Filière semence, un poids lourd de l’économie française

Publié le 13 janvier 2013

Le Groupement National Interprofessionnels des Semences et plants (GNIS), recevait la presse économique et grand public au siège de sa délégation régionale, le 10 janvier dernier. L’occasion pour Gérard Crouau, délégué régional, de faire le point sur une filière performante mais trop méconnue.

Le Sud-Ouest, champion de France des semences

Si la France est le premier pays producteur de semences en Europe, avec 316.000 ha (291.000, sans les semences potagères), la région Sud-Ouest n’y est pas étrangère. Avec son climat favorable, le Sud-Ouest devrait produire, pour 2013, 67% des semences françaises de betteraves et chicorées, 61% pour le maïs et le sorgho, et 58% pour les semences d’oléagineux ! Avec plus de 87.000 ha, le Sud-Ouest se place donc logiquement en tête des régions productrices. « Même si nous sommes la principale région productrice, un des atouts de la filière semences et plants est d’avoir des acteurs répartis sur tout le territoire français », note Gérard Crouau. « En cas de difficulté dans une zone, les autres peuvent donc prendre le relais et suppléer aux manques éventuels. » Ceci dit, Midi-Pyrénées n’est pas prête de céder sa place de leader. Outre la climatologie, la région dispose en effet de nombreux avantages, au premier rang desquels il faut citer la grande technicité des agriculteurs multiplicateurs, qui travaillent au sein d’un réseau efficace. La région est, en outre, proche de l’Atlantique et de la Méditerranée, dispose d’infrastructures routières, ferroviaires et portuaires performantes, ainsi que de plusieurs usines d’importance.

L’équivalent de 18 Airbus à l’exportation

2ème exportateur mondial, voire 1er si l’on ne prend en compte que les semences agricoles, la France a toujours eu un solde de balance commerciale excédentaire. Malgré un contexte économique tendu, ce dynamisme remarquable des exportations françaises de semences et plants ne faiblit pas. Les entreprises de la filière ont commercé, cette année, avec près de 155 pays. Ce qui permet à la filière d’afficher le solde excédentaire record de 666 millions €. Soit le prix de vente de 18 Airbus… Si plus de 70% des exportations de semences françaises sont à destination de l’Union Européenne, le solde des échanges de la France avec les pays tiers enregistre une hausse de 9% pour atteindre la valeur record de 216,5 M€. La Russie et l’Ukraine sont les deux principaux pays clients hors UE, avec un volume de ventes boosté par le maïs (+87%) et le tournesol (+17%). Les ventes de semences repartent à la hausse vers le Maghreb (+5%). Les exportations vers l’Afrique sub-saharienne continuent, quant à elles, d’afficher une croissance rapide et régulière : +20% en moyenne sur quatre ans. Les exportations vers l’Asie affichent, elles, une hausse de +11%. Enfin, si le solde de la balance commerciale reste négatif vers les États-Unis (-20 M€), il enregistre une amélioration de +12%, grâce à des exportations qui ne cessent de progresser depuis trois ans maintenant, en particulier des potagères.

Un avenir qui a besoin de sécurité

« Les semences sont un secteur stratégique pour l’agriculture et l’économie française », insiste Gérard Crouau. « Mais il ne faudrait pas que la législation française ou européenne devienne un handicap à leur performance. » De fait, plusieurs motifs d’inquiétude sont à relever dans le bilan des dernières années. Ainsi, la production de semences fourragères souffre de la concurrence des grandes cultures et nécessiterait une meilleure prise en compte de la PAC pour la rendre plus attractive. Si la France est un gros producteur de protéagineux, les besoins nationaux ne sont couverts qu’à hauteur de 30%. « Il faudrait que l’on dynamise davantage la recherche française de variétés mieux adaptées à nos besoins et devenir enfin autosuffisant en protéines », poursuit Gérard Crouau. Concernant le maïs, production phare de la filière semencière française (voir encadré), pas de surprise, c’est la question de l’eau qui est au cœur des préoccupations. « Si nous avons des rendements constants, sans fluctuations, qui nous permettent de répondre aux besoins des producteurs de tous horizons, c’est grâce à l’irrigation », martèle Gérard Crouau. « Il est donc impératif que la réglementation sur les retenues collinaires soit assouplie et qu’on préserve à la France sa capacité de production. »

