Il faut sauver les laitiers de la disparition

Publié le 18 octobre 2012

Une conférence de presse a été organisée par la FDSEA et JA sur l’exploitation de Dominique Coutal et Sabine Farrera à Blajan (canton de Boulogne), le 15 octobre dernier. Avec une centaine de Prim’Holstein et deux robots de traite, cette exploitation des plus performantes dispose d’un quota de plus d’un million de litres de lait (supérieur à la moyenne départementale et nationale). Mais malgré une productivité exemplaire, l’exploitation de ces deux sœurs n’en est pas moins en difficulté, à l’image de l’ensemble des producteurs laitiers du département.

Douche froide pour les producteurs laitiers

Devant les journalistes et élus locaux présents, Jean Doumeng, administrateur à la FRPL Sud-Ouest, a rappelé les difficultés auxquelles sont confrontés les producteurs laitiers :

  • La hausse des charges, et tout particulièrement le prix des protéines (le prix du soja a doublé en un an, la tonne se négocie à l’heure actuelle à + de 600€) ;
  • La diminution du prix du lait (10% en un an, avec un prix de 280€/ Tonne pour octobre 2012 contre 330€ en octobre 2001 par exemple).

Face à ces distorsions, les laiteries ne respectent pas les accords sur l’indexation du prix du lait. Sodiaal, groupe coopératif, a le premier enfreint ces accords en mettant en place un double prix du lait qui rend les factures incompréhensibles pour les éleveurs et en contestant les chiffres basés sur les indicateurs officiels qui permettent de fixer un prix du lait correct pour les éleveurs. Sodiaal ayant décroché de 5€/T le prix du lait, Lactalis, 1er groupe privé français, n’a pas attendu bien longtemps pour en faire de même et décroché aussi de 5€/T par rapport au prix de référence basé sur les indicateurs officiels. De tels agissements de la part des laiteries sont inadmissibles et fragilisent l’équilibre déjà très précaire des élevages laitiers et de toute la filière. 400 dossiers de cessation d’activité ont déjà été déposés en 2012 sur le Sud-Ouest, alors qu’on ne compte que 5.000 exploitations laitières sur ce bassin (elles étaient 10.000 en 2000).

Jean Doumeng a également alerté l’assistance sur le non-respect des accords du 3 mai 2011 de la part de la grande distribution. Ces accords devaient permettre de répercuter la hausse des coûts de production sur le prix de vente du lait. Les pouvoirs publics (sénateurs, députés…) de Haute-Garonne ont déjà été alertés sur ce sujet. Mais aucune réponse ne nous est parvenue à ce jour et rien ne bouge. Quant au gouvernement, après les discours volontaristes, notamment lors de la venue du ministre Le Foll aux Pyrénéennes, qui a déclaré son soutien à l’élevage et la mise en place d’un plan protéine, le passage à l’acte est décevant et la douche, bien froide :

  • manque d’implication des pouvoirs publics sur le dossier de l’augmentation des charges pour responsabiliser la grande distribution,
  • suppression des mesures fiscales concernant les heures supplémentaires des salariés,
  • suppression de mesures fiscales concernant les remplacements pour congés (suppression pure et simple de l’accès au SRA dans la loi de finances de 2013),
  • abrogation de la taxe sur les dépassements de quotas (TFA), mettant un cout d’arrêt à la politique de maitrise de la production laitière à deux ans de la fin des quotas,
  • renforcement des contraintes administratives notamment en matière d’environnement,
  • alourdissement des contraintes environnementales (augmentation des durées de stockage des effluents avec la Directive Nitrates,…),
  • fin du Plan de Modernisation des Bâtiments d’Élevage,
  • plan protéines : quel plan protéines ?

Jean Doumeng a conclu son intervention en lançant un appel aux pouvoirs publics de prendre des décisions rapidement dans le sens de la filière et des éleveurs, pour permettre à l’élevage laitier de perdurer sur notre territoire.

 

Prix du lait : dernier levier encore actionnable

Yvon Parayre, Président de la FDSEA 31, a tiré la sonnette d’alarme face à cette production menacée. Il a d’ailleurs regretté l’absence notable des pouvoirs publics, un seul conseiller général était présent. En Haute-Garonne, sur les 6.000 exploitations du département, il ne reste que 250 exploitations laitières. Elles sont peu nombreuses mais ont une importance capitale pour les territoires haut-garonnais et le maintien d’une vie économique et sociale dans certains secteurs ruraux et notamment dans le sud du département. Les pouvoirs publics, mais aussi les consommateurs, doivent prendre conscience de cette réalité. « S’il n’y a plus de production laitière, nous boirons demain du lait d’importation dont la traçabilité ne sera nullement garantie », déclarait-il. « Les consommateurs réclament cette traçabilité et recherchent de plus en plus les productions locales. Le lait n’échappe pas à cette tendance. Si les français veulent continuer à boire du lait français, ils doivent prendre conscience que ce lait a un coût et que les coûts de production en France sont élevés plus que dans n’importe quel autre pays. »

Il a également interpellé les personnes présentes sur l’importance des politiques menées par les OPA. Il est inacceptable de voir Sodiaal agir de la sorte quand on sait qu’il s’agit d’un groupe coopératif, rappelant que la coopération a pour principe fondateur de défendre les intérêts des agriculteurs. Aujourd’hui, il est temps de rappeler ce principe fondateur à nos OPA.

Intervenant en tant que représentant de la Chambre d’Agriculture, Joël Dupin a rappelé que cette dernière avait, au cours de la dernière mandature, mis un point d’honneur à augmenter a minima les impôts fonciers. Aussi, un travail important d’accompagnement des éleveurs a été réalisé pour leur permettre d’être plus compétitifs et d’augmenter leur productivité. Aujourd’hui, tous les leviers techniques ont été levés. Le prix est le dernier levier encore actionnable. Même si des équipements permettent aujourd’hui de diminuer l’astreinte de la traite et apportent un réel confort de travail, si le prix du lait n’augmente pas, même les éleveurs les plus performants ne résisteront pas. Quant aux installations, plus aucun jeune ne l’envisagera en production laitière…

Par cette première action, les intervenants ont voulu alerter les pouvoirs publics et faire de la presse un relai de nos revendications. Le marché du lait est très porteur et la demande en perpétuelle augmentation. L’augmentation du prix du lait est donc parfaitement faisable et légitime. Pour autant, les répercussions sur les fiches de paie des éleveurs ne sont pas visibles.

Dans le contexte économique actuel, quelle autre catégorie socioprofessionnelle accepterait de telles diminutions de son revenu ?

Communiqué FDSEA/JA 31

La FNPL défend :

  • Une gestion politique et structurante des volumes au niveau national (éclairage des marchés, connaissance des volumes, solutions pour les laits précaires). Pour le Sud-Ouest, 11 producteurs du nord Gironde sont encore menacés d’arrêt de collecte dès le 1er janvier 2013, pour un volume de 7 millions de litres de lait.
  • Un mécanisme de substitution à la TFA dans un cadre collectif et équitable, Des mesures leur permettant de faire face à la volatilité des prix et des charges y compris par un rééquilibrage des aides PAC en faveur de l’élevage,
  • Une fiscalité adaptée à leurs contraintes d’éleveurs,
  • La suppression de mesures administratives à caractère distorsif (notamment la refonte de la directive nitrates) qui pénalisent l’élevage et ne rendent au final pas service à l’environnement

Auteur de l’article : Sébastien Garcia