Ravageurs du soja : quelles stratégies face aux attaques multiples ? Focus sur les résultats des essais 2024

Arnaud Micheneau – Laurent Ruck – Terres Inovia

Depuis trois campagnes, la culture de soja est confrontée à un complexe de ravageurs regroupant quatre espèces majeures : la pyrale du haricot, la punaise verte, la punaise diabolique et l’héliothis. Depuis 2022, les dégâts observés sont très variables d’une année à l’autre, tant par leur nature que par leur intensité — avec un pic d’impact en 2023.

En 2025, Terres Inovia, avec le soutien de son réseau de partenaires, poursuit ses actions pour mieux comprendre ces pressions et identifier des leviers de gestion efficaces. Le réseau de piégeage dédié au soja est en cours de déploiement, et les premières captures sont en cours. Pour rester informés, pensez à consulter régulièrement le BSV de votre région.

 En attendant, nous vous partageons dans cet article les premiers résultats des essais menés cette année : pistes de gestion, observations terrain et enseignements à suivre de près pour anticiper les prochaines campagnes.

Héliothis ou Helicoverpa armigera : le fait marquant de 2024

Alors que les punaises et pyrales, pourtant redoutées, se sont montrées plus discrètes en 2024, les héliothis ont été particulièrement présents et dans certains cas nuisibles. 

Un essai réalisé au nord d’Agen, a permis de renforcer les résultats déjà observés ces dernières années sur d’autres cultures, notamment en pois chiche. Tout d’abord, il est à souligner la perte d’efficacité de la lambda-cyhalothrine, homologuée en soja contre la punaise verte mais qui ne bénéficie pas d’un usage contre Héliothis. La résistance des populations d’héliothis à cette molécule semble généralisée et un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes comme la lambda-cyhalothrine ne permettra pas de gérer les populations d’héliothis. 

Parmi les solutions autorisées testées, les seules présentant une efficacité aujourd’hui sont les solutions à base de Bacillus thuringiensis ou Bt (Dipel DF testé dans cet essai, ou Costar WG, XenTari) ou à base de virus comme Helicovex. Les travaux de l’UNILET en haricot (communication à la conférence CIRAA 2024 de Végéphyl) ne montrent pas de différences notables entre les Bt et Hélicovex dans les essais avec plus de 10% des gousses de haricot attaquées (efficacité respective de 58 et 51%).

Dans l’essai conduit par la station d’Agen, le Coragen (à base de chlorantraniliprole) obtient de bons résultats. Terres Inovia met tout en œuvre avec la société FMC pour déposer auprès du ministère une demande de dérogation art53. Dans l’essai, 2 applications ont été réalisées, car l’essai était initialement destiné à la lutte contre la pyrale du haricot mais ce dernier ravageur a été absent sur la parcelle. 

Les attaques rencontrées en aout 2024 soulignent en effet l’importance du positionnement avec une intervention rapide après les premières arrivées sur la parcelle. De manière générale l’intervention doit être d’autant plus rapide que les solutions à base de Bt ou de virus sont efficaces sur les premiers stades. Un réseau de suivi des vols permettra de mieux positionner les interventions et de les renouveler. En effet, avec les Bt et Helicovex plusieurs interventions sont nécessaires ; selon les conditions météo, il est recommandé de renouveler tous les 10-15 jours si l’activité persiste. 

Pyrale du Haricot : une présence bien plus discrète en 2024

La pyrale du haricot particulièrement impactante en 2022 et 2023 sur les zones de production en sec du Lot-et-Garonne notamment, a eu un impact négligeable en 2024 (ponctuellement, des attaques plus sévères ont pu être observées). Plusieurs dispositifs avaient pourtant été mis en place de façon à progresser sur l’identification des moyens de lutte (lutte chimique et lutte par les trichogrammes entre autres).

Responsables des dégâts infligées aux graines, la larve de l’insecte est particulièrement difficile à cibler dans le cadre de la lutte. Très tôt après l’éclosion de l’œuf déposé par les femelles adultes, la larve pénètre dans les gousses de soja, ainsi protégée de toute action de contact avec l’insecticide. De plus, par l’architecture du couvert de soja, il est particulièrement difficile d’atteindre par pulvérisation, les individus présents sur les gousses les plus basses. Les essais mis en place dans le cadre de la lutte insecticide conventionnelle et biocontrôle avaient donc pour but de cibler les adultes à leur arrivée sur les parcelles. Une action complémentaire de cette application sur larves par ingestion lorsqu’elles pénètrent dans les gousses, pouvant également jouer un rôle. 

Sur les 2 essais mis en place en 2024, 1 essai en Haute-Garonne avec des dégâts importants (50% de gousses attaquées dans le témoin non protégé) a permis d’évaluer certaines solutions. Parmi ces solutions d’intérêt la lambda-cyhalothrine autorisée pour 2 applications contre les punaises sur soja (modalité Karaté Zéon appliquée ici 3 fois) a réduit le pourcentage de gousses attaquées à 20% ; avec 2 applications de Coragen de gousses attaquées tombe à 10-15%. Les efficacités obtenues sont donc encourageantes, de l’ordre de 60 à 80%. Pour rappel : le chlorantraniliprole n’est pas homologué en soja mais fera l’objet d’une demande de dérogation par Terres Inovia en 2025. Des résultats complémentaires dans un essai punaise ont confirmé un intérêt de lutter contre l’adulte et de la lambda-cyhalothrine notamment pour des applications sur la deuxième quinzaine d’aout dans le contexte 2024.

La détection du vol, grâce au piégeage est un préalable indispensable au bon positionnement de la lutte, sur lequel, les travaux se poursuivent en 2025. 

Webinaire – Gestion des Ravageurs Soja – Inscription Gratuite

Pour plus de compléments sur les actions concrètes mises en place par l’institut pour étendre la stratégie de lutte contre les ravageurs du soja, nous vous invitons à vous inscrire au webinaire qui sera proposé le 8 juillet sur le sujet. Ce sera l’occasion pour nous de présenter nos connaissances sur la biologie des 3 principaux ravageurs, à savoir héliothis, la pyrale du haricot et les punaises, ainsi que les résultats plus détaillés de nos essais 2024, et les perspectives 2025.

Auteur de l’article : Rédaction Tup 31