Un abattoir pour ancrer une filière dans son territoire

Publié le 7 septembre 2016

Indissociable du concours de bovins de boucherie du Comminges, l’abattoir de Saint-Gaudens héberge la manifestation depuis sa 2ème édition, en 2010 (la 1ère ayant eu lieu dans l’enceinte du salon des Pyrénéennes). Mais l’établissement va bien au-delà et s’est inscrit comme l’un des principaux partenaires de l’évènement. Une politique due en grande partie à son directeur, .

L’esprit « filière »

« Je me suis toujours refusé à rester dans mon abattoir à attendre que les choses bougent », déclare d’emblée l’homme qui pilote l’abattoir depuis 16 ans. « Le monde de la viande est interdépendant, de la production à la distribution, en passant par les outils d’abattage. Sans éleveurs, nous n’existons pas. Mais sans abattoirs de proximité, l’élevage est en danger. Je me suis donc très tôt intéressé aux différentes filières et aux moyens de les accompagner. » C’est ce même souci d’avoir une approche globale qui le conduira à prendre la présidence de la FNEAP* en 2007 et, depuis 4 ans, d’Interbev Midi-Pyrénées, l’interprofession de la filière Bétail et Viande. De ces fonctions, il acquiert la certitude qu’il y a toujours un énorme potentiel de développement de l’élevage allaitant dans le Sud-Ouest.

« Le grand Toulouse, par exemple, est entouré de nombreux abattoirs, privés ou publics », explique-t-il. « La région compte aussi d’autres agglomérations d’importance. Pourtant, elle importe beaucoup de viande de l’extérieur de son territoire, en France ou à l’étranger. Prenez la filière Boucherie traditionnelle, qui regroupe aussi les rayons boucheries des grandes surfaces. Cela pourrait sembler être une niche commerciale, à côté de la restauration collective. Elle pourrait pourtant faire vivre beaucoup plus d’éleveurs que nous n’en comptons, tellement la demande est importante. Le marché est là. Il faut savoir le capter, saisir les opportunités et séduire le consommateur. » Pour ce faire, Éric Barnay ne voit pas 36 solutions. Il faut savoir évoluer ensemble et communiquer largement.

Le salut par l’engraissement

Pour l’évolution, l’abattoir de St Gaudens n’est pas en reste. Après avoir traité de gros volumes de porcs (400 par jour) jusque dans les années 90, l’établissement s’est successivement  spécialisé dans la vache laitière de réforme, avec 120 animaux/semaine, puis comme fournisseur de Leader Price (100 bêtes par semaine). C’est en 2010 que l’abattoir réalise le potentiel de la région en viande bovine de qualité et se spécialise, dans le même temps, dans les veaux gras (300 veaux par semaine). Aujourd’hui, avec 10.000 bovins finis par an, qui sont redistribués à 95% sur la boucherie régionale, St Gaudens  est devenu un abattoir de poids sur ce créneau. Mais tous les animaux ne viennent pas des environs, loin de là. C’est pourquoi, quand la Chambre d’Agriculture et les ACVA du Comminges approchent Éric Barnay pour parler promotion de l’engraissement, ce dernier n’hésite pas. « Dans une région très orientée sur le broutard, il fallait absolument communiquer sur les atouts d’une filière d’engraissement des bovins », poursuit le directeur. « Le concept du concours de bovins de boucherie présentait tous les avantages : montrer les débouchés possibles aux éleveurs, promouvoir largement le savoir-faire de ce territoire auprès des bouchers et professionnels de la distribution et, pour ma part, rapprocher les éleveurs de cet outil trop méconnu qu’est un abattoir de proximité. » Le coup d’essai de 2009 dépassera les espérances des organisateurs. L’année suivante, Éric Barnay propose à la Chambre d’Agriculture de mettre à disposition l’ancien foirail, tout récemment acquis par l’abattoir. Le début d’une belle collaboration…

Proximité = qualité

Après 7 éditions, on peut affirmer sans risque que le bœuf gras du Comminges a trouvé sa place dans la filière Viande. Le concours a obtenu la reconnaissance en étant inscrit au registre de la Fédération Nationale des Concours d’Animaux de Boucherie et sa renommée de dépasse maintenant les frontières régionales. Mais c’est à un niveau plus subtil qu’on note les changements liés à cet évènement. « Ce concours a changé profondément les relations entre les éleveurs et l’abattoir », estime Éric Barnay. « Dès le début, nous avons proposé d’abattre sur place les veaux primés, le jour même du concours, et de permettre à leurs propriétaires de voir les carcasses en bout de chaîne. C’était inédit sur un concours, mais l’initiative a plu. De plus en plus d’éleveurs viennent, chaque année, voir comment se passe l’abattage. Auparavant, le personnel et moi-même croisions à l’occasion les propriétaires des animaux qui passent chez nous. Aujourd’hui, nous nous côtoyons. Et cela change tout. »

D’avoir accompagné l’émergence d’une filière d’engraissement locale et ouvert ses portes aux éleveurs a ainsi permis à l’abattoir de St Gaudens d’instaurer de nouvelles relations entre deux mondes qui s’ignoraient trop. Les visites des locaux, même hors période de concours, se multiplient et les éleveurs de bovins finis prennent désormais l’habitude de venir voir le résultat final de leur travail. « Avoir un outil à proximité permet d’éviter un trop long déplacement aux animaux, mais c’est aussi un gage de qualité », ajoute Éric Barnay. « En nous voyant travailler, les éleveurs comprennent mieux notre métier et ses contraintes. Depuis, nous avons constaté une hausse de la qualité des animaux qui arrivent chez nous. La maîtrise d’une filière passe par une sensibilisation de tous ses acteurs et l’instauration d’une confiance réciproque. De notre coté, nous nous devons d’être irréprochables dans notre façon de travailler. La qualité est donc plus que jamais notre priorité. »

Un engagement et une transparence que l’abattoir mettra particulièrement en avant ce 15 septembre 2016. Laetitia Brunet, responsable qualité, et Yves Laouat, chef de chaîne, seront à pied d’œuvre toute la journée pour coordonner les mouvements d’animaux, faire visiter les locaux et répondre aux questions des visiteurs. À l’occasion de la mise à l’honneur de la Gasconne, une vache de cette race a été abattue pour être servie au petit-déjeuner des éleveurs, ainsi qu’au repas du midi. Elle sera préparée dans la salle de découpe de l’abattoir, une heure avant dégustation. « C’est notre contribution pour garder le côté convivial de cette journée, sans rentrer dans une organisation lourde type foire agricole », conclut Éric Barnay. « Préserver une bonne entente entre tous fait aussi partie de l’idée que je me fais d’une filière performante. »

* Fédération Nationale des Exploitants d’Abattoirs Prestataires de service

Auteur de l’article : Sébastien Garcia

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