La seconde vie de Jean-Pierre Perrey

Publié le 30 mars2013

À l’âge où beaucoup pensent à lever le pied et ont davantage envie de calme, Jean-Pierre Perrey a, lui, décidé de repartir de zéro… Après 24 ans de carrière, cet ancien cadre spécialiste des réseaux d’eau potable s’est installé, en 2009, en production caprine à Avignonet-Lauragais. À 47 ans…

Rêve de gosse

« Depuis toujours, je voulais élever des chèvres et faire du fromage », confesse Jean-Pierre Perrey. « En 1981, j’ai passé un Brevet de Technicien Agricole Général en Auvergne, dans le but de m’installer. Mais n’ayant trouvé ni terres, ni ferme, j’ai poursuivi mes études dans autre chose. » C’est comme ça qu’il arrive à Toulouse, en 1984, pour travailler pour le groupe Suez. Mais la passion ne le quitte pas pour autant. Comptant de nombreux amis agriculteurs, notamment en élevage caprin, il prend l’habitude, chaque année, d’aller remplacer ces derniers sur leurs exploitations, pendant leurs congés d’été. Surveillance, soins, traite, fabrication et vente de fromage, etc., il sait tout faire et se perfectionne « sur le tas ». Alors quand il estime, après plus de 20 ans dans le groupe Suez, qu’il a fait le tour de son métier, la décision s’impose d’elle-même. « Mes enfants étaient grands, la période s’y prêtait, je savais de quels équipements j’avais besoin et les erreurs à ne pas commettre… J’ai foncé », explique-t-il simplement. « Et tout est allé très vite. J’ai pris ma décision en juillet 2008. En février 2009, j’achetais le terrain. Le bâtiment était terminé en août et les chèvres, une cinquantaine d’alpines, sont arrivées en septembre. Début 2010, je débutais la production de fromages… » L’aventure de la Chèvrerie de Bonifé pouvait commencer…

Lauragais, terre d’accueil

Quand on lui demande s’il a eu des difficultés à trouver des terres, à s’installer ou à s’intégrer, la réponse est nette : « Pas du tout ! J’ai un peu prospecté dans la Drôme, que je connaissais bien, mais il y avait beaucoup de concurrence sur les terres. Alors je me suis tourné vers le Lauragais. Je ne faisais concurrence à personne puisque je recherchais des « terres à chèvres », inexploitables pour les grandes cultures, et je pouvais profiter de l’énorme bassin de consommation que représente le Grand Toulouse. » Après ses démarches auprès de la SAFER, il passe en commission cantonale pour une parcelle de 6 ha de prairies et bois, à côté d’Avignonet, et présente son projet aux agriculteurs locaux. Le dossier, solide, et la personnalité de Jean-Pierre Perrey convainquent et ce dernier peut entamer la construction de sa bergerie sur le petit bout de plat que comprend la parcelle. « J’ai eu récemment besoin de trouver un terrain proche pour améliorer mon exploitation et, là encore, la SAFER et les agriculteurs du coin m’ont aidé dans mes démarches. Je n’ai vraiment rien à dire sur l’accueil du Lauragais et mon intégration ici. Je m’y sens bien. » Or, être bien dans son environnement est loin d’être négligeable quand on a une activité aussi prenante que la sienne.

10 mois non-stop…

« On va dire que je regroupe tous mes week-end et mes RTT sur deux mois de l’année », plaisante l’éleveur. En cette seconde quinzaine de mars, Jean-Pierre Perrey reprenait d’ailleurs tout juste l’activité. « Les mises bas ont commencé il y a 15 jours », explique-t-il. « La lactation des chèvres dure jusqu’à Noël. Je les taris en début d’année, pendant leurs deux derniers mois de gestation. Et en mars, je repars sur un nouveau cycle de production. Je m’arrête donc deux mois par an. Ce moment de calme est important pour moi, vu que pendant la période de production, il n’y a aucun temps mort. » La journée-type de Jean-Pierre Perrey commence avec la traite des chèvres, entre 6h30 et 8h, et la distribution de l’aliment. Après avoir paillé l’aire et soigné les animaux, il fabrique ses fromages à partir du lait de la veille, démoule et sèche ceux qui sont déjà en cours de fabrication, nettoie et désinfecte les outils et les locaux. L’après-midi est consacrée aux travaux d’entretien ou d’aménagement des bâtiments (qu’il a en grande partie construits lui-même), avant de repartir à la fromagerie pour saler ou retourner ses productions. Dans le même temps, il reçoit ses clients, puisqu’une bonne partie de sa production part en vente directe. La journée se termine avec une nouvelle distribution d’aliment et la 2ème traite. « Les jours de marché, je commence la traite très tôt et je décale le travail en fromagerie à l’après-midi. » Jean-Pierre Perrey fait 4 marchés par semaine : Villefranche, le vendredi, le quartier de la Fourguette à Toulouse, le samedi matin, Montgiscard, le dimanche matin, et le petit marché d’Avignonet, le mercredi de 16h30 à 18h. Il compte également des groupements de consommateurs, style AMAP, parmi ses clients.

Un producteur heureux

Jean-Pierre Perrey ne s’en cache pas, la fabrication du fromage est la partie de son activité qui lui plait le plus. « C’est une matière vivante qui fait appel à tous les sens. Il faut goûter, sentir, voir, toucher… », estime-t-il. « Il faut juste être curieux et observateur, c’est là que ça devient intéressant. J’aime faire des essais et en voir les résultats rapidement. » À sa gamme de faisselle et de fromages frais, Jean-Pierre rajoute, cette année, la tomme de chèvre. « J’ai envie de tester et il y a de la demande », confie-t-il. « En plus, avec un affinage plus long que ma gamme « fraîche », cela me permettra d’avoir du fromage pendant ma période d’arrêt, mais aussi d’absorber le surplus de lait, lors des pics de lactation. » Autre changement, l’éleveur est en cours de conversion en bio. Si cela ne pose pas de problème pour les terres, qui n’ont pas reçu de traitement depuis longtemps, le principal changement vient de l’alimentation de ses chèvres. « En dehors du pâturage, leur ration moyenne se compose de céréales, de luzerne et de foin. Comme je ne fais pas ces productions, il m’a fallu un peu de temps pour trouver des fournisseurs en bio. Par exemple, le foin, que je voulais de qualité, vient de la plaine de Crau. »

Jean-Pierre Perrey se dit ravi de sa nouvelle vie. Les résultats économiques correspondent à ses prévisions et il ne regrette pas un instant sa décision. Même les tâches répétitives trouvent grâce à ses yeux. « Il y a de la routine, notamment pour la fabrication, mais en fait j’aime ça », avoue-t-il. « Quand les gestes deviennent automatiques, on peut facilement s’évader, réfléchir, écouter de la musique. Le travail en fromagerie est, pour moi, un moment très riche et très agréable. »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia