Qui sera élu meilleur «vin en boîte» ?

Publié le 11 mai 2015

Nadine Franjus-Adenis et Anne-Marie Estampe peuvent être fières. Les deux œnologues fondatrices de l’association « La Buissonnière du Vin » ont d’ores et déjà remporté leur pari : organiser le premier concours international professionnel autour du vin en boîte. Ce 20 mars dernier, une centaine de jurés s’est retrouvée au Conseil Régional de Midi-Pyrénées, à Toulouse. Ils avaient à élire les meilleurs vins en boîte (ou « Best Wine in Box », comme s’intitulait le concours) après la dégustation, en aveugle, de quelques 250 échantillons, en provenance de 12 pays différents. Un succès qui a surpris jusqu’à ses organisateurs.

Un conditionnement techniquement innovant…

Alors que l’image du BiB© (voir encadré) commence juste à s’améliorer en France, les pays d’Europe du Nord ont, eux, adopté depuis longtemps ce conditionnement résolument moderne. En Suède, par exemple, le vin en boîte représente plus de 60% des volumes vendus en grande surface, contre 35% chez nous. « Ce qui n’est déjà pas si mal », relativise Nadine Franjus-Adenis. « Le chiffre d’affaires du BiB© ne cesse de progresser en France et l’image désuète du cubi, qui n’a rien à voir avec la caisse-outre moderne, tend à s’estomper. » De fait, alors que le cubi n’est qu’un simple contenant… cubique, la technique utilisée pour le BiB© est incroyablement plus évoluée. La poche étanche qui se trouve à l’intérieur de l’emballage carton est composée d’un film multicouche à hautes performances, totalement hermétique à l’oxygène. Grâce à un robinet sans retour d’air, la poche souple se déforme sous l’effet de la gravité quand le contenu est prélevé, tout en préservant le liquide de toute oxydation par l’air. Ce qui permet ainsi au vin de rester frais jusqu’à 6 semaines après ouverture.

Outre ces spécificités, le vin en boîte offre d’autres atouts non négligeables. Son poids, tout d’abord, puisque l’emballage ne représente que 5% du poids total d’un BiB© de 3 litres, contre 35% pour une bouteille en verre de 75 cl. La manutention, le stockage, la conservation du vin en boîte le font apprécier de plus en plus par les restaurateurs et les exportateurs. Pour les viticulteurs, la surface disponible sur un carton est sans commune mesure avec celle d’une classique étiquette de bouteille. Ce qui permet de donner beaucoup plus d’informations sur le vin et de s’autoriser des libertés graphiques et rédactionnelles que n’a pas la bouteille traditionnelle.

Malgré tous ces atouts, le vin en boîte n’a pas le même succès en France que chez nos voisins nordiques. « De gros efforts restent à faire en termes de promotion », estime Nadine Franjus-Adenis. « D’un côté, il faut que les viticulteurs s’emparent de cette opportunité en proposant des vins de haute qualité dans ce conditionnement et en améliorant le design des cartons pour en faire un produit valorisant pour l’acheteur. De l’autre côté, il faut aussi que les interprofessions et l’aval de la filière « éduquent » et guident le consommateur. »

… qu’il reste à faire reconnaître

Pour vaincre la réticence au changement d’un public élevé depuis des générations dans le culte de la bouteille, l’association La Buissonnière du Vin n’a pas cherché à (trop) bousculer les codes. « Un concours international, un jury de professionnels et un macaron doré pour les meilleurs », résume Nadine Franjus-Adenis. « C’est peut-être réducteur, mais ce petit autocollant est ce qui fera la différence lors de l’acte d’achat. Le public a besoin d’être rassuré sur ce qu’il achète et quoi de mieux que cette icône de la culture œnologique ? » Restait à convaincre les professionnels de s’engager. Une inquiétude qui ne durera pas, tant la réponse fut positive. Et rapide. Il s’est déroulé à peine un an entre l’idée initiale du concours et sa tenue. Presque tout s’est déroulé via le site Best-wine-in-box, créé pour l’occasion. Communication, promotion, inscriptions des candidats comme des jurés, l’organisation a pu se mettre en place en un temps record, via internet. L’association a également reçu le soutien du Conseil Régional Midi-Pyrénées, du groupe Smurfit-Kappa, du site Vitisphere.com, de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO) et de l’Université de Toulouse, dont les étudiants en dernière année de Diplôme National d’Œnologue (DNO) étaient étroitement associés au concours.

