Eu(rê)calyptus !

Publié le 25 octobre 2010

Une fois n’est pas coutume, nous nous lancerons quelques fleurs… C’est par un article paru sur le Trait d’Union Paysan, en 2006, que Bernard Serres a trouvé une solution à son problème de valorisation de foncier. À l’époque, ce pluriactif, jeune retraité de la fonction publique, cherchait un moyen de conserver une partie de ses terres. « Avec mes 25 ha de cultures, je suis un « petit » céréalier », avoue-t-il. « Arrivé à la retraite, j’avais 2 objectifs. D’un côté, je ne voulais pas passer trop de temps dans les champs, pour pouvoir profiter de ma retraite. De l’autre, je voulais conserver mon patrimoine pour pouvoir le transmettre à mes enfants et petits-enfants, sans avoir recours à la mise en fermage. C’est à ce moment que je suis tombé sur un article parlant des taillis à courte rotation. »

Eucalyptaie patrimoniale

Sur les conseils de Thierry Fontenoy, ingénieur forestier de la coopérative COFOGAR, Bernard Serres opte pour la plantation de 5 ha d’eucalyptus. « C’est une essence qui n’a pas de gros besoins », explique ce dernier. « Elle correspondait aux sols relativement pauvres de mes parcelles. Enfin, le fait qu’une seule plantation suffise à assurer trois récoltes dans les 25 prochaines années me convenait parfaitement. » Un choix raisonné à une époque où on parlait encore peu de bois énergie. « Les eucalyptus sont avant tout utilisés pour la fabrication de papier », précise Thierry Fontenoy. « Les fibres de cellulose de cette essence possèdent de très bonnes qualités technologiques. Sans compter l’historique local : l’usine papetière de Saint Gaudens a initié et développé les premières plantations d’eucalyptus dans les années 80. » De fait, c’est avec Tembec que Bernard Serres a signé un contrat de commercialisation pour 10 ans. « L’usine paie 15 € la tonne de matière verte », ajoute-t-il. « Sur 10 ans, j’en produirai entre 200 et 250 T par ha. J’évalue le retour financier à environ 300 €/ha/an. C’est une solution plutôt intéressante, sécurisante et qui me permet de valoriser un patrimoine facilement transmissible, pour un minimum de travail et d’investissements. » La première coupe est prévue pour 2016. Mais les techniciens de COFOGAR peuvent la devancer, en fonction de la croissance des arbres. « Les eucalyptus prennent de 1 à 2 mètres par an, selon les sols », rappelle Thierry Fontenoy. « On les coupe quand ils ont atteint 18/20 mètres. Par la suite, les coupes sont prévues tous les 7 ans. »

Une production simple et aidée

Le gros du travail se fait à l’implantation du taillis à courte rotation (TCR) et sur les 2 à 3 premières années. COFOGAR assure l’assistance technique pour la définition et la réalisation des travaux, l’accès aux aides financières à l’implantation et le suivi cultural. De plus, afin de développer la production de bois-papier et bois-énergie, le Conseil Régional Midi-Pyrénées et l’Europe aident financièrement les plantations de TCR comme l’eucalyptus et le robinier, parfois jusqu’à 65 % des coûts d’installation. « Personnellement, j’ai réalisé la préparation du sol avant la mise en place et l’entretien », témoigne Bernard Serres. « J’ai passé un anti-germinatif sur les lignes, la première année. Puis j’ai donné un coup de cover-crop pendant les 2 premières années, pour diminuer la concurrence hydrique et favoriser la croissance des arbustes. Jusqu’à la 3ème année, j’ai broyé entre les rangs mais depuis, comme je ne passe plus entre les arbres, je me contente de broyer autour des parcelles pour éviter les risques d’incendie. Désormais, je n’ai plus qu’un travail de surveillance. » Pour cette culture, Bernard Serres a bénéficié d’une subvention de 1.900 €/ha et aura dépensé 2.400 € par ha. Il ne compte pas les frais d’entretien qu’il réalise lui-même. D’après Thierry Fontenoy, ce travail peut être confié à un entrepreneur, auquel cas, le coût d’implantation et d’entretien est estimé autour de 3.300 €/ha. « Cela reste une culture peu coûteuse à l’implantation », poursuit-il. « Je vois d’ailleurs de plus en plus de céréaliers qui convertissent les pointes de leurs parcelles en TCR, pour optimiser les manœuvres d’engins ou l’irrigation sur grandes cultures. Avec les DPU dont bénéficient toujours ces pointes, de taille parfois non négligeable, le coût de l’implantation est amorti en 3 ans. »

Bois-énergie, le débouché en plein essor

Des installations de nouvelle génération, écologiques et économiques, chauffent déjà des collèges, des lycées et certains réseaux de chaleur de collectivités de Midi-Pyrénées. Le bois déchiqueté en plaquettes sert de combustible et permet ainsi l’économie d’autant d’énergie fossile (gaz ou fioul). Les produits issus des plantations TCR complèteront dans les années à venir les sources d’approvisionnement existantes. Coopératives et Pouvoirs Publics s’impliquent activement dans le développement de ces plantations, de façon à anticiper la raréfaction prévisible des énergies fossiles. Ce n’est pas par hasard que, sur la région Midi-Pyrénées, le programme de développement de ces cultures prévoit l’implantation de 1500 ha de TCR-papetier et de 500 ha de TCR-énergie d’ici 2013. Cela représente moins de 0.1% de la surface régionale, mais cela permettra de développer significativement les approvisionnements. Ce programme, soutenu par le Conseil Régional, est piloté par Fibre Excellence (nouveau propriétaire de l’usine de Saint Gaudens) et Alliance Forestière (union de 3 coopératives de Midi-Pyrénées, dont COFOGAR).

Auteur de l’article : Sébastien Garcia