Les éleveurs de chevaux se jettent à l’eau

Publié le 2 mai 2013

Juin 2011 : coup de tonnerre dans le monde du cheval ! Dans le cadre de la fameuse Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), l’État français annonce qu’il se désengage de toute activité de reproduction équine, pratiquée depuis plus de 3 siècles par les Haras Nationaux, et que ces derniers se débarrasseront de tous leurs étalons avant fin 2014. Au Centre Technique de Reproduction équine de Saint-Gaudens, le choc est rude, tant pour le personnel que pour les éleveurs de la région qui bénéficiaient de ce service public d’étalonnage.

Action, réaction

Il n’était pourtant pas question de rester les bras ballants. D’autant plus que le centre de Saint Gaudens annonçait dans la foulée qu’il serait un des premiers à fermer, au 31 décembre 2012. Il fallait trouver une solution pour que les éleveurs d’équidés puissent continuer leur activité de reproduction. Sous l’impulsion de Corinne Ortet, Présidente de l’Association des éleveurs de chevaux de traits de Haute-Garonne, une centaine d’éleveurs du département mais aussi d’Ariège, Gers et Hautes-Pyrénées, va alors se regrouper en association, en avril 2012, pour reprendre la gestion du centre. Toutes races (cheval, poneys ou ânes) et toutes activités (trait, sport ou loisir) confondues, ces éleveurs ont décidé de relever le défi de maintenir l’activité du site, préserver l’emploi sur le centre et même élargir ses prestations. Le 1er mars dernier, c’était chose faite avec l’ouverture officielle du Haras de Durmas pour la saison de monte 2013. « Il a fallu batailler », sourit Daniel Saint-Paul, le Président de l’association qui a pris le nom de Groupement des Éleveurs d’Équidés Comminges Pyrénées. « Les bâtiments appartenant à la mairie de Saint Gaudens, on a passé une convention d’occupation avec elle pour les lui louer. Dans le même temps, nous avons signé une convention de prestation de service avec l’Institut Français du Cheval et de l’Équitation (IFCE, ex-Haras Nationaux) pour garder Patrick Puyfourcat, l’agent inséminateur au centre. Il est extrêmement compétent, connaît le fonctionnement du centre sur le bout de doigts et habite sur place. C’est le pivot de notre activité et on ne pouvait pas imaginer démarrer sans lui. Nous avons donc réussi à préserver un emploi et même à en créer deux autres, puisque le centre a également embauché deux palefreniers.

Une activité d’étalonnage toujours professionnelle…

Si le centre a conservé les deux étalons de trait (un breton et un comtois) dont il disposait auparavant, il a aussi pu se faire attribuer, par l’IFCE, des étalons de sport : un Selle français, un Anglo-arabe, un Arabe et un poney New-Forest. « Si les Haras Nationaux ont cessé de renouveler leur cheptel d’étalons, ils continuent à exploiter ceux qu’ils ont actuellement », précise Daniel Saint-Paul. « Mais comme ce service est appelé à disparaître, nous avons déjà commencé à organiser une collaboration avec des étalonniers privés. L’un d’eux, dans les Ardennes, nous a confié l’exploitation d’un 2ème Selle français. Il nous fournit également des paillettes d’autres étalons de très haut niveau, que nous avons en stock en congélation au centre. Bien sûr, nous assurons aussi les inséminations des juments avec de la semence venant du monde entier et choisie par les éleveurs. Grâce à cela et avec notre écurie de 7 étalons, nous couvrons une plage de races et de prix qui permet de répondre aux différents besoins des éleveurs de la région. »

L’association a enfin adhéré à un réseau d’expédition rapide de semences dans toute la France. Une jument peut ainsi être inséminée en  24 h chrono après que la semence ait été prélevée chez un étalon de Saint Gaudens. Le centre de Saint Gaudens, avec sa  trentaine de box, est donc en mesure de poursuivre l’activité de reproduction de façon aussi professionnelle qu’auparavant. Le tout, sous le contrôle d’une chef de centre et d’un vétérinaire, qui officie pendant toute la saison de reproduction, de mars à juillet.

… et des services en plus

Mais l’association ne s’est pas arrêtée là. Toujours en convention avec l’IFCE, le centre accueillera ainsi d’autres étalons, en pension, hors saison de reproduction, histoire de rentabiliser cette période creuse. À côté de cela, il propose aussi aux éleveurs un service de débourrage et d’habituation à la manipulation des poulains, réalisé par l’inséminateur et les palefreniers. « Nous avons aussi la chance d’avoir pu conserver toute l’activité d’identification », ajoute Daniel Saint-Paul. « Hors saison de monte, notre inséminateur est agréé par les Haras Nationaux pour effectuer le signalement et le puçage des poulains en Haute-Garonne et en Ariège. C’est un avantage notamment pour les éleveurs de chevaux de trait, pour lesquels le puçage est obligatoire avant le départ de l’élevage vers les 6 mois. » Enfin, le centre organise, en collaboration avec l’IFCE et la Chambre d’Agriculture, des formations au CAPTAV (Certificat d’Aptitude Professionnelle pour le Transport d’Animaux Vivants). Ce certificat est désormais obligatoire pour toute personne effectuant un transport à titre économique d’animaux, c’est à dire pour les déplacements pour la reproduction, pour la participation aux foires ou concours, ou encore vers l’abattoir. Encore peu réprimée par les services de gendarmerie, cette obligation est toutefois de plus en plus contrôlée. Sachant que le défaut de ce certificat est passible de lourdes sanctions, l’association a estimé important d’informer et former ses adhérents sur ce thème. La session faite les 23 et 24 avril derniers avait réuni une dizaine d’éleveurs. Le centre proposera d’autres formations avant la fin de l’année, éligibles au fonds VIVEA, FAFSEA et au droit individuel à la formation.

Si le démarrage se passe plutôt bien, Daniel Saint-Paul reste prudent sur l’avenir. « Nous nous lançons quand même dans l’inconnu », relativise-t-il. « Nous sommes passés du statut de clients à celui de responsables d’un centre qui, jusqu’à présent, n’avait aucune obligation de rentabilité. Nous tournons avec plus de 100.000 € de budget de fonctionnement, sans aides ni subventions. Notre matériel actuel (tracteur, équipement technique…) est prêté par les Haras Nationaux jusqu’à la fin de l’année. Donc, à compter de 2014, il va falloir trouver un moyen de le racheter ou de s’équiper ailleurs. » Le groupement des éleveurs étudie d’ailleurs une évolution du statut associatif à celui de structure coopérative d’intérêt collectif (SCIC), ce qui permettrait d’y faire entrer des collectivités territoriales. « Nous avons montré que ce centre a un potentiel économique réel qui génère de l’activité et de l’emploi sur le secteur », conclut le Président. « Si nous pouvions avoir la mairie de Saint Gaudens et d’autres collectivités comme partenaires associés, je suis sûr que ce centre pourrait faire les beaux jours de la commune. »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia