Un financeur solidaire pour l’emploi

Publié le 16 octobre 2013

Peu connue dans le monde agricole, Midi-Pyrénées Actives est une association qui a pour but d’accompagner financièrement des projets créateurs d’emplois en Midi-Pyrénées, en portant une attention particulière à l’emploi des personnes en difficulté.

Financer une économie responsable et créatrice d’emplois

France Active a été créée en 1988, sous l’égide de la Fondation de France, par la Caisse des Dépôts et Consignations, l’Agence nationale pour la création d’entreprises, le Crédit Coopératif, la Fondation MACIF et des organisations caritatives. Cette association a pour vocation de lutter pour l’insertion par l’économique. C’est en 2004 que naitra Midi-Pyrénées Actives, sa déclinaison régionale. Ce fonds territorial* apporte donc un soutien technique et financier aux projets créateurs d’emplois, avec une dimension d’utilité sociale et viables économiquement. « Techniquement, on est des financeurs », explique Jean-Éric Florin, son directeur. « Mais notre cœur de métier est de collecter des ressources pour les investir dans des projets que nous sélectionnons selon nos critères. Nous intervenons pour accompagner des créateurs d’entreprise qui n’ont pu, pour des raisons X ou Y, accéder au crédit bancaire classique, mais dont nous estimons les projets dignes d’être soutenus. » Pour ce faire, Midi-Pyrénées Actives dispose de solutions de financement et d’accompagnement, comme la garantie bancaire, des apports en fonds propres ou encore des prêts d’honneur.

Jean-Éric Florin
Jean-Éric Florin

Savoir faire confiance

« Contrairement à un établissement bancaire, nous avons davantage de temps qu’un conseiller de banque pour étudier un projet atypique », poursuit Jean-Éric Florin. « Il nous arrive d’ailleurs d’être contactés par nos partenaires bancaires** pour nous demander de nous pencher sur une création d’entreprise qui ne « rentre pas dans les cases ». Nous réalisons alors une expertise de ce projet, avant de décider s’il y a lieu ou non de le valider et de l’accompagner. » La spécificité de Midi-Pyrénées Actives – et ce qui lui donne sa crédibilité – est que l’association s’engage financièrement dans les projets qu’elle sélectionne. Que ce soit en se portant caution ou en accordant des prêts, elle engage sa responsabilité au même titre que les établissements bancaires. « Nous ne sommes pas que des conseilleurs », ajoute le directeur. « Notre positionnement nous permet donc de discuter avec les banques mais aussi avec le porteur de projet, pour lui dire ce qu’il faudrait changer au projet pour être viable. Nous avons le même rôle qu’un conseiller bancaire, mais avec le luxe de pouvoir faire confiance… »

Plus de 6.400 emplois créés

En 8 ans d’activités, Midi Pyrénées Actives a participé au financement de plus de 1.300 projets et a contribué à la création et/ou à la consolidation de plus de 6.400 emplois, dont 1.226 en 2012. Elle aura mis en place 24 M€ de concours financiers dont 15 M€ de garanties bancaires et 9 M€ d’apports de fonds propres. « L’intervention financière de Midi-Pyrénées Actives crée un effet levier auprès des banques ou des fondations », précise Jean-Éric Florin. « Ainsi, les plans de financements où nous nous sommes impliqués représentent au total 88 M€ d’investissements en Midi-Pyrénées. Il est enfin important de rappeler que 83% des projets financés par Midi-Pyrénées Actives passent le cap des 5 ans. »

Depuis 2012, Midi-Pyrénées Actives a étendu, avec le Conseil Régional, son activité aux installations en agriculture, notamment autour de la garantie bancaire. En accord avec sa philosophie, cet appui s’adresse aux personnes sans emploi et en situation de précarité. « Nous ne nous substituons pas aux banques », insiste Jean-Éric Florin. « Nous pouvons garantir des emprunts jusqu’à 30.000 €, ce qui permet de discuter avec les banques sur des projets qui vont jusqu’à 60.000 €. Mais nous intervenons là où les banquiers ont du mal à aller, comme le financement de stock, de cheptel, de trésorerie de démarrage, etc. Nous travaillons donc en priorité, avec le porteur de projet, sur son plan de financement. La partie technique des projets agricoles est laissée aux organismes partenaires, comme la Chambre d’Agriculture, qui sont mieux qualifiés que nous. »

Propos recueillis par S.G.