L'équipe organisatrice peut avoir le sourire...
L’équipe organisatrice peut avoir le sourire…

« Nous avons eu une centaine de candidatures, dont certaines de loin, pour participer à la dégustation », poursuit Nadine Franjus-Adenis. « Nous avons donc pu former des jurys comme nous le souhaitions. » Les organisateurs ont en effet innové dans la composition et le fonctionnement des groupes de juges. Chaque table était présidée par un œnologue, pour garantir une qualité technique irréprochable aux vins médaillés. Il y avait ensuite un professionnel du monde du vin (commercial, viticulteur, etc.), un « œnophile » coutumier des dégustations, un amateur de vin et enfin un étudiant en fin de formation au DNO à Toulouse. Les vins étaient goûtés par catégorie et à l’aveugle, sans distinction de prix ou d’apparence, et notés individuellement selon une grille de notation. Mais contrairement aux usages qui laissent l’appréciation au Président de table, les décisions étaient prises collégialement, après avoir entendu les commentaires de chaque membre. À noter que les vainqueurs, s’ils ont été désignés dès le lendemain*, se verront remettre leurs diplômes au mois de juin prochain à Bordeaux, lors du salon Vinexpo.

C’est donc un moment quasi-historique qu’a connu l’Espace Midi-Pyrénées du Conseil Régional, ce jour-là. Pour Paul Fabre, directeur de l’IVSO, la participation, ainsi que les soutiens à cet évènement, démontrent que le vin en boîte à un avenir des plus prometteurs. « Il était important pour nous d’être là, aujourd’hui, et que cette manifestation ait lieu à Toulouse », déclarait-il. « Nous sommes une grande région viticole, qui va encore gagner en importance avec le rattachement au Languedoc-Roussillon. Prendre part à l’organisation et à la promotion de ce mode de conditionnement est un moyen de marquer le dynamisme et la modernité de la filière viti-vinicole du Sud-Ouest. » Au vu du succès de cette initiative, nul doute que le concours Best Wine in Box connaîtra d’autres éditions. Les organisateurs songent d’ailleurs à faire évoluer le concours en intégrant le design dans les critères de notation. Voilà qui augure d’une compétition haute en couleur…

 

* Retrouvez la liste des médaillés du concours en cliquant ICI

 

Une désignation qui tourne au casse-tête
BiB©, vin en boîte, wine in box, caisse-outre, …, cette boîte cartonnée a bien du mal à se trouver un nom générique. Le seul qui fasse l’unanimité est le BiB©. Oui mais voilà, cette abréviation du « Bag-in-Box » est une marque commerciale déposée, propriété du groupe Smurfit-Kappa. Le nom officiel que voudrait lui donner la France est « outre à vin ». On a déjà fait plus poétique… D’où le casse-tête des organisateurs pour trouver un nom à ce 1er concours de vins en boîte. « Wine-in-box » a été retenu pour rappeler le coté international de la compétition et pour sa ressemblance avec le nom original. Mais à l’instar de ses illustres prédécesseurs (Frigidaire, Scotch, Tupperware, Kevlar, Escalator…), il y a de fortes chances que le BiB© s’installe définitivement dans le langage courant. Restera à demander l’autorisation des propriétaires et ne pas oublier les ©, ™ et autres ® dans les communication écrites. Du moins dans un premier temps…

Le saviez-vous ?
La consommation d’oxygène, lors du processus de mise en poche, « ouvre » le vin. Il n’ya donc pas besoin de le passer en carafe pour l’aérer et peut être bu immédiatement. À condition qu’il soit à température, bien sûr…

Auteur de l’article : Sébastien Garcia