« Nourrissons l’avenir »

Publié le 14 décembre 2018

A l’occasion de son assemblée générale vendredi 16 novembre, l’Area Occitanie (Association régionale des entreprises alimentaires) souhaitait comprendre les principaux enjeux alimentaires de demain. Les experts se sont succédés et ont apporté leurs éclairages à plus d’une centaine d’adhérents, étudiants et acteurs du monde agricole et agroalimentaire, réunis à l’École nationale supérieure d’agronomie de Toulouse, à Auzeville-Tolosane.
C’est Nicolas Bricas, titulaire de la chaire Alimentations du monde à l’Unesco, qui a démarré l’après-midi en s’interrogeant sur le thème « Pourquoi sommes-nous dans l’obligation d’imaginer de nouveaux modèles alimentaires  ? ». Il expose que l’industrialisation de l’alimentation a accru les volumes, qui dépassent de 30% nos besoins nutritionnels.

Conséquences positives : même des disparités persistent, le coût de l’alimentation a baissé en même temps que la qualité sanitaire des aliments s’est considérablement améliorée. Malgré tout, l’insécurité alimentaire repart à la hausse. En cause, le changement climatique, qui impose à des populations de migrer ; et l’explosion de la grande pauvreté, dans tous les pays. Revers de la médaille, ce système industriel a conduit à l’épuisement des ressources, l’érosion de la biodiversité, la population et la saturation des milieux. Les problèmes environnementaux se multiplient et la dégradation s’accélère. Face à cette pluralité de problèmes, il estime que le système est appelé à changer fondamentalement. La production locale apparaît comme la réponse du moment. Est-elle pour autant une alternative durable ? L’expert de l’Unesco montre comment la mondialisation a accru la distanciation entre le consommateur et l’alimentation. Cette distanciation est tout aussi bien géographique, économique, cognitive que sociale et politique.

L’écart creusé engendre de l’incertitude, de la culpabilité voire une certaine défiance du consommateur à l’égard de la nourriture. Là où pendant des générations, chacun s’est nourri sans trop réfléchir, sur le même modèle que ses parents et ses grands-parents avant lui. Loin d’être idéal, le consommer local montre aussi ses limites : la distance ne dit rien sur les conditions de production ou la part du transport ; les villes ont toujours été nourries grâce aux échanges avec les cités lointaines ; de plus, localiser correspond à une concentration des risques et peut conduire à un repli sur soi, entre communautés. Dès lors, le consommateur devient consomm’acteur. Il s’informe et par ses choix, participe à différencier l’alimentation de la consommation. Nicolas Bricas conclut en insistant sur le fait que « le consommateur a surtout besoin de retrouver un certain apaisement dans sa relation avec l’alimentation ».

Auteur de l’article : Marie-Laure Chabalier