Ravageurs sous haute surveillance

Publié le 9 décembre 2015

Sylvie Nicolier est ingénieure régionale Arvalis – Institut du Végétal. En charge du maïs sur la région, c’est en toute logique qu’elle s’est vue confier, par la Chambre Régionale d’agriculture de Midi-Pyrénées (CRA MP), l’édition du Bulletin de Santé du Végétal  « Grandes Cultures » dédié à cette production. Depuis la campagne 2010, Sylvie Nicolier anime donc le réseau d’experts chargés de collecter les données sur les ravageurs aériens du maïs consommation (grain et fourrage). Un travail qui nécessite une organisation minutieuse. Il faut en effet coordonner, traiter et exploiter le travail de relevé d’une bonne trentaine de personnes dans toute la région.

ILS ONT DIT…

Jean-Luc Englezio – Responsable technique Vivadour, piégeur et membre du Comité de rédaction

«L’œil de la profession»

«Le BSV Maïs est une vision de la situation des cultures à un instant T, par des professionnels. Prenant la suite des «Avertissements agricoles», cet état des lieux se fait indépendamment de toute logique commerciale. Il n’y a donc pas d’ambigüité dans l’évaluation des risques Ravageurs.»

Olivier Micos – Technicien Chambre d’Agriculture des Hautes-Pyrénées et animateur Réseau DEPHY 65

«Un outil pour garder la chrysomèle du maïs sous contrôle»

«Depuis juillet 2014, un nouvel insecte a été ajouté à la liste de suivi du réseau BSV Maïs. Diabrotica, ou la chrysomèle du maïs, vient en effet de sortir du statut de quarantaine. Cela signifie que son suivi, auparavant effectué au niveau national par des organismes spécifiques, devient du ressort du Bulletin de Santé du Végétal, qui a donc mis en place un protocole de suivi au niveau régional. La Chambre d’Agriculture 65 s’est fortement investie dans la surveillance de ce parasite sur la campagne 2015. Si aucun insecte n’a été trouvé en Midi-Pyrénées, la vigilance doit rester de mise puisqu’un individu a été piégé dans les Pyrénées-Atlantiques.»

Alain Duphil – Agriculteur à Cintegabelle

«Une source d’informations complémentaire»

«Je suis abonné aux BSV des cultures que je mène sur mon exploitation. Les avertissements sur les pics de vol, et surtout sur les seuils de population, sont intéressants. Il m’est arrivé de renoncer ou retarder un traitement qui ne se justifiait pas au regard du risque d’attaque ou de maladie. C’est un outil d’information neutre, qui me permet de comparer avec les éléments que je reçois de ma coopérative ou de mes fournisseurs de produits phytosanitaires.»

Piégeage à grande échelle

Le réseau de surveillance du BSV Maïs repose en grande partie sur 50 pièges à insectes, répartis sur l’ensemble du territoire régional. « Cela fait beaucoup à gérer mais il peut y avoir 10 jours d’écart pour un pic de vol d’un insecte donné, entre la limite de l’Aude et l’ouest du Gers », explique Sylvie Nicolier. « Si nous voulons être le plus précis possible partout sur tout le territoire que nous surveillons, il ne peut y en avoir moins. » Ces pièges sont de deux types : à phéromones, très spécifiques à un type de ravageurs, ou lumineux, qui capturent tous les insectes d’une zone donnée. Ils sont relevés tout au long de la période « critique » de la campagne de maïs, de mai à début septembre. Deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, les membres du réseau vont donc relever les pièges et transmettent, par mail ou sms, le comptage relevé chez eux. Ces « piégeurs » sont des techniciens d’organismes partenaires du réseau BSV (Arvalis, Chambres d’Agriculture, coopératives, négoces…) ou des agriculteurs locaux. « Les enjeux sanitaires pour la culture du maïs en Midi-Pyrénées se situent clairement au niveau de la maîtrise des ravageurs », précise Sylvie Nicolier. « En effet, la prévention contre les maladies se fait en premier lieu par le choix variétal. »

Pour affiner ses estimations, le réseau bénéficie aussi du partenariat de la FREDON*, qui dispose d’un élevage d’insectes. Pour chaque espèce, elle observe le démarrage et les pics de vols. Enfin, deux modèles de prévision des pics de vol (pyrales et sésamies), s’ajustant sur des données de Météo-France, complètent le portefeuille des outils d’aide pour la rédaction du BSV.