* Ses fondateurs sont la Région Midi-Pyrénées, la Caisse des Dépôts, la Caisse d’Épargne de Midi Pyrénées, France Actives et la Fondation MACIF. Son action est également soutenue par l’État, les collectivités locales et territoriales comme la Communauté urbaine Toulouse Métropole, le Conseil général de l’Aveyron et de la Haute-Garonne, le Fonds Social Européen et plusieurs banques, mais aussi par l’ensemble des investisseurs institutionnels et privés qui orientent leurs placements vers des fonds solidaires (épargne salariale…).
** Caisse d’Épargne, Crédit Agricole, LCL, Crédit Coopératif, Crédit Mutuel, etc.

Témoignage

Midi-Pyrénées Actives met un projet atypique sur les rails

À 31 ans, Natacha Vangehuchten est en train de réaliser un projet qui lui tient à cœur depuis 2005. Sur une surface d’1 ha à Lautignac (canton de Rieumes), elle démarre tout juste une production bio en maraîchage, plantes aromatiques et plantes médicinales. Après un parcours long mais riche d’enseignements…

Une véritable vocation

Passionnée depuis toujours par la terre, Natacha Vangehuchten arrive à Lautignac en 2005, quand son compagnon de l’époque hérite d’une parcelle de 10 ha de sa mère. Tous deux aimeraient développer une exploitation et une habitation fonctionnant en autonomie. Mais leur séparation viendra différer ce projet. Qu’à cela ne tienne, Natacha veut poursuivre dans cette voie et sa route croise alors celle d’un maraîcher bio chez qui elle va travailler pendant plusieurs mois. « Il m’a appris énormément de choses et m’a convaincue que ce métier était fait pour moi », souligne-t-elle. « J’ai ainsi pu étudier des aspects aussi variés que les variations de rendements en fonction des techniques utilisées, les rotations de cultures et même les meilleures postures à adopter pour ne pas « s’user » trop vite dans un métier physiquement éprouvant. » C’est au Pays Basque qu’elle achèvera sa formation, en suivant un BPREA* Agriculture Bio à Hasparren pendant 2 ans, et qu’elle affinera son projet. Car l’implantation à Lautignac reste à l’ordre du jour. Son ex-compagnon, avec qui elle a gardé d’excellentes relations, lui propose en effet de lui louer la surface nécessaire à son installation. Natacha se lance alors dans les productions maraichères de saison, ainsi que d’une quinzaine de variétés de plantes aromatiques et médicinales. La commercialisation se fait en direct et localement, sur les marchés de Samatan et Savères.

