Prix élevés et fertilisation azotée du colza : raisonner les apports est d’actualité

Arnaud Micheneau et Quentin Lambert – Terres Inovia

Dans un contexte de prix toujours élevés de l’engrais et de la graine de colza, la méthode de raisonnement basée sur la biomasse produite à l’automne est plus que jamais d’actualité.   Cette biomasse permettra d’analyser de près si des réductions de dose d’azote peuvent s’envisager.

L’azote consommé par la plante jusqu’au repos hivernal sera remobilisé par la plante à la reprise

Dans la plupart des situations, le colza trouve dans le sol les ressources nécessaires et suffisantes pour sa croissance et son développement sur la première partie du cycle. L’azote consommé par la plante jusqu’au repos hivernal est stocké en majorité dans les feuilles, les tiges et les racines sera remobilisé par la plante à la reprise vers ses différents organes : tige principale et ramifications, les fleurs puis les siliques et les graines. En fonction de la croissance du colza, des économies d’apports d’azote sont donc possible… La méthode Réglette Azote colza®, basée sur la pesée de la biomasse produite à l’automne permet une évaluation de la dose à apporter à la reprise de végétation.A retenir : 1 kg de biomasse aérienne (c’est-à-dire tout ce qui se trouve au-dessus de la surface sol, parfois appelée matière verte aérienne) en sortie d’hiver représente déjà l’équivalent de 65 unités d’azote absorbé par la plante entière (partie aérienne et racines) ; dans le cas d’un colza de 2 kg, ce sont déjà 130 unités d’azote remobilisables par le colza à floraison. En fonction de la biomasse sortie hiver du colza et d’autres paramètres, des écarts de dose sont possibles.

La biomasse : l’indicateur qui permet d’optimiser la fertilisation

La mesure de la biomasse est en effet une donnée d’entrée indispensable pour utiliser l’outil Réglette Azote colza® (ou tout autre outil de calcul de dose prévisionnelle) et évaluer ainsi, la dose d’azote à apporter au colza à partir de la sortie d’hiver. La dose calculée par l’outil s’appuie sur d’autres paramètres et en particulier l’objectif de rendement de la culture dans qu’il convient de déterminer avec justesse (moyenne olympique des 5 dernières campagnes en colza). Les quantités d’azote absorbés à l’automne sont régulièrement très variables d’une situation à une autre, et nécessitent donc d’être évaluées.
Une pesée en sortie hiver est indispensable et si possible deux pesées, en entrée puis en sortie hiver. Une double estimation de la biomasse à l’entrée et à la sortie de l’hiver permet de tenir compte des pertes par le gel de feuilles vertes durant l’hiver. La moitié de la quantité d’azote contenue dans ces feuilles tombées au sol sera ensuite remobilisée au printemps : c’est autant d’azote à apporter en moins ! Si la mesure de début hiver (de fin novembre à mi-décembre) peut faire l’objet d’une impasse étant donné les hivers souvent doux dans la région, et favorables au gain de biomasse, celle de fin hiver est incontournable. Sur gros colzas (au-delà de 1 kg/m²), la double pesée est toutefois à privilégier. Les prélèvements réalisés pour la pesée peuvent par ailleurs être utilisés pour réaliser une analyse Berlèse : méthode pour détecter et dénombrer les larves de grosse altise et d’évaluer ainsi le niveau de risque pour la culture. Cette mesure via Berlèse est à privilégier si historique d’attaque et type de sol ou climat peu favorable à la croissance automnale.

En pratique 
– Estimer au plus proche le poste « Azote absorbé » : pesées directes de biomasse du colza, recours à des outils d’estimation indirecte de type satellites, drones ou piéton. Pas d’approximation visuelle pour ce poste  
– Viser un objectif de rendement raisonnable et réaliste, conforme aux règles de la Directive Nitrate.
1/ Prélever et peser la biomasse aérienne de colza sur 1 m² dans le cas d’un semi au semoir céréales ou bien l’équivalent pour les semis au monograine (1.67 mètre linéaire pour un écartement à 60 cm ou 1.25 mètre linéaire pour un écartement à 80 cm). 2/Reporter les données de pesée dans l’outil Réglette Azote colza® et renseignez les informations demandées, notamment  l’objectif de rendement (moyenne olympique des 5 dernières années).  L’outil calcule alors la dose totale d’azote à apporter sur la parcelle.
L’outil Réglette Azote colza®, labellisé par le COMIFER est disponible gratuitement en version smartphone (à télécharger via le playstore) ou en ligne www.regletteazotecolza.fr

Quand apporter l’azote ?

