La crise de l’ail ne nuit pas à la créativité des producteurs

Publié le 12 septembre 2013

Et de trois ! Depuis sa première participation, en 2010, au concours organisé dans le cadre de la Fête de l’Ail Violet de Cadours, Gilles Cayrel remporte pour la 3ème fois consécutive le 1er prix de la catégorie « Artistique ». Après la Halle, puis l’Église de Cadours, ce producteur de Laréole a de nouveau frappé fort avec une reproduction miniature de la Halle de Cologne (Gers).

Des œuvres inscrites au patrimoine de Cadours ?

Gilles Cayrel le reconnaît volontiers, à chaque fois qu’il se promène, il observe les monuments qu’il croise en se demandant s’il pourrait en réaliser une maquette en ail violet. « J’ai toujours ça dans un coin de ma tête », sourit-il. « C’est pour ça qu’en passant à Cologne, je me suis intéressé à la Halle. J’y suis retourné deux ou trois fois pour la mesurer avec l’aide de mon oncle. C’est lui qui a trouvé une astuce pour y arriver. Il s’est équipé d’une longue canne à pêche et on commencé à relever les cotes comme ça. On a aussi eu de la chance. Il y avait des travaux d’entretien de la Halle et les ouvriers qui y travaillaient nous ont aidés à prendre les mesures de hauteur. » Gilles et sa famille se sont attelés à la tâche en février dernier, en débutant par la charpente de la maquette, entièrement en bois. Puis il a fallu contourner un problème pratique. Avec le retard de culture dû à la météo de cette année, nos artistes n’avaient pas d’ail pour poursuivre l’œuvre. Qu’à cela ne tienne, ils se sont rabattus sur des restes de la dernière campagne pour recouvrir le plateau, le temps que la récolte de l’année soit disponible. « Cela valait le coup d’attendre », poursuit Gilles Cayrel. « Même si on a eu beaucoup de déchets, avec pas mal de têtes éclatées, dans la production de cette année, l’ail de 2013 est très joli, avec une belle couleur violette bien prononcée. » Il aura fallu au total 250 heures de travail pour reproduire cette Halle de Cologne dans ses moindres détails. Une superbe réalisation… qui s’en ira rejoindre les 2 autres maquettes primées au domicile des Cayrel. Car si les œuvres réalisées par les producteurs de Cadours ont pu se vendre à une époque, cela fait maintenant plusieurs années que les maquettes restent chez leurs créateurs. « Ce n’est peut-être pas plus mal », estime Gilles Cayrel. « Ces pièces sont une partie de l’esprit de Cadours et j’aurais l’impression, si on les vendait toutes, qu’on laisse filer notre patrimoine commun. Pour ma part, j’aimerais bien que l’on crée un petit musée de l’Ail Violet dans la commune, qui exposerait toutes ces œuvres. Cela permettrait aux habitants et visiteurs de les admirer plus longtemps qu’une seule journée par an. » Un appel du pied au syndicat de défense de l’Ail Violet ?

Un concours sur fond de crise

Tous les élus présents ont souligné l'importance de la crise qui touche l'ail français.
Tous les élus présents ont souligné l’importance de la crise qui touche l’ail français.

Malgré la qualité des aulx présentés aux diverses catégories de ce traditionnel concours (ail violet et blanc, en tresse ou en vrac, etc.) et le professionnalisme évident des producteurs de Cadours, l’inquiétude pointait tout de même dans les propos échangés lors de l’inauguration de la journée. À cause des importations massives d’ail chinois, c’est tout le marché de l’ail européen qui est menacé par un effet de dominos (cf. TUP 1430). « La situation a évolué depuis la rencontre de concertation du 13 août avec le Secrétaire Général de la Préfecture du Gers », explique Lilian Bernard, Président du syndicat de l’Ail Violet. « Depuis le 20 août, l’ail est officiellement entré en « crise conjoncturelle ». Ceci a pour conséquence d’interdire aux enseignes de grande distribution de pratiquer des prix abusivement bas sur ce produit. Mais les GMS ne sont pas les seuls que nous, producteurs, mettons en cause. » De fait, lors d’une 2ème réunion de travail* à Condom, le 4 septembre dernier, Grégory Kromwell, le sous-préfet du Gers qui la présidait, a présenté un cas concret, relevé dans une enseigne locale par ses services. Factures à l’appui, il indiquait que, pour un prix d’achat au producteur de 1,50 €, les metteurs en marché revendaient le kilo d’ail à 6,50 € à la grande surface, qui le proposait à 8,50 €/kg dans ses rayons… « Avec les autres organisations de producteurs présents, nous avons la justification de ce différentiel de 5 € entre la production et les metteurs en marché », poursuit Lilian Bernard. « Même si les arguments avancés par les uns et les autres sont recevables (main d’œuvre, transport, stockage, marge de 0,40 € pour un ail acheté 1,60 euros, etc.), il y a quand même 2 à 3 €/kg non justifiés, qui se promènent entre les metteurs en marché et la grande distribution. Sans surprise, la discussion s’est terminée sans pouvoir répondre à cette question… »

Seule consolation, une campagne de promotion de l’ail français a été lancée le 5 septembre pour 2 semaines sur les antennes radio et dans les grandes surfaces. Dans le même temps, l’Aniail a demandé une autre interprétation de la notion de modération de marge, dans le cas d’une crise structurelle. Partant du constat que ce n’est pas forcément le prix qui influence l’achat de la ménagère, les producteurs souhaiteraient que les metteurs en marché revendent un peu plus cher à la grande distribution, de façon à revaloriser le prix payé aux producteurs. La réponse se verra facilement. En surveillant les étiquettes…

 

* Étaient présents : les sous-préfets du Gers et du Tarn-et-Garonne, les représentants des DDT du Gers, Tarn-et-Garonne et Haute-Garonne, des élus chambres d’agricultures du Gers et Tarn-et-Garonne, les représentants du syndicat ail blanc, du syndicat de l’ail violet, les metteurs en marché (Royal Saveur, Jardin du Midi, Les Aulx du Sud-Ouest, Alinéa), Mme Pieters pour l’Aniail et des représentants d’enseignes (Carrefour, Leclerc et Auchan).

Une AOC à portée de main
Après plus de 12 ans de travaux, la certification de l’appellation AOC « Ail de Cadours » est enfin en phase terminale.

« On attend le dernier avis d’expert pour l’aire d’appellation et le plan de contrôle. Si tout va bien, la récolte 2015 pourrait être enfin commercialisée en AOC », déclarait, lors de l’inauguration, Marc Costamagna, élu Chambre d’Agriculture 31 en charge de ce dossier. « Notre Chambre d’Agriculture et celle du Gers se sont fortement impliquées pour faire avancer ce dossier auprès de l’INAO. Grâce au travail de nos techniciens, en particulier Laurence Espagnacq que je tiens à remercier publiquement, le dossier va enfin aboutir. Mais ce travail n’a été possible que grâce à l’implication des producteurs.

Il faut enfin remercier le Conseil Régional et le Conseil Général pour leur soutien à cette filière qui permet des compléments de revenus non négligeables à ses producteurs. »

Auteur de l’article : Sébastien Garcia