La chasse à l’agriculture est ouverte !

Publié le 8 juin 2014

Si l’on s’en doutait depuis longtemps, la preuve est faite aujourd’hui. Le progrès agricole est le nouveau Satan. Les agriculteurs, les sorcières des temps modernes. Les « Soldats du Bien » partent en croisade pour sauver le monde malgré lui et multiplient les procès en inquisition. Et les bûchers fleurissent aux quatre coins de ce bon royaume de France… Dans leurs châteaux, les seigneurs laissent faire, quand ils n’attisent pas eux-mêmes les flammes. Trop heureux de faire diversion et de masquer leurs faiblesses en désignant à une populace soigneusement apeurée l’ennemi à abattre. Au risque de voir la situation leur échapper.

L’État ne respecte même plus ses propres lois

Mercredi 4 juin au matin, à Auvillar dans le Tarn-et-Garonne, deux tracteurs mandatés par l’administration arrivent chez Cyrille Pera. Escortés par une centaine de CRS, ils viennent détruire les parcelles de MON810, semées avant le décret d’interdiction du 14 mars. L’agriculteur, dont la femme subissait un pontage cardiaque ce même matin, est sous le choc. « J’ai reçu l’ordre de détruire ces parcelles sous 48h hier matin, le 3 juin », explique-t-il. « J’ai aussitôt déposé un référé liberté au Tribunal Administratif, qui devait statuer vendredi prochain. S’il confirmait l’injonction, je m’étais engagé à détruire mes parcelles sous 24h. Entre temps, l’audience a été avancée et le tribunal devait rendre son avis demain 5 juin, à 14h. Pourquoi viennent-ils ce matin ? » Au mépris des règles élémentaires du droit, le Préfet du Tarn-et-Garonne a envoyé les forces de l’ordre au motif ridicule de « risque de contamination ». Pire, une des parcelles à passer à la herse se trouvait dans le Gers, où le préfet du Tarn-et-Garonne n’a aucune autorité. Venus épauler leur collègue, plusieurs agriculteurs de la FDSEA 82 ont, en vain, tenté de s’interposer. « On nage en plein délire », écume Alain Iches, Président de la FDSEA. « L’État n’est même pas foutu de respecter la loi et envoie une armée de policiers chez un gars qui a toujours agit dans les règles. Où étaient-ils ces policiers quand les faucheurs sont venus, en toute illégalité, saccager les propriétés de nos collègues ? Dans quel pays vit-on ? »

« Un Gouvernement complice des voyous »

Dès lors, comment s’étonner de voir les actions de destruction se multiplier dans toute la France ? Faucheurs, commandos« anti-pesticides » et autres groupuscules s’en donnent désormais à cœur joie. En quelques jours, on a assisté au saccage de la salle de traite de la ferme dite « des 1000 vaches », à la destruction de parcelles d’expérimentation du CETIOM sur du colza conventionnel en Charente Maritimes et, pour terminer, 1700 pommiers « écoresponsables » ont été sectionnés en Corrèze. Christophe Terrain, Président de l’AGPM, ne mâchait pas ses mots. Avec des représentants des FDSEA de la région, de la FNSEA et des Associations Spécialisées, il était venu soutenir Jacques Beauville (voir TUP 1447), qui procédait lui-même à la destruction de ses 11 ha de maïs OGM. « Ces actes sont la conséquence de l’impunité dont bénéficient ces voyous de tout poil de la part d’un Gouvernement complice », lançait-il à Saubens, le 6 juin dernier. « Alors que des personnes courageuses, comme Jacques Beauville ou Cyrille Pera, sont traités comme des criminels alors qu’ils n’ont enfreint aucune loi. »

Christophe Terrain fustige le dogmatisme du gouvernement et sa gestion déplorable et condamnable du dossier OGM.
Christophe Terrain fustige le dogmatisme du gouvernement et sa gestion déplorable et condamnable du dossier OGM.

Un soutien hautement apprécié par Jacques Beauville, qui en avait bien besoin. La destruction et le ressemis en maïs conventionnel devraient lui coûter la bagatelle de 5 à 6.000 €, entre les coûts d’opération, le rachat des semences et les pertes de rendement. Alors que sa famille et lui subissent une forte pression sociale, l’agriculteur était à 2 doigts de jeter l’éponge définitivement. « Mais l’État s’est mis à la faute en violant ouvertement la loi », lâche-t-il. « Puisque je suis moins seul à mener ce combat, je compte demander réparation en justice pour toutes les infractions commises par ce Gouvernement et ses représentants. »

Le coup de grâce de Ségolène Royale

« Il ne s’agit pas de défendre le tout OGM », déclarait Christophe Terrain. « Nous voulons défendre l’accès à des technologies, validées par les scientifiques, qui apportent un « plus » technique, environnemental et économique aux producteurs. L’innovation n’est pas un gros mot ! Nous défendons une agriculture productive, performante et responsable, qui puisse profiter, comme tous les autres domaines, des progrès de la science. Pour produire plus et mieux, nous revendiquons la génétique, la fertilisation, la protection de plantes et l’irrigation, comme outils et aides à la production. C’est cette agriculture qui crée de la richesse sur les territoires, qui permet à la France d’être autosuffisante, mais aussi d’exporter. Notre pays serait-il trop riche pour s’en priver ? Alors arrêtez de nous rajouter ces boulets qui plombent notre productivité. » Hélas, il semblerait que ce ne soit pas demain la veille que les choses s’améliorent… En effet, la ministre de l’écologie et de l’environnement, Ségolène Royal, et son homologue à l’agriculture, Stéphane Le Foll, entendent bien rajouter un clou au cercueil de l’agriculture française. Cette dernière propose un texte de loi qui ne vise rien de moins qu’interdire tout traitement phytosanitaire à moins de 200 m. des écoles et 100 m. de toute habitation. Prise après un accident sanitaire dans une école de Gironde (voir encadré), cette décision calamiteuse reviendrait à exclure de la production près de 13 millions d’ha ! Selon les estimations de la Chambre d’Agriculture 31, la moitié des surfaces agricoles du département serait concernée !