Du côté de l’Europe, l’heure est à l’harmonisation des différentes législations pour avoir une mise en marché de semences adaptées à la demande européenne et mondiale. Le GNIS est fer de lance sur ce volet puisqu’en plus de son rôle de représentation de la filière semencière française, il est en charge d’une 2ème mission, de service public cette fois. Le GNIS dispose en effet d’une accréditation pour la certification des semences et plants. « Dans les évolutions de la réglementation, l’Union Européenne reconnaît la nécessité d’enregistrer les variétés, quelles qu’elles soient, dans un catalogue », ajoute Gérard Crouau. « La France a d’ailleurs pris les devants sur l’enregistrement de variétés anciennes ou spécifique, comme les semences potagères pour amateurs. Et c’est à l’initiative du GNIS que les futurs textes européens vont intégrer des critères VATE (valeur agronomique, technologique et environnementale) pour l’inscription des variétés. Ces critères évaluent les interactions des variétés avec leur milieu. Les semences sont le 1er maillon de l’agriculture durable et la France et le GNIS sont pionniers en la matière. »

Si le délégué régional se déclarait optimiste pour l’avenir de la filière semencière, il terminait la rencontre par un appel aux médias. « Nous avons un gros problème de recrutement », déclarait-il. « La faute à un défaut d’image auprès du grand public. Pourtant, la filière des semences fait vivre de nombreuses petites exploitations et participe à l’évolution de l’agriculture vers des productions toujours plus performantes et respectueuses de l’environnement. Nous avons donc besoin de personnel qualifié pour poursuivre notre action. À l’heure où la crise et le chômage font la une des journaux, il serait donc bienvenu de faire savoir que notre filière recrute. » À bon entendeur…

 

Maïs semence : Attention aux ruptures de stocks !

Régis Boisseau : «La règle du «1er arrivé, 1er servi» risque de s’appliquer pour l’achat des semences de maïs cette année.»
Régis Boisseau : «La règle du «1er arrivé, 1er servi» risque de s’appliquer pour l’achat des semences de maïs cette année.»

Avec 494 millions € (+54 M), le maïs affiche la plus forte croissance et représente à lui seul 40% des exportations de la filière. Cette année, malgré une production nationale record, il a fallu faire appel aux marchés extérieurs de production en contre-saison (Amérique du Sud), afin de pallier la demande supplémentaire française en maïs et tournesol, induite par les ressemis de printemps suite au gel de février. Or, au mois d’août dernier, la Fédération des producteurs de semences de maïs (FNPSMS) s’inquiétait déjà d’un grave manque de semences de maïs, dans toute l’Europe, pour les campagnes à venir. « Le problème est réel », confirme Régis Boisseau, Inspecteur responsable du maïs au GNIS. « Les stocks de semences sont toujours bas, malgré l’augmentation de notre production. S’il y aura toujours des semences disponibles pour les agriculteurs, ces derniers ne seront, par contre, pas assurés d’avoir la variété qu’ils désirent. Des ruptures de stocks sur les variétés leader ne sont pas à écarter, ce printemps. » La parade ? Il n’y en a pas vraiment, à part être les premiers à commander. C’est pourquoi Régis Boisseau suggère aux agriculteurs, même s’il reconnaît la difficulté de s’approvisionner aussi tôt, d’anticiper au maximum les achats de semences, si possible dès septembre, avant le gros déstockage de semences à destination de l’Europe de l’Est.

Le saviez-vous ?
La filière semences française, c’est

  • 72 entreprises de recherche et sélection variétales, dont 19 pour le Sud-Ouest. Ces entreprises sont en majorité des PME et ETI (Entreprise de Taille Intermédiaire).*
  • 246 entreprises de production, dont 66 pour le Sud-Ouest
  • 17.000 agriculteurs-multiplicateurs, dont 7.000 dans le Sud-Ouest
  • 8.700 distributeurs – 23.000 points de vente – 15.000 emplois en France, dont 2.000 dans la recherche, 4.000 dans la production et 6.000 technico-commerciaux.
  • 500 nouvelles variétés créées par an
  • Un budget recherche total de 236 millions €
  • Un chiffre d’affaires 2011/2012 de 2,9 milliards € (Pour rappel, la valeur de la production agricole végétale est de 42, Mrds € sur la même période)
* PME : 35%, ETI : 32%, TPE : 14%, TGE : 12%

 

Auteur de l’article : Sébastien Garcia