Aide à la préconisation

Dès réception des informations des piégeurs, un technicien d’Arvalis met en forme les vols de ravageurs repérés. Entre le lundi soir et le mardi après-midi, Sylvie Nicolier ébauche alors une maquette de bulletin. C’est le mercredi matin qu’a lieu le Comité de rédaction. Réunis au téléphone, chacun des membres fait remonter les dernières informations recueillies autour d’eux. « Les techniciens et agriculteurs ne se contentent pas de faire uniquement les relevés », insiste la responsable. « La plupart passent leur temps dans les parcelles. Leurs observations nous servent souvent à compléter nos données, notamment sur des ravageurs pour lesquels nous n’avons pas de suivi spécifique. De même, notre travail commence à être bien connu dans le monde professionnel. Si un agriculteur ou un technicien constate un évènement qu’il estime important, il sait généralement comment nous en informer. »

À l’aide de tous les éléments disponibles, le comité évalue alors le potentiel des risques d’attaques de ravageurs. « La rédaction de cet état des lieux est la partie la plus délicate », souligne Sylvie Nicolier. « Nous devons, en effet, peser chaque mot. Je rappelle que le BSV ne dresse qu’un état des lieux de l’évolution des populations de ravageurs et du risque qu’ils représentent. Il nous est interdit d’émettre une quelconque préconisation de traitement ou de non-traitement. Celle-ci est du ressort des techniciens des organismes de conseil, qui s’appuieront sur notre bulletin pour en déduire la marche à suivre. Nous devons donc être le plus précis et objectif possible, pour qu’il n’y ait pas d’interprétations erronées, par les utilisateurs finaux du BSV, des données que nous leur fournissons. C’est pourquoi il nous arrive parfois de nous battre pour une virgule, dans le texte définitif. »

Une fois le bulletin rédigé, Sylvie Nicolier le transmet à la Chambre Régionale d’Agriculture pour diffusion. En tant que directeur de publication, la CRA MP compile tous les BSV de chaque culture céréalière et oléo-protéagineuse et se charge de les adresser par mail à tous les abonnés, le jeudi matin. Elle les met également à disposition sur son site internet, ainsi que sur celui de la DRAAF Midi-Pyrénées.

Et le lundi suivant, on recommence… « Le rythme est soutenu », reconnaît Sylvie Nicolier. « Mais le résultat est là. Depuis sa création, il ne nous est jamais arrivé d’être surpris par une attaque de ravageurs que nous n’aurions pas vue venir. L’organisation du réseau BSV et l’aide ponctuelle de techniciens ou agriculteurs qui ont su nous alerter ont permis d’être suffisamment réactifs pour avertir les professionnels à temps. » Sur ces mots, elle replonge dans ses notes. Les membres du Comité de rédaction ne vont pas tarder à appeler pour rédiger l’ultime BSV de l’année, celui qui dresse le bilan de la campagne écoulée. Même hors période, il reste encore du travail à faire. Sylvie Nicolier a d’ailleurs un suppléant à Arvalis, prêt à la remplacer au pied levé si elle venait à être absente. L’imprévu n’a décidément pas sa place au sein de l’organisation du BSV…

Bientôt un suivi Maïs Semences spécifique ?
En 2015, le réseau BSV Maïs a mené un essai pilote de suivi sur la production de semences, filière importante pour l’économie agricole de notre région. Si des pièges à insectes sont déjà positionnés sur des parcelles de multiplication de semences, ce suivi spécifique va au-delà de l’observation des ravageurs aériens, en se penchant sur l’apparition de maladies au niveau des lignées.
« C’est un autre type de surveillance, qui nécessite un réseau d’observation supplémentaire », explique Sylvie Nicolier. « Cet essai va donc pouvoir nous permettre d’évaluer le dispositif opérationnel qui serait nécessaire à l’élaboration d’un BSV Maïs Semences. Nous le soumettrons ensuite pour avis aux partenaires du comité régional Surveillance Biologique du Territoire. »
Le saviez-vous ?
Le travail réalisé par les équipes des différents BSV constitue une mission confiée par l’Etat afin de remplacer les anciens « Avertissements agricoles », réalisés par les services du ministère de l’agriculture et qui intégraient des préconisations d’interventions. Des subventions sont octroyées pour prendre en charge les coûts d’élaboration et de diffusion des BSV. Ces fonds proviennent de la taxe sur la vente des produits phytosanitaires, collectée par les Agences de l’eau.

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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