« Après l’interdiction de la fertilisation de nos coteaux ou encore l’obligation de traiter nos parcelles la nuit, l’aveuglement et la démagogie de cette nouvelle annonce me sidèrent », déclare sombrement Luc Mesbah. « Alors qu’on nous impose déjà un empilement surréaliste de freins réglementaires à la production (mises aux normes de bâtiments d’élevage, suppression de matières actives sans solution de substitution, blocage des créations de ressources en eau, etc.), cette loi marquerait le coup de grâce définitif à l’agriculture de notre pays. Il faut absolument réagir : ces gens-là sont dangereux… » À Saubens, Dominique Barrau, Vice-Président de la FNSEA, avertissait le Gouvernement du ras-le-bol des agriculteurs envers un État qui ne connait plus de limites. « La colère monte dans les campagnes », lançait-il. « Et elle est souvent mauvaise conseillère… Il est plus que temps que les Pouvoirs Publics nous entendent et redressent le cap avant le dérapage. »

 

École en Gironde : Que s’est-il passé ?

Le 5 mai dernier, des élèves et une enseignante d’une école primaire de Villeneuve-de-Blaye, en Gironde, située tout près de vignes ont été pris de troubles et de malaise. Le même jour, un viticulteur traitait ses vignes contre l’oïdium, maladie redoutée des vignerons. Après vérification, il apparaît que les produits utilisés étaient tous autorisés, comme le rappelle la DRAAF et l’ARS (Agence Régionale de Santé) d’Aquitaine. La Préfecture d’Aquitaine déclarait plus tard que leur utilisation a été « inappropriée », le vent soufflant relativement fort ce jour-là.
La nouvelle fait le tour des médias et, sans surprise, c’est un tollé contre les « pesticides » et les méfaits de l’agriculture « chimique et intensive ». Pourtant, il y a quelques aspects de l’affaire que la presse n’a absolument pas relevés. Ainsi, selon le site internet « alerte-environnement.fr », le viticulteur girondin avait suivi les recommandations du CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) qui invite les viticulteurs à privilégier les traitements bio à proximité des écoles. Il semble donc que ce dernier ait traité ses vignes au soufre, une technique largement utilisée en agriculture biologique.
Mais de cela, pas de traces dans les grands médias, où l’on persiste à dire que le bio n’utilise pas de pesticides. Cela pourrait pourtant contribuer à une meilleure compréhension du rôle des phytosanitaires, qu’ils soient naturels ou de synthèse, dans la conduite des cultures. Non, ils ne sont pas anodins. Oui, des précautions d’usage sont impératives, quelle que soit la nature de ces produits. Et non, non et non, l’interdiction pure et simple de traiter n’est en aucun cas la réponse à apporter à ce problème. Mais il faudrait, pour dire cela, un minimum de courage et d’honnêteté, que ni ces journalistes, ni ces politiques ne sont prêts à assumer…

 

« Ils s’en prennent même aux cultures non-OGM »

La FDSEA 31 montre les dents

L’information était tombée lors de la manifestation chez Jacques Beauville. Un fauchage risquait de se produire le lendemain, samedi 7 juin, sur une parcelle d’expérimentations non OGM, suivies par le CETIOM. C’en était trop pour Luc Mesbah, Président de la FDSEA de Haute-Garonne. « Si les forces de l’ordre ne bougent pas, nous prendrons le relais », menaçait-il. « Il faut que l’on s’oppose à ces voyous ! » Un message apparemment entendu de la gendarmerie. De fait, un groupe de faucheurs a été refoulé par les forces de l’ordre, samedi dernier à Ox. Ils voulaient s’en prendre à des essais sur des cultures de colza et de tournesol issues de la mutagénèse. Une technique vieille d’un demi-siècle, mais qui s’est vue requalifiée d’« OGM caché » par des faucheurs en mal de nouvelles cibles. La FDSEA 31, qui avait réactivé son réseau de vigilance, s’est rapidement mobilisée et a bloqué le cortège des faucheurs sur leur retour. S’adressant à eux, Yvon Parayre, Président de la Chambre d’Agriculture, a plaidé pour la liberté de la recherche et la fin d’un acharnement qui s’apparente à de l’intégrisme. « Si on nous enlève l’eau, les semences à la pointe du progrès, les produits phytosanitaires, on perdra encore de la compétitivité et ce seront les agriculteurs américains ou asiatiques qui deviendront les maîtres de la nourriture mondiale », leur a-t-il lancé. Moins diplomatique, Luc Mesbah a prévenu que toute nouvelle tentative de destruction verra une farouche opposition des agriculteurs.

Venu soutenir la FDSEA et les agents du CETIOM, Gérard Tubéry, Président de la FOP, ne décolérait pas. « Cette fois-ci, ces expérimentations ont pu être sauvées, contrairement à celles de Colmar ou des Charentes », déclarait-il. « Mais qu’attendent les Pouvoirs Publics pour condamner publiquement et sanctionner ces gens qui n’ont strictement aucune compétence, ni aucun crédit scientifique. Ils veulent réduire à néant le travail de nos chercheurs qui œuvrent toute l’année à rendre les techniques agricoles plus sûres et plus performantes. Ces exactions sont pour eux un véritable traumatisme. Il faut que cela cesse ! »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia