Publié le 14 mai 2011
Beaucoup de monde dans les parcelles de Marc Laborie, au Ramier à Blagnac, le 14 avril dernier. Il faut dire que la machine qui circulait, ce jour-là, dans les rangs de salades de ce maraîcher, avait de quoi susciter l’intérêt. La bineuse InRow de Garford, tout droit amenée d’Angleterre par son concepteur en personne, a fait sensation, avec son système de désherbage mécanique permettant de travailler entre rangs mais également sur le rang.
2,7 salades à la seconde !
Après avoir été évincé par les désherbants chimiques, le binage mécanique est en train d’effectuer un retour en force. La série de bineuses Garford est conçue pour guider des équipements de culture en lignes, avec précision et à grande vitesse. Le modèle InRow est spécialement adapté aux cultures légumières (laitue, chou-fleur, brocolis…). Le principe ? Une caméra vidéo analyse les cultures qui se trouvent devant la machine. Les plantes sont numérisées une à une, de façon à visualiser leur espacement et les lignes de travail. Ces informations sont transmises en temps réel à la bineuse mécanique qui ajuste la rotation de chacun des disques autour de la plante, avec une précision de 10 mm. « Avec ce système, c’est 95% de la planche qui est efficacement travaillée », précise Richard Dumbrill, dirigeant de la société Novaxi, l’importateur français. « Résultat, la concurrence entre adventices est considérablement réduite, les interventions phytosanitaires aussi, le tout avec un confort de travail inégalable pour l’opérateur. » De fait, avec une bineuse de 6 m de large sur des plantes espacées de 50 cm, une personne seule peut travailler à près de 5 km/h et abattre ainsi 2,8 ha/h. Sur des salades, cette machine peut désherber 2,7 salades à la seconde… Le même principe est appliqué pour le modèle Robocrop, destiné aux plantes sarclées. « Le binage mécanique intéresse de plus en plus de producteurs en grandes cultures », poursuit Richard Dumbrill. « Les producteurs bio étaient nos premiers clients, mais avec l’apparition de résistances à certains produits phytos, les agriculteurs en conventionnel regardent de plus près la Robocrop, notamment pour les betteraves. »
De la théorie à la pratique
Lancée en 2008, la bineuse InRow fait parler d’elle jusque par chez nous. C’est par l’intermédiaire de Marc Costamagna, agriculteur à Saint Sauveur et administrateur Chambre d’Agriculture, qu’un groupe de maraîchers a pu contacter l’importateur et organiser la présentation d’une bineuse 4 rangs, en périphérie toulousaine. Devant une cinquantaine de personnes, Philip Garford a fait la démonstration du potentiel de son outil sur une parcelle de salades. Après chacun de ses passages, maraîchers et techniciens se penchaient sur la planche pour vérifier l’état de la salade et la disparition des adventices. « C’est assez impressionnant », confiait Valérie Ginoux, technicienne maraîchage de la Chambre d’Agriculture 31. « Les planches sont intégralement travaillées et propres. Les socs ont tourné juste autour des plantes et il faut vraiment que les salades soient sous la limite minimum d’espacement pour qu’elles soient abîmées. » Même constats admiratifs pour les maraîchers présents : « Travailler aussi bien, aussi vite et tout seul, c’est un peu magique », remarquait l’un d’eux.
Solution miracle ?
La bineuse InRow serait-elle l’arme ultime contre les mauvaises herbes ? Valérie Ginoux tempérait tout de même l’enthousiasme ambiant. « C’est un outil fantastique », reconnaissait-elle. « Mais son prix de vente reste un handicap ». À près de 70.000 € pour une 4 rangs, c’est pas loin de 10 fois le prix d’une bineuse à brosse. Il est vrai que le cours actuel de la salade n’incite pas à investir dans un matériel aussi onéreux, tout performant qu’il soit même avec l’aide d’une subvention PVE. Même appréciation pour René Martino, un des principaux producteurs de salades, avec Marc Laborie. « À ce prix-là, il faudrait vraiment avoir des gros problèmes de désherbage ou alors acheter ce matériel en commun », estimait-il. « Mais dans ce cas, il faut impérativement que chacun ait la même largeur de rangs. Par exemple, je suis en 5 rangs alors qu’ici c’est du 4 rangs par exemple. Or, passer de l’un à l’autre n’est pas facile, il faut quasiment revoir tout son outil de production. » Mais si le prix fait un peu peur, certains agriculteurs restent convaincus de l’intérêt de ce genre de bineuse. « C’est l’avenir », déclarait l’un d’eux. « La désinfection vapeur était une des meilleures solutions. Mais, à raison de 5 000 l de fioul / ha, cette technique n’est plus rentable. Beaucoup sont donc revenus à la bineuse à brosse mécanique. Ceci dit, pour des jeunes qui auraient plus de temps pour rentabiliser cet investissement, ça vaut le coup d’étudier cette option. »
Plusieurs maraîchers auraient également aimé tester l’InRow sur un terrain très sali, pour voir son comportement en situation délicate. « Le mieux aurait été de pouvoir la louer pendant une saison », avançait un producteur. « Je pense que le bilan aurait été bon mais à 70.000 €, il vaut mieux être sûr de son coup. » Une proposition que l’importateur a entendue. Qui sait, peut-être verra-t-on bientôt une InRow « tourner » dans nos contrées…