne une surestimation du calcium échangeable.

Là encore, pour des apports réalisés l’été ou l’automne, réaliser ses prélèvements en début de printemps (mars-avril) ne pose donc pas de problème. Au contraire, cela permettra de mesurer l’élévation de pH engendré par le chaulage.

5) Prélèvements sur cultures en place et choix de la zone homogène.

Si le prélèvement est réalisé alors que le sol est couvert par la culture, les différentes zones de sol sont moins visibles et le choix de la zone homogène plus délicat. Si le prélèvement précèdent a été réalisé avec positionnement GPS, il suffit de se positionner sur les mêmes coordonnées GPS. Sinon, il est nécessaire d’avoir la présence de l’agriculteur pour se positionner dans la zone homogène représentative de la parcelle. Un autre avantage est que le couvert permet de mettre en évidence des zones à problème et de prélever à l’endroit précis.

6) Prélèvements et variations saisonnières des indicateurs analytiques.

L’indicateur le plus sensible aux variations saisonnières et le pH. Sur les mois où le sol se réchauffe, l’augmentation de l’activité biologique entraîne une nette diminution du pH.

 

Avril (plus que mars) et mai (plus qu’avril) correspondent aux mois où le pH est dans ses valeurs les plus basses. Les prélèvements r

éalisés durant cette période sont donc plus pertinents pour effectuer un bon diagnostic sur les risques de toxicité aluminique en lien avec un pH acide (pH < 5,8).

En conclusion, Bruno Félix-Faure estime que les prélèvements de printemps ne posent pas de problèmes techniques. Ils ont même une meilleure pertinence pour le diagnostic chaulage. Un avantage majeur de cette date est de permettre une réception des résultats précocement, avant les récoltes, et d’anticiper ainsi le diagnostic des apports à réaliser (chaulage, si nécessaire, et apport P, K et Mg). Ainsi, dès les parcelles moissonnées, l’organisation d’épandages raisonnés (chaulage) pourra s’envisager.

Des économies en plus…
Les achats de morte saison
Faire ses analyses dans les deux prochains mois permet d’adapter plus précisément la formule de sa fertilisation aux besoins de son sol. Si le gain agronomique n’est quantifiable qu’à moyen terme, calibrer sa fertilisation au plus juste peut, selon les cas, permettre de réaliser des économies sur les volumes achetés.
Mais il y a également un autre avantage, non négligeable, celui de pouvoir acheter ses amendements à prix intéressant. Avec des résultats d’analyse qui vous seront remis environ 3 semaines après les prélèvements, vous avez l’occasion de faire vos commandes d’amendement en période de morte saison. La différence de prix peut aller jusqu’à 10% de sa facture habituelle. Ainsi, votre prochaine campagne de fertilisation pourrait s’organiser comme suit :
  • 1ère semaine de mars : Transmission des commandes de prélèvement au laboratoire
  • Jusqu’à fin mars : Prélèvements des échantillons de terre par le laboratoire
  • Entre mai et juin : réception des résultats d’analyse et achat des amendements en morte saison
  • 1ère quinzaine de juillet : Formalisation des chantiers d’épandage
  • De mi-juillet à fin septembre : réalisations des épandages

Auteur de l’article : Sébastien Garcia