Récoltes soja : pourquoi les parcelles restent vertes ?

Auteurs ( Arnaud Micheneau (a.micheneau@terresinovia.fr) & Equipe Sud – Terres Inovia

Depuis plusieurs jours, les récoltes de soja mettent en évidence différents phénomènes. Si certains en lien avec les fortes pressions ravageurs, étaient à craindre, d’autres plus surprenants sont la conséquence du scénario climatique. L’effet cumulatif de ces différents phénomènes rend par conséquent difficile l’estimation de la part de chacun.

Une sénescence perturbée 

Avant toute chose, il s’agit de rappeler que les variétés de soja cultivées en France, sont des plantes au développement indéterminé. Cela signifie qu’en l’absence de modification climatique, telle que la baisse des températures, les plantes maintiennent une activité photosynthétique et n’entrent pas en sénescence. Elles peuvent même aller jusqu’à continuer de fleurir.

 C’est le phénomène actuellement rencontré dans les parcelles de sojas, et observable au-delà, puisque les couleurs de l’automne se font attendre. En effet, malgré le raccourcissement de la durée du jour, le maintien de températures élevées a pour conséquence la poursuite de l’activité photosynthétique. Les organes tels que les feuilles et les tiges se maintiennent verts. Une baisse des températures permettra alors la décoloration puis la chute des feuilles, (via la synthèse d’acide abscissique).

Néanmoins, bien souvent sur ces parcelles encore vertes, les graines sont à maturité, avec des humidités régulièrement inférieures à 14%. Par conséquent, il est essentiel de ne pas tenir compte de l’effet visuel et d’engager la récolte.

De plus, le retour des pluies fin août après un épisode caniculaire, et le maintien des températures autour de 30°C a pu permettre au soja de poursuivre son développement avec la formation de nouvelles gousses, expliquant la présence de graines immatures sur les derniers étages. Ces températures élevées, cumulées à des conditions sèches en août ont alors pu entrainer un arrêt précoce du remplissage. Les symptômes visuels se traduisent alors par des petits grains et/ou surtout grains flétris comme sur l’illustration ci-contre. Dans les conditions de l’année, ce type de symptômes est alors confondant avec ceux causées par les ravageurs, en particulier la punaise. 

Fait moins fréquent, une entrée en germination de certains grains immatures est constatée. Sur ces parcelles, le déclenchement de la récolte doit être le résultat d’un compromis entre assurer l’essentiel de la récolte des grains matures et secs, et le risque d’avoir de la perte sur les grains immatures. La poursuite des conditions sèches permet cependant d’attendre, or il ne faudra pas prendre le risque de récolter après la prochaine pluie.

Pression Pyrales des haricots

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Les dégâts causés par la pyrale du haricot Etiella zinckenella cette année, sont fréquents et d’une intensité rarement observée ces 20 dernières années (attaques d’ampleur en 2022 et 2003). Pouvant conduire jusqu’à la perte totale de la parcelle, les attaques les plus fortes sont majoritairement recensées sur les parcelles en sec ou avec irrigation contrainte. Une image contenant plein air, haricot, légume, Tige

Description générée automatiquement

Les travaux conduits à partir de 2004, mettent en évidence 3 générations par an en France. Il semble que ce soit la seconde génération de pyrales, abondante et synchronisée avec l’apparition des gousses de soja, qui soit la plus nuisible pour la culture. Des analyses sur des gousses prélevées au mois de septembre ont montré que 74% des gousses infestées l’avaient été par des larves de seconde génération (Ballanger & Duroueix, 2009). Les 26% de gousses restantes ont été impactées par les larves de 3ème génération. 

Remarquer la présence de pyrales, dès le passage des vols des adultes, n’est pas forcément le plus évident. Souvent, ce sont les attaques sur les gousses, réalisées par les larves en fin de cycle, qui permettent de mettre en évidence la présence des pyrales. 

Les dégâts de ces attaques sont facilement identifiables, par l’apparition d’un trou circulaire de quelques millimètres. A l’intérieur de la gousse on constate alors, des graines totalement ou partiellement dévorées.

En 2004 et 2005, des essais d’efficacité insecticide avaient été conduits dans le Lot-et-Garonne. Aucune des solutions testées à l’époque parmi lesquelles : BT (Bacillus Truringiensis) ; Deltaméthrine ; Spinosad ; Indoxacarbe ou encore Methomyl (Lannate) n’avait permis une réduction significative de l’attaque malgré 5 applications.

Il est toutefois recommandé de labourer les parcelles touchées afin de limiter la propagation des futures générations adultes.

Recrudescence de punaises

Nombreuses sont les parcelles présentant une proportion importante de grains ridés. C’est la conséquence d’attaques particulièrement fortes de punaises. En 2023, les attaques de punaises se caractérisent par des arrivées précoces, parfois dès la fin juin, et des pullulations inédites. Tandis qu’habituellement, les arrivées tardives, au-delà de la mi-août n’entrainent guerre de dégâts autre qu’une légère dégradation de la qualité visuelle, problématique en alimentation humaine, cette année les arrivées précoces ont impacté le remplissage. 

Dans de nombreuses de situations, des interventions dès début août, voir même en juillet pour les plus précoces, se justifiaient par l’atteinte du seuil de nuisibilité.Une image contenant haricot, légume, plein air, plante

Description générée automatiquement

Les références historiques en matière de protection insecticides font état de bonnes efficacités de la lambda-cyhalothrine. Pourtant, plusieurs retours cette année, indiquent une efficacité aléatoire, jusqu’à même une absence d’efficacité. Il est à noter que dans un certain nombre de ces situations, les interventions ont eu lieu tardivement, sur des pressions déjà très importantes (plusieurs punaises par plantes sur au moins 80% des plantes).

Quelle nuisibilité pour la punaise ?

La réponse à cette question fréquemment posée en cette fin de campagne, est assez incertaine. Elle dépend fortement de la concordance entre la date d’arrivée des insectes et le stade de la culture. On note d’ailleurs, dans un même secteur une moindre sévérité d’attaque sur les variétés les plus précoces. Néanmoins, les travaux passés semblent définir un niveau de perte de 10% de rendement à partir de 3-4 individus/m linéaire entre les stades R6 et R7. 

Or cette année, avec une pression autrement plus importante, des pertes supérieures à 20% semblent avoir été atteintes. Par ailleurs, la cumulation des facteurs : punaises + arrêt prématuré du remplissage, amplifie le phénomène et ne permet pas de dissocier l’impact de chacun des facteurs.

Votre contact régional 

Quentin Lambert (q.lambert@terresinovia.fr) – Ouest Occitanie

Auteur de l’article : Rédaction Tup 31