Un partenaire réactif

Natacha Vangehuchten prend contact en mars 2013 avec Jean-François Caux, conseiller Chambre d’Agriculture pour le canton de Rieumes. « Le diplôme du BPREA me permettait d’avoir droit aux aides DJA », poursuit-elle. « Mais cela ne suffisait bien sûr pas à couvrir le montant des investissements prévus pour me lancer. Je n’ai pas pu être aidée par le Conseil Régional car les enveloppes étaient consommées. J’ai tout de même pu percevoir une petite aide du Conseil Général pour l’achat de serres. Mais un emprunt était inévitable pour financer mon projet. C’est alors que Jean-François Caux m’a parlé de Midi-Pyrénées Actives et me les a présentés lors du stage collectif 28 heures. » Rendez-vous est alors pris avec Hélène Séguier, chargée de mission de l’organisme, qui suit les projets liés à l’agriculture. Après une 1ère visite et une étude de faisabilité du projet, Midi-Pyrénées Actives décide de soutenir la jeune femme et se porte alors caution à 80% de son prêt, d’un montant de 30.000 €. « Même si mes parents étaient d’accord pour se porter caution, j’étais gênée de faire appel à eux », précise-t-elle. « Sans compter que l’appui de Midi-Pyrénées Actives était un sérieux atout, en termes de crédibilité de ma démarche, auprès des banques. » Une fois la procédure lancée, c’est Midi-Pyrénées Actives qui s’est chargée de toutes les démarches (montage du dossier de financement, présentation aux établissements bancaires, lien avec la Chambre d’Agriculture…). Pour un prêt de 30 000 €, l’organisme lui demandera une commission d’engagement de 340 € pour assurer la couverture mutualisée du risque financier. Si Natacha ne peut que se féliciter de la rapidité et l’efficacité avec lesquelles Midi-Pyrénées Actives a traité son dossier, il n’en fut pas de même pour le démarrage de son activité.

« Avoir la foi »

C’est le moins qu’on puisse dire à la vue des mois qui ont suivi l’obtention du prêt grâce à Midi-Pyrénées Actives. « Tout est allé très vite avec Midi-Pyrénées Actives », explique Natacha Vangehuchten. « Contactés en mai par téléphone, j’ai ensuite rencontré 2 fois la conseillère et le financement était bouclé fin juin. Le hic, c’est qu’on arrivait au début des congés d’été et là, je me suis retrouvée toute seule. Tous les organismes financiers ou administratifs étaient injoignables. Par exemple, les fonds de mon prêt accordé fin juin ont été débloqués fin septembre… » Avec la météo déplorable du début d’été, sans argent et donc sans matériel, elle ne peut pas se lancer aussi vite qu’elle le voudrait et démarre donc avec les moyens du bord. Elle fera tout ce qu’elle peut à la main (création des buttes, désherbage, etc.), ce qui lui vaudra d’ailleurs une belle insolation, doublée d’une sérieuse déshydratation fin août. Mais il en faut plus pour l’arrêter. D’autant plus qu’elle recevra des soutiens de la part de son ancien compagnon qui lui prête un motoculteur, d’Alain Bouchard, le Maire de Lautignac qui l’encourage, mais aussi d’autres agriculteurs des environs. « Même s’ils m’ont avoué qu’ils n’oseraient pas se lancer dans ce genre d’aventure, ils ne m’ont jamais regardée comme une folle », sourit-elle. « J’ai eu, au contraire, pas mal de coups de main. Un est venu faire les foins, un autre m’a aidée pour le travail du sol, bref, j’ai eu un très bon accueil, malgré mon profil plutôt atypique. »

Natacha reconnaît qu’il faut avoir la foi pour débuter dans ce type d’activité mais au vu des premiers contacts très encourageants sur les marchés, elle est confiante dans son avenir. Disposant de la mention Nature et Progrès et de la certification AB, elle est persuadée de pouvoir percer et se créer les débouchés suffisants pour vivre de son exploitation. Elle attendait l’arrivée de son matériel pour la semaine suivante. Avec entre autres un tracteur, un motoculteur et les fonds pour construire ses 3 serres (2 de 400 m² pour les cultures et une de 120 m² pour le rangement), il est sûr que les choses devraient s’améliorer rapidement. La jeune femme a de la volonté à revendre et pas mal d’idées à explorer (transformation en soupes, purées ou caviars de légumes, tisanes, etc.). Sur le plan technique, elle voudrait arriver à travailler en non-labour mais admet ne pas s’y connaître assez pour le moment. « Je ferai mes expériences petit à petit », conclut-elle. « Chaque chose en son temps, je dois d’abord réussir mon démarrage. Le reste viendra tout seul. » C’est tout le bien qu’on lui souhaite…

* Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole

Auteur de l’article : Sébastien Garcia