Les besoins en azote deviennent importants en phase de production de tige puis de silliques. Afin de répondre au mieux à ces besoins, les apports sont à positionner, selon l’état du colza, entre la reprise de végétation et le stade bouton séparé, dans le respect des dates définies dans le cadre de la réglementation pour les zones vulnérables. 

Dans le cas des colzas à faible croissance, et/ou ayant pu marquer des symptômes de faim d’azote à l’automne, un premier apport est à envisager dès la reprise, c’est-à-dire à l’émission de nouvelles feuilles vertes. Attention, bien respecter la réglementation zone vulnérable pour ce premier passage (à partir du 15 janvier, hors sol gelé, etc.)

Pour les colzas poussants, le premier apport ne se justifiera qu’à partir de la montaison (apparition de la tige). L’azote stocké dans les feuilles et le pivot permettront d’assurer la reprise. Voir le tableau, stratégies de fractionnement.   

L’apport de soufre (75 unités recommandée) est à positionner idéalement avec l’azote autour du début montaison. C’est à dire sur le premier apport dans la stratégie à 2 apports, ou bien sur le 2ème apport dans la stratégie à 3 apports.

Dose à apporter (kg/ha)Reprise de végétation (stades C1-C2)Début montaison (stades C2-D1)Boutons accolés (D1-D2)Boutons séparés (stade E)
<100  <100 
100 à 170 60 à 8040 à 90
>17040 à 6050 et +40 à 60
Stratégies de fractionnement optimales en fonction de la dose totale à apporter. 

Dois-je déduire de la quantité d’azote totale, l’azote apporté au semis ? 

L’azote apporté au semis, sous forme minérale (exemple 18-46) est absorbé par la plante au cours de l’automne. Cet azote est donc pris en compte au travers de la pesée réalisée. Par conséquent, l’azote apporté au semis ne doit pas être déduit de la dose à apporter, proposée par la Réglette. 

Concernant les apports de matière organique, la part d’azote directement assimilable par la plante est prise en compte au travers de la pesée de biomasse comme dans le cas précédent. L’azote issu de la minéralisation de l’effluent apporté, sera pris en compte au travers des différents critères à remplir dans l’outil Réglette Azote colza®.

La dose optimale technique est-elle différente de la dose optimale économique ?

Terres Inovia a calculé pour 52 essais « courbe de réponse du rendement à la dose d’azote » la dose d’azote optimale pour le colza dans des contextes variés et représentatifs des bassins de production. L’ammonitrate avait été utilisé dans ces essais. 
Pour chaque essai, il a été calculé : 

  • La dose optimale « économique » : dose de la courbe de réponse à partir de laquelle l’ajout d’une unité d’azote (exprimé en €/ha) ne permet plus de gagner l’équivalent (€/ha) de rendement de graines de colza. 
  • La dose optimale « technique » : dose d’azote fournie par la Réglette Azote Colza® en prenant comme « objectif de rendement » la valeur maximale de rendement atteinte dans chaque essai (il s’agit donc ici d’un rendement réalisé et non pas prévisionnel).

Le tableau 2 indique les résultats moyens d’écart de dose entre « dose optimale économique » et « dose optimale technique fournie par la Réglette Azote Colza® », selon une gamme de couples prix graines (en colonne) / prix de l’azote (en ligne). Les exemples (cases encadrées en rouge) illustrent des situations où la dose optimale économique est plus faible que la dose optimale technique. Pour ces 3 scenarios de prix, il serait ainsi possible d’envisager une réduction de 5, 22 ou 35 U par rapport au conseil fourni par la Réglette Azote Colza®

​​​​​​​Tableau 2 : Écart moyen de dose d’azote entre l’optimum économique et l’optimum technique en fonction du prix du colza et du prix de l’azote (calculs issus de 52 essais courbe de réponse à l’azote Terres Inovia).

Avertissement : les valeurs du tableau correspondent à des médianes calculées à partir de la base de données. Ce sont des valeurs indicatives qui masquent une certaine variabilité, reflet de la réalité de terrain. A noter que les courbes de réponses du rendement à la dose d’azote présentent des variabilités bien plus fortes en colza qu’en céréales par exemple. Les niveaux d’absorption d’azote (poste Pi = Azote absorbé) extrêmement variables en colza expliquent une grande part de la variabilité de ces courbes de réponses.

Pour rappel : Le choix des paramètres de la Réglette Azote Colza® a été réalisé sur la base d’une évaluation multicritères (agronomique, économique et environnementale) mettant les critères économiques en avant. Terres Inovia avait fait le choix de retenir les paramètres permettant de maximiser le résultat économique au-delà d’une situation moyenne dans un contexte ou la variabilité entre essais est non négligeable. A l’époque, le couple de prix était 0,95€/u et 350 €/t de graines de colza.

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Auteur de l’article : Sébastien Garcia